
The Dear Hunter
North American EP
Produit par Casey Crescenzo
1- Magic Beans / 2- Four Amigos / 3- Shlammin' Salmon / 4- Classic Wrock / 5- Burritokyo


Un groupe comme The Dear Hunter ne cessera décidément jamais de nous surprendre. Menée par l’infatigable Casey Crescenzo, la formation américaine s’est forgée une réputation - certes confidentielle, mais solide - grâce à des concepts ambitieux déployés sur plusieurs albums livrés dans un ordre chronologique rigoureux. Pourtant, elle n’a jamais hésité à emprunter des détours pour le moins inattendus, cultivant une forme d’imprévisibilité qui continue de désarçonner, mais aussi de fasciner, son public. Alors que l’on espérait enfin voir débarquer le dernier Acte de son hexalogie du Dear Hunter, le groupe nous proposait à la place The Fox & the Hunt (2020), relecture symphonique de son univers. Et lorsque l’on attendait, pour cette rentrée, la suite de la très prometteuse fresque dystopique amorcée avec Antimai en 2022, nous voilà face à un EP sorti de nulle part, affublé d’un titre un brin exclusif et d’une pochette... étonnamment peu engageante.
En creusant un peu (le groupe n’ayant pas spécialement communiqué autour de cette parution), on découvre que ce North American EP est lié au documentaire consacré à la tournée nord-américaine de 2023 - un reportage qui, fidèle à l’esprit de la maison, a servi de point de départ à une comédie surréaliste mettant en scène une série d’événements aussi étranges qu’absurdes*. Quant à l’EP lui-même, il rassemble cinq morceaux sans véritable fil conducteur, que l’on devine issus de sessions éparses captées durant la tournée, complétés peut-être par quelques chutes de Antimai. Rien de renversant sur le papier, mais il serait dommage de négliger une production estampillée TDH. Car même lorsqu’ils s’autorisent un détour plus léger, voire anecdotique, Casey Crescenzo et les siens restent bien au-dessus de la mêlée dans le paysage du rock indépendant.
Très classique dans sa forme et un brin racoleur avec son introduction synthétique dopée au vocodeur, "Magic Beans" séduit pourtant par l’énergie positive qu’il dégage : un couplet raffiné et lumineux, des intonations vocales multiples, des élans gospel chaleureux, et un solo de guitare académique, presque old school. "Four Amigos", quant à lui, revient à une formule plus rock, dont la mélodie évoque clairement Honorary Astronaut, le projet solo de Crescenzo — au point de susciter une certaine impression de déjà-vu, voire de recyclage. Les deux titres suivants, "Shlammin’ Salmon" et "Classic Wrock", semblent tout droit issus des sessions de Antimai. On y retrouve cette approche plus théâtrale typique du groupe, avec des structures volontairement fragmentées, des sonorités inédites (associées à quelques sections de cuivres) et des breaks imprévisibles. Si certains fans de la première heure pourront rester sur leur faim, le dernier morceau, "Burritockyo", vient à lui seul justifier l’écoute de l’EP. D’une pop sensible et rêveuse, portée par des chœurs évoquant par instants Elbow, ce titre s’apprécie comme une friandise soyeuse et réconfortante, grâce à une mélodie qui s’installe sans prévenir dans un coin de notre esprit pour ne plus nous lâcher.
Sans forcer et sans prétention, les Américains livrent un amuse-bouche tout à fait sympathique - à défaut d’être indispensable - en attendant un plat plus consistant, qui ne saurait tarder. Au pire, cela fera un excellent prétexte pour se replonger dans la foisonnante discographie de The Dear Hunter, histoire de se mettre en condition avant leur concert parisien du 27 septembre. Un rendez-vous à ne manquer sous aucun prétexte, tant une telle apparition reste rare dans nos contrées…
* L’auteur de ces lignes n’ayant pas encore eu l’occasion de visionner ledit documentaire, on se contentera de signaler aux curieux qu’il est disponible en Blu-ray sur la boutique officielle du groupe.