The Sonics
Here Are The Sonics
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1- The Witch / 2- Do You Love Me / 3- Roll over Beethoven / 4- Boss Hoss / 5- Dirty Robber / 6- Have Love, Will Travel / 7- Psycho / 8- Money (That's What I Want) / 9- Walkin' the Dog / 10- Night Time Is the Right Time / 11- Strychnine / 12- Good Golly Miss Molly
Remontons un peu le temps. Nous sommes en 1965, année charnière, comme toutes celles des 60's, soit dit en passant. Cette année-là, alors que notre cloclo national s'époumonait sur "Même Si Tu Revenais" et que le mariage de Johnny Hallyday et Sylvie Vartan occupait les 3/4 des conversations de la jeunesse française, le reste du monde continuait sa vaste transformation sonore. Bob Dylan met une claque sur toutes les paires d'oreilles avec Highway 61 Revisited. Les Yardbirds, usine à grands guitaristes (Clapton, Jeff Beck, Jimmy Page) se propulsent en tête des charts avec For Your Love. Les Rolling Stones, encore balbutiants sortent Out Of Our Heads tandis que les Beatles s'installent dans la légende avec Rubber Soul. La musique va bon train et créé de plus en plus de vocations.
Depuis le début des années 60, de plus en plus de jeunes gens se rallient au drapeau du rock & roll et s'arment de guitares, basses, piano pour défendre les couleurs de ce style musical jugé inconvenable. A Tacoma, dans l'état de Washington par exemple, où un quintet de jeunes hommes tente d'oublier les vrombissements des usines environnantes en reprenant Chuck Berry ou Little Richard dans leur garage. En pleine effervescence, ils furent repéré par Buck Ormsby, bassiste des Wailers (aucun lien avec le reggae) et signés chez Etiquette Records. En 1965, les Sonics, dont le nom fait allusion aux usines Boing situées non loin de chez eux, partent à Seatle pour enregistrer leur premier LP aux studio Audio Recordings.
Here Are The Sonics a été enregistré avec les moyens du bord. Pas de grosse production, un magnéto a deux bandes a fait l'affaire. Ce fut sans compter sur la sauvagerie des membres du groupe, habitués a jouer dans leur garage en se défoulant et en poussant les amplis à fond. Loin de se plier aux contraintes techniques, les Sonics sont restés fidèles à eux-mêmes, tailladant leurs amplis avec des crayons tout en poussant les indicateurs dans le rouge sur la quasi totalité du disque. Sans le savoir, il allaient marquer 3 points décisifs. D'une, être à l'origine du nom "garage rock", deux, créer un des meilleurs albums rock de tous les temps et enfin, influencer une panacée de groupes dont les White Stripes, les Eagles Of Death Metal, les Hives, Mudhoney, les Cramps et bien d'autres.
Même si les Kinks avaient posé les bases du son garage une année avant, les Sonics le portent haut et fort et l'officialisent aux yeux, mais surtout aux oreilles, du monde avec une fierté qui se lit sur leur visage sur la pochette du LP. Here Are The Sonics est constitué à la fois de reprises (Chuck Berry, The Contours, Rufus Thomas, Ray Charles, Little Richard...) et de quatre compos ("Strychnine", "Psycho", "The Witch" et "Boss Hoss"). L'écoute de l'album se fait plus volontier sur une platine vinyle. Le format mp3, anachronique et barbare, compresse et met en cage toute la sauvagerie du groupe. La production rudimentaire associée aux excès sonores inhérents au groupe donnent un album ultra saturé (même le saxophone), semblable à un tigre qui rugirait de manière ininterrompue. Ajoutez à cela une énergie bouillonnante, la fougue de la jeunesse et une bonne dose de rebellion et vous obtenez un cocktail molotov sonore concis. Les hurlements guturaux de Gerry Roslie sexy et primitifs au point qu'Elvis en rougirait en font une arme de séduction massive.
Le jeu de batterie de Rob Bennet est hallucinant. Kurt Cobain lui-même dira de le son de batterie des Sonics est le meilleur et le plus incroyable qu'il n'ait jamais entendu. Les intros uniquement à la caisse claire sur "The Witch" et "Do You Love Me" suffisent à créer l'hystérie. Le groupe a su garder la base groovy et dansante tout en y apportant une bonne dose d'énergie et de saleté. Les Sonics cultivent l'art de la reprise comme personne avec des adaptations complètement sauvages des Contours ou encore de Richard Berry. Les reprises de Chuck Berry et de Ray Charles rayonnent un peu moins que les autres titres. Mais tout en sachant transformer les chansons des autres, les Sonics n'en oublient pas pour autant de soigner leurs compositions. Ainsi "The Witch", "Psycho" ou le démentiel "Strychnine" sont devenus des hymnes à leur tour repris par d'autres groupes.
Près de 50 ans après sa sortie, Here Are The Sonics parvient encore à insuffler une bonne bouffée d'adrénaline et à faire twister les anciennes comme la nouvelle génération. On ne compte plus les garageux modernes (c'est à dire ceux qui n'ont pas vraiment commencé dans leur garage) qui citent les Sonics dans leurs références. Leur attitude désinvolte et l'énergie de leur musique préfigure également le mouvement punk qui ne tardera pas à éclore. On perçoit dans cet opus les prémices des Stooges. Les obligations ont vite rattrapé nos cinq rockeurs. Trois ans après, le groupe se séparait, car la plupart des membres partaient à l'Université. Pris dans la spirale rock & roll des années 60, le groupe a su trouver le moment parfait pour immortaliser pour toujours leur insouciance et leur jeunesse sur sillon, pour mieux nous permettre de ne jamais lâcher la nôtre.