Mirel Wagner
When The Cellar Children See The Light of Day
Produit par
1- 1 2 3 4 / 2- The Dirt / 3- Ellipsis / 4- Oak Tree / 5- In My Father's House / 6- Dreamt Of A Wave / 7- The Devil's Tongue / 8- What Love Looks Like / 9- Taller Than Tall Trees / 10- Goodnight
Mirel Wagner a vingt-trois ans, est née en Éthiopie mais a rapidement émigré vers sa terre d'adoption, la Finlande. On ne sait qui du feu ou de la glace a le plus influencé sa musique, ce que l'on sait c'est qu'il n'a pas fait les choses à moitié. Son second album, When The Cellar Children See The Light Of Day (rien que le nom annonce la couleur), nous offre une plongée asphyxiante dans les méandres de son esprit torturé, le tout en équilibre sur une inusable guitare acoustique qu'elle traîne partout comme son unique héritage. Bienvenue, mais surtout, n'ayez pas peur du noir.
L'album débute par une comptine un brin sordide ("1 2 3 4") dans laquelle elle égraine les mots façon berceuse, "One, two, three, four / What's underneath the floor?". Le morceau se dévoile sans hâte, sans dévier de sa trajectoire, comme un défi lancé à tout ce qui peut faire peur. Un titre lent, à l'ambiance lourde malgré sa franche nudité (une voix, une guitare) et porté par les talents de story-teller de Wagner. Si dans son premier album elle s'échinait surtout à distiller son sombre venin dans l'air opaque, elle s'applique ici davantage à incarner les héroïnes malheureuses de ses chansons. En résulte une implication totale qui confine parfois à la folie et quelques frissons supplémentaires pour l'auditeur. Elle nous prend par la main et nous jette sans ménagement dans une spirale infernale dans laquelle on est happé comme par magie, soufflé par le caractère terriblement hypnotique de sa voix de chamane, comme une passeuse entre la réalité et le cauchemar.
La musique de Mirel Wagner, aussi simple soit-elle, ne joue pas uniquement sur son ambiance glaciale. L'échange entre ses mots et sa guitare (et, par accident, quelques rares autres instruments) tisse une tension palpable, un contraste entre sa voix feutrée et l'urgence lente, épaisse des compositions. "The Dirt", lourd comme une coulée de boue ou "Oak Tree" qui relate l'abandon d'une enfant sous un arbre illustrent cette improbable alchimie, des morceaux à la fois austères et définitivement accrocheurs. Car si la folk lo-fi de l'artiste respire la poussière, autant des espaces confinés dans laquelle elle se prélasse que par ses influences datées, elle ne manque pas de caractère et d'efficacité. Dès que le tourbillon s'enclenche il vous plonge dans une léthargie moite et rien d'autre ne compte. Difficile de s'évader quand l'étau se resserre, guidé autant par la mélancolie latente que la répétition d'ambiances étranges. Wagner est une vraie compteuse de talent, même quand elle détaille l'amour avec suspicion dans "What Love Looks Like" ou dans une douceur mystique dans "Taller Than Tall Trees".
Car elle sait aussi faire preuve d'émotion, que ce soit dans les violons épars de "Ellipsis" ou les silences d'un "In My Father's House" à vous foutre les chocottes. Plus encore dans la quiétude de "Dreamt Of A Wave" où elle invoque les échos de Hope Sandoval et de toutes les prêtresses de la dream pop. Et si le perpétuel duel entre l'ombre et la lumière est ici largement dominé par la première, un doute subsiste à l'écoute de "Goodnight", splendide dernier couloir du labyrinthe, toujours aussi nu mais éclairé d'un éclat nouveau, paisible en attendant la nuit. Ne vous y trompez pas, si When The Cellar Children See The Light Of Day paraît rude et sévère au premier abord, il recèle en fait des trésors de chaleur et de beauté étrange. Nourri à l'intime et au secret, il se dévoile par bribes et sublime une folk épurée et minimaliste qui ne peut laisser insensible. Et puis cette voix traînante, presque indolente qui nous murmure des horreurs à l'oreille, c'est un véritable délice.