The Gathering
Mandylion
Produit par Siggi Bemm, Waldemar Sorychta and The Gathering
Pour beaucoup d'entre nous, l'âge d'or de la musique rock remonte aux années 70....mais pour la génération de quarantenaires à laquelle j'appartiens, difficile de laisser de côté l'extraordinaire décennie des nineties, fabuleux laboratoire et défouloir de notre genre musical préféré.
Ah le milieu des années 90, quel foisonnement dans le paysage rock mondial ..
Aux US, le grunge panse ses plaies après la mort de Cobain et entame sa mue, après avoir tout renversé sur son passage, et ce dès 1991. Au delà du grunge, l'Amérique nous propose également toute une foultitude de disques absolument cultes et essentiels : des classiques Metallica aux Red Hot Chili Peppers, en passant par Kyuss, Faith No More ou même Pantera qui bat des records de vente pour un groupe classé comme "extrême", sans oublier l’avènement du neo-metal qui, s'il s'avérera relativement court, aura une résonance très importante sur le reste de la décennie.
Quant à l'Europe, une fois de plus, c'est vers l'Angleterre qu'il faut regarder, où le paysage rock / métal se divise en deux camps principaux. D'un côté la Brit-Pop qui arrive à son apogée ; et de l'autre, pour le versant plus "extrême" le métal gothique/atmosphérique qui commence à sortir du milieu underground dans lequel il était terré jusqu'à présent.
Des groupes comme Paradise Lost, Anathema ou My Dying Bride sont les chefs de file de cette scène, où les guitares lentes, lourdes se marient à des nappes de claviers brumeuses avec délectation dans une ambiance toujours pesante, froide mais où l'on aperçoit toujours un infime mais persistant rayon de lumière qui permet de rendre ce genre bien plus accessible que la scène extrême classique.
Mais si le Royaume-Uni est sans doute l'instigateur de ce mouvement, il n’en est pas le seul digne représentant. Un obscur groupe hollandais, du nom de "The Gathering" commence à pointer le bout de son médiator dans la presse spécialisée, ainsi que sur certains festivals métals à l'époque.
A l'image des groupes précédemment cités, The Gathering possède un background clairement extrême, leurs deux premiers albums (datant de 92 et 93) étant du pur doom métal avec un chant guttural pas forcément toujours subtil.
Mandylion peut toujours être classé dans la catégorie métal, mais le groupe dispose depuis peu d'une nouvelle chanteuse, très prometteuse, Anneke Van Giersbergen.
Anneke est très jeune à son arrivée dans le groupe en 1995. Et si toutes les musiques de Mandylion sont déjà composées, c'est elle qui va se charger de tous les textes de l'album.
Tout ce contexte est important pour la suite de l"histoire, que ce soit du groupe en lui même, ou du genre musical à proprement parler, car c'est quelque part The Gathering qui va lancer la mode des groupes de métal atmosphériques à chanteuse, entre Lacuna Coil, Nightwish et consorts. Nos bataves préférés s'en démarqueront d'ailleurs assez vite et de façon brillante.
The Gathering est un groupe qui commence à être accessible grâce à l'arrivée d'Anneke Van Giersbergen. Il y a d'ailleurs fort à parier que si le groupe avait été Anglais plutôt que Néerlandais, son exposition médiatique aurait été très différente, notamment dans la suite de leur carrière, suite qui au passage, sera une évolution incroyable et une réussite artistique indéniable.
Mais revenons à ce Mandylion. Cet album a une aura particulière pour tous les fans de The Gathering, car c'est le premier enregistré avec la belle Anneke, et c'est parallèlement celui qui va véritablement lancer la carrière du groupe. La prestation du groupe au Pinkpop Festival en 1996 (disponible facilement sur internet) montre des musiciens de métal headbanguant mais avec une chanteuse jeune, juvénile, et dont l'enthousiasme presque enfantin contraste avec ce qu'on à l'habitude voir dans ce genre de festivals.
Que retenir donc de ce disque ? La voix d'Anneke déjà. Claire, tantôt douce, tantôt plus agressive selon les morceaux, on sent clairement le potentiel immense de la chanteuse, et le décalage entre sa voix aérienne et les riffs très lourds de guitare s'avère implacable.
Un morceau comme "Strange Machines", par ailleurs premier single, est très efficace et symbolique de l'ambiance générale de l'album. L'atmosphère particulière de Mandylion est également très réussie : la pochette, qui semble d'inspiration africaine, entre terre et sable nous annonce l'aridité des riffs, la sécheresse des guitares (comme sur l'excellent "Leaves"), avec parfois des influences tribales aventureuses (comme sur le quasi instrumental "Mandylion").
Les vraies perles de l'album sont le diptyque "In Motion 1" et "In motion 2", notamment la seconde partie qui clôt magistralement l'album, avec son orchestration très soignée, ses violons et une fois de plus, la voix envoûtante d'Anneke qui marque durablement l'album de son empreinte vocale.
Alors non cet album n'est pas parfait, loin de là, certains passages ont sans doute un peu vieilli, le pont d'"Eleanor" par exemple, un peu caricatural (mais typique de l'époque). La production aurait également gagné à être moins brute, les guitares étant peut-être trop monolithiques sur la longueur. Même le chant d'Anneke est perfectible (c'est surtout l'expérience des albums suivants qui permet de s'en rendre compte), mais Mandylion est essentiel pour comprendre d'ou vient le groupe et surtout pour pouvoir apprécier l'évolution artistique des Néerlandais.
Mandylion est le point de départ de la chrysalide du groupe, et notamment de sa chanteuse, en passe de devenir la voix enchanteresse de la sphère métal.