Wolfmother
Victorious
Produit par Brendan O'Brien
1- The Love That You Give / 2- Victorious / 3- Baroness / 4- Pretty Peggy / 5- City Lights / 6- The Simple Life / 7- Best of a Bad Situation / 8- Gypsy Caravan / 9- Happy Face / 10- Eye of the Beholder
Il semble que le dernier Wolfmother divise la rédaction, entre les défenseurs d’un projet dont, autant être franc, on n’attend plus beaucoup de miracles (depuis le temps, ça se saurait), et ceux qui finissent par conspuer une redite indolente voire molassonne et un manque de prise de risque. Peut-être peut-on envisager une analyse de Victorious à l’aune de ses influences afin d’essayer d’y voir plus clair.
Quand l’éponyme de la louve a vu le jour il y a maintenant 11 ans, on ne pouvait que hurler de joie. Rarement un groupe avait repris à son compte et remis au goût du jour les maximes d’un hard rock 70’s tombé en désuétude tant critique que publique. Le trio australien, fort de compositions inspirées et d’une chape sonore à toute épreuve, rencontrait alors un succès mérité tout en rouvrant la porte aux vrais héritiers de Black Sabbath. Oui, de Black Sabbath, et on va tout de suite couper court aux habituelles comparaisons avec Led Zeppelin. Le groupe de Jimmy Page, s’il a marqué son temps, n’a engendré qu’une descendance famélique. Et pour cause : qui pourrait reprendre à son compte la virtuosité de chacun ses membres ? Les postures d’éphèbe en chaleur de Robert Plant ? La frappe herculéenne de John Bonham ? À l’inverse, Sabbath se trouve avoir engendré une myriade de rejetons ayant adopté le son lourd de Tony Iommi sans tirer un trait sur le blues de ses débuts. Dans cette veine, Andrew Stockdale doit bien plus au guitariste amputé qu’à Page, tant en terme de technique que de sonorité, sa voix stridente se rapprochant bien plus de celle d’Ozzy Osbourne que de celle de Plant. Donc Wolfmother, c’est le discours de Sabbath 30 ans plus tard. À peu de choses prêt mais avec quelques nuances de poids.
La première, c’est que Sabbath était un groupe qui devait autant ou presque à chacun de ses membres. Chant, compositions, guitare, basse, batterie, chacun des quatre larrons y apportait sa spécificité propre. Or depuis Cosmig Egg, Wolfmother se résume à Andrew Stockdale et à lui seul, et s’il a à l’évidence bien potassé ses classiques, il ne peut se prévaloir de la richesse plurielle d’un groupe, ayant une fois de plus, pour Victorious, enregistré la voix, la guitare et la basse et ayant confié la batterie à un second couteau (Josh Freese). La seconde, c’est que la base de la musique sabbathienne, c’est le riff. Tout part de là : la basse et la batterie se greffent dessus, et la mélodie vise à accompagner, à sublimer ce matériau brut de guitare. Or chez Wolfmother, c’est l’inverse qui se produit : le riff est souvent très basique, loin d’être mémorable, et la mélodie se pose davantage comme pilier de chaque titre. La moins value de l’élève par rapport au maître se résume quasi-exclusivement à ces deux axiomes, et c’est sans doute pour cela que la louve se montre si limitée.
Moyennant quoi, si l’on compare le plus objectivement possible ce Victorious aux deux albums précédents - l’éponyme se trouvant nettement au-dessus du fait justement d’une gestation à plusieurs et de son foisonnement d’idées séminales - on se retrouve peu ou prou avec le même matériau. Le principal y est : la mélodie, le son, l’attitude. New Crown tranchait certes par un traitement garage et des compositions plus rêches et bourrues, mais le frisson ressenti à l’écoute de ce manifeste brut ne laissait pas apparaître une oeuvre plus satisfaisante une fois le verni gratté (ou plutôt la crasse nettoyée). Victorious ne fait ni mieux, ni moins bien que ses deux grands frères. Chaque morceau se tient et réserve ses petits moments croustillants. Dès “The Love That You Give”, les cordes ronronnent de contentement sur un riff, encore une fois, ultra-bateau n’ayant d’autre vocation que de rentrer dans le lard. Le niveau est tout de même meilleur sur un “Victorious” qui bénéficie justement d’un pont proto-métal assez jubilatoire, même si la mélodie et les cris d’orfraie de Stockdale finissent par sentir un peu trop la rose. Ailleurs, c’est l’allant monorythmique bluesy qui force le respect (“Baroness”, avec là encore un refrain un poil trop mielleux), un côté boogie qui déboîte (“City Lights”), un allant borné dans l’optimisme (“Best of a Bad Situation”, d’une naïveté réjouissante) ou un riff - enfin un ! - qui enrichit son titre (“The Simple Life”) malgré une récitation de son petit Kyuss illustré un poil convenue sur le pont. Ces morceaux laissent néanmoins poindre d’importantes limitations techniques de la part de Stockdale qui, à la guitare, peine à tenir la cadence ès riff dès que le rythme se fait trop enlevé et qui, sur le plan des solo, en fait clairement le minimum pour ne pas trop s’exposer.
Il est un fait que la fin de Victorious relève le niveau. Là encore, rien de transcendant, rien de novateur, rien qui ne pousse à se prosterner béatement, mais une matière qui sait flatter l’instinct de tout bon rocker adepte de la disto à l’ancienne. Oui “Gypsy Caravan” fait le job et envoie du lourd, oui “Happy Face” alourdit encore le propos, même si les moulinets de synthé auraient pu se faire moins stroboscopiques, oui “The Eye Of The Beholder” jouit d’un traitement beaucoup plus dense, avec des voix éthérées bien pensées sur le refrain. On se surprend donc à aimer ce Wolfmother cru 2016, de façon un peu penaude, presque coupable. C’est qu’à force d’écouter Volume 4 (du Sab, hein, pas de la Louve), on a envie de prendre un peu le frais et de changer de disque, et en cela, Stockdale prend toute sa place. Mais Victorious ne pourra pas prétendre à autre chose qu’à se poser comme une décalque amoindrie d’un glorieux fantôme. Et il en va malheureusement de même de la totalité de ce revival hard 70’s qui ne cesse de radoter sans sublimer son héritage. Parce que Wolfmother a été le premier à mettre le pied dans la porte, on a cru à une nouvelle référence. Mais la réalité est toute autre : Wolfmother a bien retenu sa leçon et la récite avec application, mais sans chercher à la transcender et pire, en oubliant une partie conséquente de celle-ci. C’était déjà pareil sur Cosmic Egg et sur New Crown, nous direz-vous, et vous n’auriez pas tort. Allez, on continuera quand même à suivre Andrew Stockdale dans ses pérégrinations, et à condition de n’en attendre strictement rien, il se peut qu’on se plaise encore à arborer un sourire imbécile à l’écoute du cinquième album de la Louve Mère.
Au fait, l’artwork de ce n°4 est franchement top.