Jethro Tull
Stand Up
Produit par Terry Ellis
1- A New Day Yesterday / 2- Jeffrey Goes to Leicester Square / 3- Bouree / 4- Back to the Family / 5- Look Into the Sun / 6- Nothing Is Easy / 7- Fat Man / 8- We Used to Know / 9- Reasons for Waiting / 10- For a Thousand Mothers
Reprendre "Bourrée (en mi mineur)" de Bach pour en faire un tube rock relève du même exploit que de remettre au goût du jour l’agronome Jethro Tull en empruntant son nom. Mais cela ne fait pas peur à Ian Anderson, brillant flûtiste qui fait ici une prestation remarquable, inaugurant l’over-blowing et l’alliance flûte/grognement qui font sa marque. L’alliance entre la musique classique et le rock est à la mode en cette fin de décennie : des Moody Blues qui se font accompagner par un orchestre symphonique aux Nice qui reprennent ce répertoire, les groupes proto-progressifs mettent en partition leurs ambitions. Pourtant, à bien écouter « Bourrée » et malgré l’avenir de Jethro Tull dans les contrée progressives, on ne trouve pas ici de préfiguration du genre : le morceau est sautillant, la basse bien ronde (superbe solo), dans un registre plus jazz que rock. Néanmoins, l’utilisation de la musique baroque et la rupture des barrières instrumentales sont des ponts pour une musique plus émancipée des canons.
En effet, Jethro Tull s’éloigne des frontières du blues-rock pour s’attaquer au répertoire folk dans un sens large. Car si des pièces folk-rock classiques sont présentes (le très sautillant "Jeffrey goes to Leicester Square" ou la balade mélancolique "We Used to Know"), le détour par des musiques ethniques élargit le panel esthétique du groupe. Ainsi, « Fat Man » possède des percussions de style derbouka et une partie de mandoline sublime, lui donnant une originalité certaine. Anderson passe aussi à la balalaïka, s’il fallait augmenter les références à la variété instrumentale sur Stand Up.
Dans ce style, les compositions sont d’une grande qualité, elles marquent facilement l’esprit tout en possédant une architecture recherchée. "Reasons for Waiting", où Anderson fait une prestation impressionnante, mêle balade mélancolie, ponts inquiétants à la flûte, et passage orchestral.
Si la formation maintient son sentier blues-rock, c’est seulement au prix d’une orientation plus saturée et plus hard-rock. Ainsi, l’excellent "A New Day Yesterday" ouvre l’album sur un mid-tempo électrique quand "Back to the Family" (un des chefs-d’œuvre de l’album) propose un contraste entre douceur et envolée instrumentale alliant flûte et guitare, dévoilant un Martin Barre à l’aise avec les six cordes. Le bluesy "Nothing Is Easy" confirme ce recrutement judicieux. L’énergie débordante des troubadours se révèlent sur "For a Thousand Mothers" concluant l’album comme une annonce pour la suite : batterie, guitare et flûtes s’accordent à merveille pour un morceau dense et puissant.
Stand Up est le premier album qui dessine l’identité de Jethro Tull. Sa force réside également dans le maniement de genres variés : blues-rock, folk, hard-rock, musiques du monde … Les Etats-Unis sauront reconnaître le talent du groupe qui part à sa conquête, porté par Led Zeppelin. Bien que la belle pochette puisse rappeler Revolver, nous sommes ici davantage dans un renouveau de la scène anglaise que dans la simple continuité des gloires du milieu de la décennie. Les ménestrels du rock sont arrivés.