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Critique d'album

TesseracT


War of Being


(15/09/2023 - Kscope - Djent - Genre : Hard / Métal)
Produit par TesseracT & Peter Miles

1- Natural Disaster / 2- Echoes / 3- The Grey / 4- Legion / 5- Tender / 6- War Of Being / 7- Sirens / 8- Burden / 9- Sacrifice
Note de 4/5
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Note de 3.5/5 pour cet album
"Le cube cosmique amorce son évolution vers la cinquième dimension"
Franck, le 02/11/2023
( mots)

Au moment de sa sortie en 2018, nous voyions en Sonder - le quatrième album de TesseracT - une sorte d’"équilibre entre toutes les aspirations du groupe, un condensé de ce qu’il sait faire de mieux". Cette appréciation était à mettre en corrélation avec le sentiment que la scène djent avait atteint les limites de ce qu’elle avait à offrir, et que les pontes du genre (comprenant également Periphery et Animals as Leaders) finiraient inéluctablement par se sentir bridés par certaines frontières stylistiques. Car si ce sous-genre du metal progressif assure à celui qui le pratique une certaine liberté de composition - tant sur l’aspect rythmique que créatif -, force est de constater que la dimension esthétique n’en reste pas moins balisée par des sonorités bien établies, une récurrence de certains gimmicks, et une technique reposant en partie sur la polyrythmie et l’usage du palm mute*. Dès lors, il paraissait évident que le groupe britannique avait tout intérêt à revoir progressivement sa recette afin d’éviter de sombrer dans la répétition. 


Ce besoin d’évoluer se ressent notamment à travers les (multiples) projets parallèles du chanteur Daniel Tompkins. Particulièrement actif, ce dernier a d’ailleurs démontré une certaine ambivalence, entre une carrière solo qui semble dénuée de fil conducteur - à l’image de deux albums (Castels et Ruins) évoluant respectivement entre pop expérimentale (un peu naïve) et metal alternatif (assez insipide) - et un groupe secondaire White Moth Black Butterfly qui s’est malheureusement vu destitué de tout ce qui faisait son charme à cause d’un troisième opus au relatif mauvais goût (The Cost of Dreaming, 2021). Une mue est amorcée du côté du chanteur britannique, pour le meilleur et pour le pire... 


Quant à TesseracT, on perçoit depuis quelques temps une envie de transcender la musique avec une approche très graphique, voire même cinématographique. Dernièrement, le groupe au cube cosmique livrait avec Portals (2021) une expérience live d’un autre genre, immersive et captivante sous fond d’imagerie SF. La conception du nouvel opus du quintette (War of Being) s’est d’ailleurs imprégnée de cette esthétique futuriste, posant les bases d’un univers qui devrait s’étendre via un jeu vidéo en réalité virtuelle**. Se frottant pour la première fois à l'exercice du concept album, Acle Kahney et sa bande posent leur récit dans le monde dystopique de Strangeland dans lequel les personnages dénommés "ex" et "el" tentent de survivre en menant une quête cathartique. Dans un souci du détail, et pour renforcer son concept, le groupe est même allé jusqu’à réaliser la pochette de l’album en s’aidant d’une I.A. Le premier titre dévoilé (l’éponyme "War of Being") plaide en faveur d’une ambition revue à la hausse à l’occasion d’un imposant clip en image de synthèse exploitant la technologie de motion capture. Un travail colossal a été effectué sur la forme (ce qui devrait ravir les amateurs de concepts ambitieux), mais qu’en est-il de la musique ? 


Premier constat, plutôt fragrant à la première écoute : War Of Being adopte une posture nettement plus violente qu’à l’accoutumée, Daniel Tompkins se déchainant - sans restreindre ses hurlements - dès le couplet inaugural de "Natural Disaster". Un démarrage nerveux qui s’appuie sur des virevoltes rythmiques permettant de bifurquer à tout moment vers une tout autre direction mélodique. Pour la faire court, les Anglais ne s’étaient pas montrés aussi virulents depuis leur tout premier opus (One, 2011) ! Ce début d’album, déstabilisant et sans concession, pourra s’avérer difficile à appréhender tant il propose de choses différentes. Faites-vous à l’idée, car ce cinquième TesseracT vous donnera du fil à retordre et ne compte pas vous livrer ses secrets avant un certain nombre d’écoute. Nous irons même jusqu’à affirmer qu’il s’agit de l’œuvre la plus complexe et ambitieuse des Anglais ! Cela en fait-il pour autant un magnum opus comme semble le clamer une partie de la presse spécialisée ? Pour ma part, je dois avouer être particulièrement mitigé…


Mitigé d’une part, car à l’instar des essais solos de Tompkins, il ressort de l’écoute une forme d’indécision quant à l’orientation à prendre. Ceci a pour conséquence de faire cohabiter tout et son contraire : des passages pêchant par grandiloquence et de véritables fresques progressives aussi éreintantes qu’hermétiques. D’autre part - et ce n’est pas faute d’avoir essayé -, certains titres sont loin d’être impérissables, peinant réellement à marquer les esprits, noyés dans la masse ou trop impassibles dans leur approche mélodique pour susciter la moindre émotion. Sans grande surprise, un titre comme "Echoes" revient par exemple à une approche plus conventionnelle et radiophonique, mais se voit malheureusement plombé par un refrain insipide usant de gueulantes qui pour le coup semblent bien inappropriées… On a également déjà vu TesseracT plus inspiré au moment d’aborder le titre "Burden", une complainte pop interminable dévoilant la facette la plus mièvre du combo. Plus dommageable encore, c’est cette absence de riffs à vous retourner les méninges qui laisse un goût d’inachevé, sentiment renforcé par une prod manquant parfois de peps et de relief.


Si tout n’est pas parfait sur cet album, plusieurs passages viennent redresser la barre de manière fort convaincante, à commencer par le morceau "The Grey". Nous y retrouvons la signature rythmique du combo, animée par un jeu de basse (géré par l’irremplaçable Amos Williams) à la partition complexe et syncopée. Le groupe tente de nouvelles choses, quitte parfois à en faire trop à l’image du titre "Legion" : doté d’une ambiance captivante et d’une saisissante montée en intensité - renforcé par un break troublant à la rythmique impossible -, ce morceau nous rassure sur le fait que les Anglais ont encore de belles choses à offrir, même si la manière peut parfois paraitre maladroite et légèrement poussive. On pensera notamment à Daniel Tompkins qui se livre ici à un véritable numéro, passant par tous les états et faisant étalage d’une palette vocale assez sidérante (ce dernier atteignant pour l’occasion des fréquences particulièrement aigues). 


Au rang des incontestables réussites, "Tender" se distinguera par son cadre intimiste empli de mélancolie. Le morceau prend une ampleur inattendue à l’occasion d’un final virtuose où les harmonies vocales gagnent en intensité au fur et à mesure de l’ascension. Quant au titre éponyme, il justifie à lui seul l’écoute de l’album ! Puissant, itératif et captivant, ce mastodonte de 11 minutes marque les esprits dès son entame grâce au martellement furieux d’une batterie décomplexée. Particulièrement virulent sur sa première moitié, le morceau prend des allures de metal industriel avec ses sonorités abrasives et désincarnées, avant de basculer sur une section typiquement djent à l’allure infernale. Saisissant de justesse, Tompkins apporte toute sa singularité à la composition en proposant plusieurs nuances de chant guttural. Qu’on aime ou pas son style, il est indéniable que ce dernier fait partie des vocalistes les plus talentueux de sa génération. Ne lésinant pas sur les mélodies à tiroirs et présentant quelques longueurs évidentes, "War of Being" reste impressionnant dans son exécution et son approche radicale. Peu de groupes auraient été capables de sortir un tel objet musical...


Ayant poussé le genre djent vers des sommets insoupçonnés par le passé, TesseracT semble désormais prêt à s’ouvrir à quelque chose de plus grand, un peu comme si le tesseract (la forme géométrique quadridimensionnelle) tentait d’évoluer vers une nouvelle forme en cinq dimensions. Ce cinquième album constitue ainsi le premier émolument d’une musique qui s’affranchit peu à peu de certaines frontières stylistiques. Parfois poussif dans ses parti pris, mais surtout un peu trop froid et impassible d’un point de vue mélodique, War of Being peine à marquer les esprits comme le fit son excellent prédécesseur (Sonder se posant plus que jamais comme l’antithèse compacte et lumineuse de War of Being). Ce cru 2023 n’en reste pas moins un album hautement recommandable, qui devrait combler les amateurs de musiques ambitieuses et jusqu’au-boutistes. Pour ceux qui ne seraient pas entièrement convaincus, il y a fort à parier que les titres présents sur cette nouvelle galette atteindront leur pleine mesure une fois retranscris sur scène. L'énorme travail esthétique réalisé autour de l’album laisse en tout cas présager un spectacle aussi intense qu’immersif. Pour ma part, le rendez-vous est pris pour le 14 janvier au Bataclan !


 


* Le palm mute est une technique de jeu pour la basse et la guitare qui consiste à étouffer les cordes avec la paume de la main. Cela confère un rendu plus puissant et incisif à certaines notes.


** Le groupe proposera d’explorer le monde de Strangeland à travers un jeu vidéo en réalité virtuelle. Une campagne de financement Kickstarter est en cours pour financer le projet, avec pour objectif un lancement du jeu pour fin 2024 / début 2025. 


 


A écouter : "War of Being", "Tender", "The Grey"

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