Van Der Graaf Generator

La distinction entre la discographie de Van der Graaf Generator et celle de Peter Hammill en solo, n’est pas évidente à réaliser. The Aerosol Grey Machine (1969) déjà, premier album du groupe, devait initialement être publié sous le seul nom du chanteur à la voix aussi fragile que puissante. Puis, après la mise en sommeil de Van der Graaf Generator en 1971 au profit de sa carrière soliste, Peter Hammill recourt aux services des musiciens du groupe sur trois de ses cinq albums (Chameleon in the Shadow of the Night – 1973, The Silent Corner and the Empty Stage – 1974, Nadir's Big Chance -1975) qui prolongent souvent les cheminements esthétiques de la formation progressive (notamment le sublime The Silent Corner and the Empty Stage).

En 1975, Hammill décide de reformer son groupe sans pour autant adopter une démarche nostalgique : la musique du second Van der Graaf Generator, et donc celle de l’album de la résurrection, Godbluff, doit à la fois renouer avec l’esthétique du combo tout en marquant une évolution par rapport à la première période.

Si tel était le point de départ, le résultat est tout simplement exceptionnel et dépasse toutes les attentes – ainsi que l’ensemble des albums du début de la décennie.

Le son de Godbluff doit beaucoup à la découverte du clavinet par Peter Hammill, un clavier électromécanique (c’est-à-dire à cordes mais amplifié), très présent sur la plupart des titres dont l’excellent "Arrow", la pièce la plus avant-gardiste de l’opus. Elle commence sur une batterie introductive jazzy, dessinant un paysage parsemé de notes éparses à la basse puis d’élucubrations freejazz au saxophone, avant que n’arrive le clavinet qui effectue la transition vers le cœur du propos, un morceau sombre et torturé, magnifiquement interprété par Hammill au clavier et au chant ainsi que par le saxophone bombastique de David Jackson. Selon nous, "Arrow" est le chef-d’œuvre de Van der Graaf Generator, l’aboutissement de sa discographie exceptionnelle.

Néanmoins, Godbluff ne s’y résume pas : "The Undercover Man" est une pièce d’ouverture encore très symphonique et bien inscrite dans l’esthétique originelle du groupe, où la flûte et les claviers se dévoilent tout au long d’une montée en puissance ; l’athlétique "Scorched Earth" est quasi Zeuhl-ien quoique moins martial et plus lumineux et mélodique. Enfin, "The Sleepwalkers", magnifiquement porté par une cadence ternaire qui lui donne des airs d’épopée médiévale, surprend par certaines transitions circassiennes mais regagne vite des contrées progressives jazzy donnant lieu aux plus belles interventions de Jackson au saxophone.

Note à ceux qui n’auraient pas adhéré au propos (assez particulier, reconnaissons-le) du groupe sur ses premiers albums : jetez-vous immédiatement sur la deuxième face de Godbluff pour écouter les deux titres conseillés ci-dessous, il se pourrait que la conversion ait enfin lieu.

À écouter : "Arrow", "The Sleepwalkers"