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Critique d'album

David Bowie


Diamond Dogs


(24/04/1974 - RCA Victor - - Genre : Rock)
Produit par David BOWIE

1- Future Legend / 2- Diamond Dogs / 3- Sweet Thing / 4- Candidate / 5- Sweet Thing / 6- Rebel Rebel / 7- Rock 'N' Roll With Me / 8- We Are The Dead / 9- 1984 / 10- Big Brother / 11- Chant Of The Ever Circling Skeletal Family
Note de 4/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Apocalypse glam"
Franck, le 29/12/2024
( mots)

Libéré d’un avatar extraterrestre quelque peu envahissant*, et porté par le succès commercial de Pin Ups (un album de reprises assez dispensable avec le recul), David Bowie semble bien décidé à ouvrir un nouveau chapitre de sa carrière. Ce tournant s’accompagne d’une volonté de reprendre les rênes de sa création, mais surtout de prouver qu’il peut s’imposer seul : sans l’œil avisé de Ken Scott, son producteur de longue date, sans les Spiders from Mars, les musiciens qui l’ont accompagné jusqu’au sommet de sa notoriété, et surtout sans Mick Ronson, le guitariste qui a indéniablement contribué à façonner l’identité sonore de David Bowie durant cette première moitié des années 1970.


Forcément, une telle émancipation est loin d’être anodine : Bowie semble ne plus savoir où donner de la tête, s’éparpillant dans des projets aussi divers qu’improbables. Il tente d’abord de monter un groupe de soul (les Astronettes) aux côtés de la chanteuse Ava Cherry, puis envisage de créer une comédie musicale autour de Ziggy Stardust – une idée surprenante quand on sait à quel point le personnage a usé mentalement l’artiste britannique. Rapidement, son attention se tourne vers un projet encore plus démesuré : une adaptation musicale du roman 1984, le chef-d’œuvre de science-fiction de George Orwell. Bowie commence à composer plusieurs morceaux dès 1973, mais se heurte au refus catégorique de la famille Orwell de lui céder les droits. Contraint de revoir ses plans, le chanteur à la frimousse rousse pose les bases de son propre univers dystopique. Exit les paillettes et les tenues flamboyantes : le huitième album du Britannique explorera une facette nettement plus sombre et désespérée, illustrée par une introduction ("Future Legend") décrivant Hunger City, une cité post-apocalyptique où rôdent différents gangs de voyous, parmi lesquels les redoutables Diamond Dogs.


Bowie y aborde des thèmes comme le sexe et la violence, à travers des textes obscurs, dont le côté insaisissable reflète également sa consommation abondante de cocaïne durant le processus d’écriture. Pour incarner cette énergie brute et chaotique, Bowie se glisse dans la peau d’un nouveau personnage, Halloween Jack, une sorte de pirate androgyne en salopette rouge, symbole d’exubérance et de désinvolture.


Ce début d’album marque ainsi une certaine rupture de ton, sans toutefois se détacher de certaines influences stoniennes déjà largement exploitées sur Aladdin Sane (notamment sur le chant et certaines sections de guitare présentes sur le morceau éponyme). Le chanteur s’essaye à différents effets de voix et se semble enclin à l’expérimentation, à l’image du triptyque "Sweet Thing / Candidate / Sweet Thing reprise)", suite progressive captivante qui renforce sa singularité - et l’étrangeté de son propos - en usant de la technique du cut-up (procédé littéraire visant à fragmenter un texte et à le réorganiser de manière aléatoire).


En plus d’en assurer la production, Bowie s’investit pleinement dans ce nouveau projet, gardant une emprise totale sur le processus d’écriture tout en se chargeant d’une partie de l’instrumentation : les solos de guitares, mais aussi le saxophone et les claviers. 


Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Diamonds Dogs s’éloigne de l’idée d’un véritable concept-album, en raison d’un assemblage opportuniste et parfois incompréhensible. Difficile en effet de justifier l’apparition en milieu d’album du single "Rebel Rebel" et de son entêtant "Doo doo doo-doo", un titre pétillant et instantanée - dans la plus pure tradition glam rock – qui semble avant tout servir de produit d’appel (et pour cause, il s’agissait du single promotionnel !). Si certains y voient une lettre d’adieu au glam rock, "Rebel Rebel" est en réalité issu du projet avorté de comédie musicale, tout comme "Rock’n’Roll With Me", qui le suit sur l’album.


Fidèle à l’idée que rien ne se perd, la dernière partie de l’album puise dans les morceaux initialement composés pour l’adaptation de 1984. Ironiquement, c’est cette section qui se révèle être la plus captivante : la montée en intensité lugubre et hypnotique de "We Are the Dead", le patchwork sonore et la rythmique étrangement enjouée de "1984", ou encore l’usage singulier de cuivres sur le très fédérateur "Big Brother". En guise de conclusion, "Chant of the Ever Circling Skeletal Family" s’aventure dans des expérimentations sonores audacieuses, évoquant clairement l’influence des albums de Frank Zappa de la même époque (toute proportion gardée).


Au-delà de sa richesse intrinsèque, Diamond Dogs impressionne surtout par son caractère précurseur. Les touches funk et soul de "1984" annoncent déjà le virage stylistique que Bowie amorcera avec Young Americans (1975), tout en esquissant les bases de ce qui deviendra le disco. De manière plus objective, ce huitième album s’avère être une influence majeure du mouvement punk, tant par son imagerie sombre et provocante que par le chaos délibéré de certaines compositions, qui préfigurent directement les créations futures de The Clash et autres groupes affiliés.


Vous l’aurez compris, Diamond Dogs est un album qui laisse difficilement indifférent. Malgré l’accueil mitigé lors de sa sortie, il reste l’une des déclarations les plus poignantes et audacieuses de David Bowie. Ambitieux, opportuniste, et un brin fourre-tout, ce huitième opus séduit par les pépites qui émergent au cœur de cet étonnant désordre savamment orchestré.
Ziggy est mort, vive Halloween Jack !


 


* David Bowie met en scène la mort de son personnage de Ziggy Stardust à l’occasion d’un concert tenu à Londres, le 3 juillet 1973. 


 


A écouter : "Diamond Dogs", "Big Brother", "Rebel Rebel" 

Commentaires
DanielAR, le 29/12/2024 à 17:42
Une chronique "définitive" (merci pour ça) sur un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre entre petits rockers (en 1974, on s'écrivait encore..). Nous ignorions toutes les informations qui sont compilées et ordonnées ici. Par conséquent, beaucoup d'entre nous se sont épuisés à imaginer (ou inventer) une cohérence dans cet album (qui semblait conceptuel) alors qu'il s'agit d'un "foutoir" intellectuel et artistique. Les disputes ont été parfois homériques... La même année, le Belge de service qui avait créé la pochette de "Diamond Dogs" s'est également illustré en réalisant la pochette de "It's Only Rock'N'Roll" de qui vous savez.
Amaury de Lauzanne, le 12/07/2024 à 16:26
KO à cran de coke, Bowie sort les crocs dans un fracas de chaos...Que serait l’histoire du rock sans la drogue ? Un album très sombre avec trois monstres de foire sur la pochette, des guitares au son lourdingue, des textes apocalyptiques de fin du monde. We are the Dead et 1984 sonnent encore très bien. Sur ces titres, le chant de Bowie me plait beaucoup ainsi que Candidate/ Sweet Thing. Avec les sorties des inédits et bonus de Candidate et de 1984/Dodo, on découvre dans cet album un Bowie, qui vampirise la cocaïne dans des quantités astronomiques, à la voix grandiloquente et théâtrale. Bien chargé de poudre blanche, David est bel et bien un drôle de mutant hypnotique perdu dans un chaos fracassé. Bowie en 1993 : "Sur ce disque, j’ai utilisé à fond la technique de collage volée à William Burroughs. Ça explique l’aspect très fragmenté des textes. A l’époque où j’enregistrais Diamond Dogs au studio Olympic, Eno était en train de bosser sur Here Come the Warm Jets. Dès qu’il quittait le studio, j’allais écouter ses bandes, voir où il en était. Et je sais qu’il m’espionnait exactement de la même façon. Nous étions très surpris par la similarité d’écriture en collages. Drôle de disque, Diamond Dogs… Mon premier album entièrement enregistré sous l’influence de la cocaïne. L’ingénieur du son sur ce disque, Keith Harwood prenait lui aussi beaucoup de coke. J’en avais fini avec les Spiders from Mars et je m’étais mis dans la tête de jouer de tous les instruments, à part la batterie, où j’ai toujours été nul. J’étais donc la plupart du temps seul avec Keith, c’était de la folie furieuse. Nous avons totalement perdu la notion du temps, nous sommes parfois restés trois jours et trois nuits d’affilée dans le studio sans même nous en rendre compte. Aujourd’hui, je suis sidéré par la cohérence de l’album. Il aurait dû refléter le chaos qui l’a vu naître." Extraits du formidable entretien avec Jean-Daniel Beauvallet, à Londres en juin 1993, pour Les Inrockuptibles.