The Alison Ashmore

Franchement, quand on y pense, qui comprend la moitié des titres d'album qu'on nous sort chaque année ? Entre les énigmatiques, les éponymes et les délires à deux balles, on se demande parfois ce qui peut bien motiver le choix de certains artistes. Comme si, au final, le nom de la galette n'avait plus d'importance. A l'heure où le CD lutte pour sa survie, on se demande parfois si les artistes eux-mêmes n'ont pas lâché l'affaire... Et puis, il y a ceux qui mettent l'essence même de leur album dans un mot ou deux. Dernièrement, Emilie Simon et son Franky Knight par exemple, ou bien, dans le cas présent, The Alison Ashmore et leur Psychedelic Breakfast. Une fois le titre connu, plus besoin de se poser de question. Cet album semble immergé dans une musique psyché ressurgie du fin fond des années 60, saupoudrée de bizarreries et d'influences modernes, tel le petit-dej d'Alan dans l'Atom Heart Mother de Pink Floyd. La référence en forme d'hommage est claire... et prend le risque de placer la barre un peu haut.

Psychedelic Breakfast est le premier album de The Alison Ashmore (référence au film High Fidelity, pour ceux à qui le nom dit quelque chose), groupe de cinq petits frenchies que rien n'effrait, et surtout pas un genre musical peu représenté sur l'hexagone. Le psyché n'est pas vraiment le style préféré des groupes français anglophonant, qui lui préfère largement électro-rock, folk et garage. Avantage : le champ était complètement dégagé pour ceux qui oseraient tenter le pari. The Alison Ashmore n'y va pas par quatre chemins et balance ses influences sans faux semblant. Psychedelic Breakfast est un album qu'on pourrait parfois trouver nostalgique, tant sa musique semble reliée à une autre époque. Au détour des titres, on pense aux Pink Floyd, aux Doors, au Velvet Underground, que des gros noms qui pourraient faire craindre un plagiat de bas étage, un hommage déguisé en album. Mais non, la jeunesse des protagonistes les a sauvé du simple exercice de style. Influencé par la folk, le grunge et le rock des décennies écoulées depuis les années 60, ils parviennent à teinter leur son d'autres ambiances, à surprendre et à offrir ces moments inattendus qui donnent de l'envergure. 

Pour ce petit-déjeuner psychédélique, le plat de résistance est indéniablement "What Am I Waiting For ?", single en puissance qui mixe guitare glissante sur une mélodie simple mais efficace. Après cette ouverture psyché, on part dans un folk rock entraînant avec une deuxième guitare, puis sur un pont aux riffs lourds innatendus. Le mélange des influences surprend, emballe, accroche pour ne plus lâcher. The Alison Ashmore prend son temps pour poser chaque titre. Si l'album n'en compte que huit, chacun flirte avec les 7-8 minutes et fait la part belle aux ponts musicaux, aux variations de tempos et d'ambiance. Le titre d'ouverture, "Freez'in Sun", le prouve d'entrée, avec ses premiers temps piano-voix sur une guitare légère avant l'arrivée des riffs lourds et rythmiques. Evidemment, on n'oublie pas les accessoires psyché indispensables : tambourin, glockenspiel et autres petits bruitages...

Mais Psychedelic Breakfast reste un premier album, avec ses défauts de jeunesse. Outre une production qui a fait disparaître toutes les basses et offre un son globalement assez plat, le chant manque parfois d'assurance (la musicalité précise et subtile du beau "Heaven's Gardener" en fait les frais). Et puis, il a ses idées bien tentées... mais qui ne fonctionnent pas toujours. "It's Not Time" par exemple, titre de 10 minutes où on passe successivement de la balade pop à un moment très Dire Straits pour aboutir chez les Doors, avant une fin psychédélique à souhait, boostée aux riffs lourds. Ces dernières minutes sont assez jouissives mais le morceau manque malgré tout de cohérence. Même constat sur "Plastic Models", dont la fin bordélique rattrape un morceau qui aurait sûrement gagné en concision. Reste que les cinq musiciens réussissent assez souvent leur pari, comme sur "I"m The Driver", où un long pont musical vient parfaitement s'inviter au milieu du morceau. "You Can't Get (The Three Of Me)" est une magnifique balade instrumentale aux variations maîtrisées. Et comme The Alison Ashmore ne se refuse rien, changement d'ambiance sur "London Street" où le chant se fait plus grave, plus travaillé, le son plus lourd, on ressent des influences plus modernes, tout en gardant un vrai lien avec le reste de l'album.

Psychedelic Breakfast est un premier album qui mérite sérieusement le détour. Si les influences qui ont guidé les cinq musiciens sont claires, ils réussissent à les surmonter, à construire une véritable identité musicale dès ces premiers titres. Nul doute qu'un deuxième album et une meilleure production pourraient leur permettre de véritablement s'affirmer. A quand le déjeuner ?