Une
BO
ne mérite pas souvent ses lignes dans nos pages. Et pour cause : peu de compositeurs s’y frottent, et on y trouve vite une certaine redondance, parmi les musiques oh combien majestueuses des John Barry, Hans Zimmer ou encore John Powel, qui se révèlent de qualité, souvent dans des styles très voisins pour des films à Oscars. Mais lorsque une telle sortie concerne les
Daft Punk, fleuron historique de la French Touch, que le buzz à largement et efficacement précédé (on se souvient des nombreux fake qui fleurissaient
ici ou
là), on se doit de s’y intéresser.
Mais que les amateurs du duo versaillais se calment : de
Daft Punk, cette bande originale n’en présente aucunement la saveur. Dans cet exercice, Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo restent le plus souvent à l’écart des synthés pour davantage se concentrer sur le griffonnage des portées sur lesquelles sont couchées les notes du thème général. Un thème entre celui de
Batman (version Christopher Nolan) et celui de la trilogie
Jason Bourne pour le côté héroïque et aventureux qu’il dégage. Par ailleurs très réussi et très narratif, il réussit parfaitement à nous illustrer l’aspect technologique du film des studios Disney. Et c’est au London Symphonic Orchestra qu’est laissé le soin d’interpréter la bande originale pour une grande part. En parallèle, c’est plus discrètement que les ordinateurs des deux français accompagnent les cordes et les cuivres, souvent pour compléter le champ sonore limité de l’ensemble classique, dans l’apport de basses ténébreuses et de sons aigus ou acides. Les deux premiers titres illustrent parfaitement ce propos en exploitant l’un, puis l’autre, le thème du film, d’abord dans une version orchestrale ("Overture"), puis dans une version trip-hop puissante ("The Grid").
Et le tracklisting s’écoule aussi fluide que l’eau dans une rivière, avec des titres parfaitement liés, soit par ce thème générique, soit par ses accords, tendant davantage vers le classique pour certains, vers l’électro pour d’autres. Et dans ces cas là, enfin, on se met à reconnaître quelques petites choses des
Daft Punk. "Derezzed", par exemple, rappelle les musiques électro-punk du premier album du duo casqué
Homework, quand "The son of Flynn", lui, fait davantage penser au son house de
Discovery. Mais ces courts clins d’œil ne serviront qu’à justifier le choix de Disney d’avoir fait composer la
BO
de
Tron par les deux français, devenus par la force (ou plutôt faiblesse) des choses les faire-valoir du disque. Ce qui n’empêche pas
Tron Legacy d’être une très bonne bande originale, avec tout ce que ça comporte d’inconvénient, à savoir les répétitions et la durée souvent trop courte des meilleurs morceaux. Partant ainsi du précepte (très adapté à l’exercice de la musique de film) que plus c’est long, plus c’est bon, on retiendra quelques très bons titres, notamment à l’écoute de "Tron Legacy (End titles)", et son rythme électro syncopé. Certainement un des seuls morceaux formatés pour une écoute indépendante de tout l’univers et de l’imagerie du film.
Et là où le film ne semble pas faire l’unanimité parmi les
critiques, cet album se défend très honnêtement, exploitant au mieux les contraintes du genre.
Daft Punk parvient donc à en extraire une bande-originale riche et complexe, où le grand-écart Classique/Electro tire beaucoup plus sa réussite d’une production magistrale que d’un travail de composition exemplaire. Sans doute n’avons-nous pas à attendre d’avantage d’une BO.