Queens of the Stone Age
In Times New Roman...
Produit par Queens of The Stone Age
1- Obscenery / 2- Paper Machete / 3- Negative Space / 4- Time & Place / 5- Made to Parade / 6- Carnavoyeur / 7- What The Peephole Say / 8- Sicily / 9- Emotion Sickness / 10- Straight Jacket Fitting
On en parle, du dernier Queens of the Stone Age ?
À l’origine, l’idée de pouvoir donner un avis sur l’un des skeuds de la bande à Josh Homme avait pour moi quelque chose de réellement réjouissant, ne serait-ce qu’en raison de la stature du groupe, de son aura, de son importance considérable dans le monde du rock. Jusqu’à présent, tous les albums des QOTSA avaient été traités sur Albumrock par Maxime, tant et si bien qu’un autre son de cloche ne s’était jamais fait entendre. Le hasard voudra malheureusement que la nouvelle cloche retentisse pour le plus mauvais disque du groupe, et ce d’assez loin. Avant d’aller plus loin, il conviendra donc de dresser le rapport que le chroniqueur entretient avec Josh Homme et sa clique, un rapport de sympathie mêlé d’agacement, sympathie (sans excès) pour l’œuvre de Homme, agacement (sans excès non plus) pour l’homme Homme.
L’œuvre elle-même ne souffrait jusqu’ici pas vraiment la critique. Sans être un fan transi, on pouvait reconnaître au grand rouquin, à défaut d’un talent de songwriter fabuleux (on y reviendra), à tout le moins une façon de faire singulière, une volonté de rechercher le truc qui chamboule une mélodie, un don (indéniable) dans la maîtrise des dissonances et des arrangements atypiques, une réelle science du psychédélisme hallucinogène, que ce soit par le biais de ses fameuses structures rythmiques lourdes obnubilantes ou ses textures soyeuses évoquant les trip plus ou moins bad sous substances, mais aussi la qualité de savoir bien s’entourer et se reposer sur les talents qu’il réussit à aimanter (Desert Sessions, Mark Lanegan, Dave Grohl, and so on). L’œuvre elle-même force le respect, que ce soit chez Kyuss ou les QOTSA. Des disques comme Rated R et Songs for the Deaf, il y en a qui tueraient père et mère pour pouvoir les réaliser. Comme ça, c’est dit.
Mais force est de constater que le déclin entrevu à l’issue du disque écarlate à la fourche se fait de plus en plus criant. S’il est idiot d’attendre à tout crin d’un groupe de conserver la fraîcheur de sa jeunesse, on ne saurait passer outre un manque d’inspiration que le grand Homme avait jusqu’à peu réussi à dissimuler derrière un gros travail d’arrangements et de production, avec en point d’orgue le complexissime Era Vulgaris (dernier disque réellement digne d’intérêt des Queens du point de vue de votre serviteur) qui en aura laissé plus d’un sur le carreau tellement ses bizarreries confinent à l’hermétisme. Mais, et c’est là l’élément crucial, il y avait encore sur Era Vulgaris des saillies d’écriture saisissantes, en particulier le fabuleux “Make It With Chu”, qui nous faisaient dire que les QOTSA étaient davantage que de bons ouvrageurs de guitares heavy. Mais l’écriture n’a ensuite cessé de décroître en qualité pour en arriver au résultat que l’on sait, In Times New Roman..., un disque totalement vide de chansons au sens propre du terme.
Et puis il y a Josh Homme lui-même qui, de plus en plus, se met en avant pour vendre ses émoluments, lui qui auparavant savait justement se cacher derrière ses invités et partenaires. Exit les Desert Sessions, exit les collaborations en tous genres, les associations avec le meilleur batteur en activité dans la sphère rock (Dave Grohl), l’un des meilleurs chanteurs alors en activité dans la sphère rock (Mark Lanegan, paix à son âme), l’un des bassistes les plus déjantés et atypiques qui soit (Nick Oliveri), on en passe et des meilleur(e)s. Une grande partie de ce qui faisait le sel des Queens a fini par doucement s’évaporer tandis que l’Elvis rouquin (qui n’est plus si rouquin que ça d’ailleurs) n’en finit plus de s’étaler sur ses difficultés existentielles à grands renforts d’interviews émotives. Il est un fait que Josh en a bavé ces dernières années : santé (cancer), famille (divorce tumultueux), amis (décès en tous genres), tout est méchamment parti en couille. Mais si l’égo reste nécessaire pour aller de l’avant, encore faudrait-il veiller à ce qu’il ne soit pas trop envahissant. Or quand Homme a convoqué ses amis pour la dernière fois, c’était pour leur offrir des seconds rôles de façade au point qu’on ne parvenait même pas à déceler leurs contributions dans le prétentieux …Like Clockwork qui, déjà, empilait des titres plus inintéressants les uns que les autres. Un petit mieux a pu être décelé lors d’un Vilains pas si vilain que certains voudraient nous le faire croire, eut égard justement à quelques titres, quelques mélodies plutôt réussis. Las, il n’y a plus rien à se mettre sous la dent dans In Times New Roman..., quand bien même Josh Homme nous le vend comme le meilleur disque des Queens of the Stone Age, carrément.
Résumons : deux titres nous avaient été proposés en teasing de ce huitième disque studio, “Paper Machete” et “Emotion Sickness”. Déjà, on demeurait sceptique tant ces morceaux pouvaient au mieux être qualifiés de “sympathiques” sans réellement parvenir à susciter la moindre once d’enthousiasme. Un riff carnassier pour le premier - et Homme en a déjà pondu de biens meilleurs -, une ambiance bien fichue pour le second - mais même remarque. Le problème, c’est qu’il n’y a rien d’autre dans ce disque, aucun titre marquant, aucune mélodie qui reste en tête, aucune idée saisissante, rien. Ce qui prédomine, c’est l’ennui. Ennui en première écoute, ennui en seconde écoute, ennui en dixième écoute, pas de progression dans ce sentiment de marasme et de vacuité. Sur le papier, c’est-à-dire intellectuellement parlant, ça devrait fonctionner, tous les éléments sont là, il y a ce son fuligineux à nul autre pareil (malgré une production pas folichonne et un son de batterie horrible), de la technique, de la personnalité, du travail que l’on sent réel, mais il n’y a pas d’inspiration, pas de celle qui touche au cœur ni prend aux tripes. Déjà très cérébrale, de plus en plus au fil du temps d’ailleurs (en témoigne ces contractions débiles dans les titres de chanson, Obscenery, Carnavoyeur, Peephole, Sicily, etc), l’écriture de Josh Homme en est devenue tellement lointaine de son auditeur qu’elle ne parvient même plus à entrer en résonance avec lui - en tout cas avec moi. Tout sonne déjà entendu et rebattu mille fois avec tellement plus de réussite auparavant, comme par exemple ces décalages rythmiques de “Time & Place” nettement plus originaux et même mieux troussés sur “3’S & 7’S” (Era Vulgaris). Ailleurs ce sont les arrangements qui agacent, cf cette basse insupportable à force de redondance et de platitude sur “Negative Space” ou ces violons qu’on voudrait défoncer à coups de pieds tellement ils se montrent odieux de mièvrerie sur “Carnavoyeur”. Et tout est du même acabit : “What Peephole Say” commence bien avec ses déhanchements alertes mais plonge dans une coda basse du front gorgée de voix niaises au discours horripilant, un gâchis indescriptible. Ça se traîne, ça s’enlise (“Sicily” dont la matière s’étire de façon déraisonnable, ou “Straight Jacket Fitting”, interminable), mais le pire est atteint sur “Made To Parade”, tellement insupportable dans son pachydermisme benêt qu’on en vient à le zapper illico en passant au titre suivant. Soit dit en passant, c’est la première fois qu’un titre de QOTSA me fait cet effet-là.
Pas grand-chose à ajouter et pas grand-chose à sauver, donc, sur le dernier Queens of the Stone Age. Pire qu’un album simplement correct, on a ici droit à un album médiocre que ses rares points d’accroche, bien trop tempérés, ne parviennent pas à entraîner vers la réussite, et dès lors tous les tics scripturaux qui peuvent agacer chez Josh Homme finissent par transparaître de façon exacerbée, sa faiblesse mélodique, son déficit de matériel, ses gadgets de production, ses redites, son manque d’inspiration et de renouvellement. On se dit que c’est l’âge - pour Josh comme pour moi d’ailleurs -, qu’on se fait vieux et aigri, l’adage du “c’était quand-même mieux avant” sonnant curieusement plus volontiers chez les gâteux fermés à la nouveauté. N’empêche : allez donc faire un tour dans la disco passée de Homme et écoutez, au hasard, Lullabies to Paralyse, soit même pas l’un de ses disques références. OK, vous l’avez dans l’oreille ? Allez, repassez-vous In Times New Roman... Comme on dit, il n’y a pas photo. Et ça fait chier.