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Critique d'album

Mark Lanegan


The Winding Sheet


(01/05/1990 - SubPop - - Genre : Rock)
Produit par

1- Mockingbirds / 2- Museum / 3- Undertow / 4- Ugly Sunday / 5- Down in the Dark / 6- Wild Flowers / 7- Eyes of a Child / 8- The Winding Sheet / 9- Woe / 10- Ten Feet Tall / 11- Where Did You Sleep Last Night? / 12- Juarez / 13- I Love You Little Girl
Note de 4.5/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Le point de départ de l’Odyssée rock mélancolique de Mark Lanegan. Bâtie sur un projet avorté et sur un coup fil en apparence anodin."
Maxime L, le 04/04/2022
( mots)

1989, les Screaming Trees viennent de sortir Buzz Factory, leur quatrième album, dont tout le monde se contrefout ou presque, en dehors de la scène locale de Seattle, d’où le groupe à toutes les peines du monde à exporter son proto-grunge teinté de psychédélisme.


Les membres sont soit ingérables, soit complètement camés, quand ça n’est pas les deux, et son leader et frontman, Mark Lanegan, tout aussi instable et tout autant chargé, aspire de moins en moins secrètement à s’échapper dès que possible de l’emprise des frères Conner, bassiste et guitariste des Screaming Trees, et qui passent leur temps à se foutre sur la tronche, à la scène comme à la ville. Si son background musical est profondément ancré dans le punk, Anarchy in The Uk des Sex Pistols étant la révélation de son adolescence, les goûts de Mark Lanegan se sont affinés avec le temps, lorgnant vers deux nouvelles directions bien distinctes.


D’un côté, le folk monacal et austère, inspiré entre autres par Nick Drake, découvert sur une K7.


Quand je suis rentré chez moi et que je l'ai mise dans le lecteur, j’ai découvert la musique de Nick Drake, puis celle de Leonard Cohen, de Tim Buckley, et d’autres. Mon imagination s’est enflammée. J'avais souvent écouté les premiers albums de Nick Cave et cette musique-là était dans la même veine : sombre et magnifique. Quand je m'y suis plongé, je me suis senti transformé. J'adorais le Velvet Underground, Joy Division, et tant d'autres, mais cette musique principalement acoustique, personnelle et confessionnelle semblait me raconter ma propre histoire. Elle touchait un point sensible et douloureux dont je n'avais pas conscience jusque-là. Mes perspectives musicales en ont été profondément changées"*.


De l’autre côté, Lanegan est aussi fasciné par le blues séminal traditionnel, et notamment Leadbelly, légendaire guitariste blues-folk des années 40, à qui il voue un véritable culte. A tel point qu’il met sur pied, un projet annexe, sensé reprendre une partie du répertoire de LeadBelly, en compagnie des 2 tiers d’un groupe qu’il a découvert deux années plus tôt, à l’occasion d’une prestation live à la bibliothèque de sa ville natale, Ellensburg, devant une audience clairsemée mais médusée par le set de ces régionaux de l’étape : Nirvana.


Krist Novoselic à la basse, Kurt Cobain à la guitare, Mark Pickerel, déjà batteur des Screaming Trees, et qui accessoirement, travaille chez SubPop, mythique label de Nirvana, (cela à son importance) et donc Mark Lanegan au chant. Voici ce qui constitue à l’époque l’alléchant line-up de “The Jury”, projet hélas avorté, en dépit de plusieurs sessions de répétitions. Mais quelques semaines plus tard, Lanegan reçoit un coup de fil de Jonathan Poneman, l’un des boss de SubPop, pour lui proposer d’enregistrer un disque solo.


Voici à quoi tient peut-être la carrière solo de Mark Lanegan : un coup de fil. Et voilà pour le décor et le contexte autour du premier album solo d’une discographie qui en comptera 12 (en plus des multiples collaborations et participations à ne surtout pas négliger).


Si Lanegan n’est pas un excellent musicien (il s’achètera alors une guitare acoustique bon marché et un manuel d’occasion), il fait preuve de volonté et d’acharnement pour tenter de composer ce qui va constituer le squelette de The Winding Sheet :


Chaque jour, à mon boulot à l'entrepôt, je trouvais une mélodie et quelques paroles que je me répétais dans ma tête. Quand je trouvais une idée que jaimais bien, je la mémorisais en me la répétant mentalement pendant le trajet en bus jusqu'à la maison. Dès que jarrivais chez moi, je prenais ma guitare et mon livre et je cherchais jusqu'à ce que je trouve les notes correspondant à la mélodie et au chant, presque toujours les mêmes trois ou quatre accords.”*


Fort de son expérience et de son parcours avec les Trees, il réussit à monter une solide équipe autour de lui : Jack Endino, à la basse et qui co-produira le disque avec Mike Johnson, futur Dinosaur Jr, et qui jouera ici de la guitare, tout en co-signant une bonne partie des titres. Quant à la batterie, elle est jouée par Mark Pickerel. En tout cas sur la moitié de l’album uniquement, l’autre étant complètement dépourvue de percussions.


Et c’est là le premier grand virage pour Lanegan : une musique beaucoup plus dépouillée, plus acoustique que celle jouée avec les Trees ; et en cela, tout à fait raccord avec ses influences évoquées plus haut. S’il y a bien évidemment quelques lignes de guitares électriques ici et là, dès le superbe morceau inaugural “Mocking Birds”, c’est davantage l’ambiance “clair-obscure”, rageuse mais contenue, qui se dégage de l’album. La voix de Lanegan est, surtout rétrospectivement, encore fragile, pas toujours assurée mais elle parvient à monter sur des hauteurs inhabituelles, on pense particulièrement à “Wild Flowers”, l’une des chansons où il s’accompagne seul à la guitare (avec “Woe” et “I Love You Little Girl”). Au rayon des grandes réussites, notons “Down In The Dark”, sans doute la composition la plus “rock” (et réhaussée par les choeurs très reconnaissables de Cobain), ainsi que “Ugly Sunday”, eyt son, habillage feutré, entre arpèges soyeux et violons lancinants. Difficile enfin de ne pas mentionner l’incandescente “Where Did You Sleep Last Night”, reprise de LeadBelly et rescapée du fameux projet The Jury.


The Winding Sheet est une oeuvre qui n’est pas dénuée de défauts, certains morceaux un peu anecdotiques, un “Juarez” aux paroles douteuses, mais il marque une vraie rupture pour Lanegan, et surtout une ouverture pour l’artiste américain, désireux de s’éloigner des Trees et plus généralement du rock alternatif américain. Dans ce sens, The Winding Sheet n’est pas un disque solo du leader d’un groupe de grunge (terme qui sera pleinement utilisé seulement 1 an plus tard), mais il initie une oeuvre profonde, introspective et baignant dans un folk-blues semi acoustique ombrageux mais jamais lugubre.


Un disque qui selon les dires de Dave Grohl, autre personnage important du rock américain, est “un des meilleurs albums jamais enregistrés et qui fût une énorme influence pour le Mtv Unplugged de Nirvana”. Un disque sorti presque trop tôt, le grunge acoustique n’ayant pas encore été inventé, et qui démontre la propension malheureuse de Lanegan à ne pas être au bon endroit au bon moment avec le bon disque, comme on vous l’expliquait pour l’excellent Sweet Oblivion. Et avec le recul, on ne peut que regretter que Lanegan n’ait pas accepté la proposition de Cobain à les rejoindre sur “Where Did You Sleep Last Night”**, histoire de bénéficier davantage et surtout plus tôt, un peu de cette reconnaissance qui a mis tant de temps à le fuir.


 


À écouter : “Mocking Birds”, “Woe”, “Undertow”, “Ugly Sunday”


 


*citations extraites de son autobiographie, "Sing Backwards and Weep".


**Cobain avait proposé à Lanegan d’accompagner Nirvana sur cette reprise lors de l'émission. Offre que Lanegan refusa poliment, arguant qu'il aurait trouvé étrange qu'un chanteur relativement inconnu vienne interpréter une chanson aux côtés du plus grand groupe du monde pendant une émission si populaire. 

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