Narrow Terence

Découverts sur scène, d’abord seuls puis en première partie d’Ez3kiel, les Narrow Terrence avaient laissé une belle image dans nos rétines de spectateurs extatiques. Rugueux et fleurant bon la transpiration, leur rock mâtiné de folk trouve son aboutissement avec la sortie d’un deuxième opus, le premier étant passé relativement inaperçu. Tantôt cru, tantôt doux, Narco Corrdios possède beaucoup d’arguments pour s’imposer comme nouveau représentant du savoureux mélange violon, whisky et mélancolie, créneau laissé vacant en France depuis la dissolution des très bons Jack The Ripper.

Narco Corridos s’offre à l’auditeur tel un rubis aux multiples facettes. Opposant un rock déjanté et aride ("The Weakness of The Sheep" ou "Wet Dead Horses") à des ballades folk minimalistes ("Love", "How She Ruined My Life"), Narrow Terence construit sa musique sans se soucier des étiquettes. Et même s’il est possible de regrouper les morceaux sous ces deux bannières, force est de constater que l’album est très varié, chaque piste dessinant son univers, quelque part entre la rudesse du désert et la douceur des soirées au coin des cheminées du grand Ouest. Car ces Français voudraient se faire passer pour des petits ricains barbus que tout le monde n’y verrait que du feu.

Narrow Terence c’est d’abord deux voix, l’une rocailleuse, l’autre tendre, qui hantent ce disque pendant plus de quarante minutes. Celle du mec qui a trop vécu, trop bu et trop fumé et qu’on croirait tout droit sortie de la bouche d’Arno. Elle occupe l’espace et convient à merveille à ces complaintes bluesy. Celle de l’innocence qui nous conte l’amour et le désarroi avec tendresse. Entre ce rock gras, teinté de stoner et les balades folk, l’auditeur a de quoi se repaître pendant plusieurs jours. A cette qualité intrinsèque, les membres du groupe ont su implémenter un supplément d’âme légèrement barré avec l’omniprésence du violon et des cuivres. De petites touches picturales, qui densifient les morceaux, créant une bulle dont il est difficile de sortir. Denses, les compositions sont des amas de textures qui deviennent plus épaisses et plus âpres au grè des minutes. Les ballades intimistes sont toujours très justes, tandis que lorsque le groupe sort ses amplis, c’est pour saigner à blanc la portée. Ainsi, la silhouette des morceaux les plus réussis ("The Hole", "Love Battle", "The Weakness Of The Sheep") s’épanouit entre rugosité et volupté, dans un univers enfumé et un peu désespéré. Une détresse qui fait d’autant plus mal qu’elle n’est jamais feinte : chez Narrow Terence tout semble vrai et sonne juste.

En puisant dans l’héritage des songwriters américains de Tom Waits à Eels, Narrow Terence parvient à générer sur cet album une folie douce, une rage mâtinée de détresse. A cet égard, un grand merci à la production : rauque comme il faut, claire et précise. L’ensemble est touffu, à la fois immédiat et long en bouche. Et si le tout peut parfois paraître décousu, c’est pour que chacun puisse y puiser à loisir la pépite qui correspondra le mieux à son état d’âme.