
Can
Landed
Produit par
1- Full Moon / 2- Equinox / 3- Red Hot Indians / 4- Unfinished


Pour les fans les plus intransigeants, il n’y pas de Can qui tienne en l’absence de Damo Suzuki, dont le départ après la sortie de Future Days, marquerait non seulement la fin de l’âge d’or du groupe mais également la fin du véritable Can qui serait alors dépossédé de son âme. Or, il serait inacceptable de voir Soon Over Babaluma (1974) dépouillé de ses nombreuses qualités au prétexte de la seule absence de Suzuki, même si l’on pourrait entendre la déception causée par la perte de spontanéité des compositions instantanées, un processus créatif abandonné pour la méthode professionnelle de l’enregistrement multipistes (de douze puis seize pistes).
Inscrit dans la lignée de Soon Over Babaluma, Landed séduit par sa diversité qui l’entraîne parfois à se montrer plus grand public qu’à l’habitude, au moment même où Tangerine Dream sortait de son hermétisme pour rendre le Krautrock électronique accessible aux masses. Pour Can, il s’agit de se parer d’atours pop, portés par le chant froid de Michael Karoli qui évoque avant l’heure les Stranglers ou la New Wave à venir.
Ainsi, le groupe révise la recette du rock garage des 1960s sur "Full Moon on the Highway", tout en restant hypnotique et passablement bruitiste, tandis que les chœurs d’"Hunters and Collectors" accroissent la portée pop innovante du titre. À des fins de réinventions, Can lorgne vers les musiques du monde : le moderne "Half Past One" est un subtil mélange de tango, de musiques hispaniques et du rock psychédélique sur fond électronique qui préfigure European Female (1983), et "Red Hot Indians" mêle des percussions afrobeat aux interventions solistes jazzy d’Olaf Kübler au saxophone, alors qu’il y a du Lou Reed dans le flegme mélodique des parties chantées ("Walk on the Wild Side").
Can reste néanmoins un groupe de Krautrock expérimental au sens fort du terme : la folie progressive de "Vernal Equinox" alimente un vortex électrique infini, et surtout, les treize minutes d’"Unfinished" raviront les amateurs d’expériences musicales électroniques industrielles Faust-iennes. Une première partie discrètement symphonique laisse place à des bidouillages angoissants, fruits de la liberté créative accordée aux machines qui s’expriment sans l’aide des musiciens.
Alors Can ou pas Can ? Preuve en est de la pochette, il restait encore suffisamment de fans en 1975 pour en faire un collage, donc de nombreux mélomanes qui en voulaient encore. Tiens, voilà un slogan : "I Want More" !
À écouter : "Half Past One", "Red Hot Indians", "Unfinished"