Year Long Disaster
Black Magic ; All Mysteries Revealed
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1- Black Magic [Intro] / 2- Show Me Your Teeth / 3- Love Like Blood / 4- Stranger In My Room / 5- Sparrow Hill / 6- Seven Of Swords / 7- She Told Us All / 8- Venus At The Crossroads / 9- Major Arcana / 10- Foggy Bottom / 11- Cyclone
Il faudra un jour penser à édifier une stèle en l'honneur des nombreux ouvriers anonymes qui œuvrent pour la jouissance musicale pure, de ces artisans besogneux et honnêtes qui, loin de chercher la notoriété à tout prix, apportent humblement leur pierre façonnée avec passion à l'édifice du rock n' roll. Introduction un brin provocatrice, il est vrai, mais ô combien à propos. Car si les Year Long Disaster sont loin d'être des anonymes au sens strict du terme, on reste néanmoins assez incrédule devant le manque de médiatisation et de reconnaissance glanées par un groupe de cette trempe. Pourtant, dans l'hypothèse où le premier méfait de la bande à Daniel Davies n'avait pas suffi à convaincre les plus sceptiques des adorateurs du rock lourd, ce Black Magic risque de chasser bien vite leurs derniers doutes. A grands coups de médiators entre les deux oreilles, bien entendu.
Le danger était grand pour le combo de se répéter, de sombrer dans la redite flemmarde ou de rester arqué sur une attitude de vénération nostalgique à l'égard des illustres ancêtres du hard rock. Si l'album éponyme de Year Long Disaster était un cri d'amour à l'attention des idoles lourdes, aujourd'hui éteintes, qui consumèrent les années 70 par pilonnages incendiaires interposés, Black Magic se veut résolument tourné vers l'avenir. Epaulé par le brillant architecte du son qu'est Nick Raskulinecz (à qui on doit récemment le truculent Black Gives Way To Blue d'Alice In Chains), le fils du kinkesque Dave Davies et ses deux acolytes Rich Mullins et Brad Hargreaves ont batti une œuvre dense et percutante, mais pourtant emprunte d'une sorte de sérénité tranquille, servie par une production sensiblement plus évoluée que sur l'opus précédent. La voix de Davies se fait ici plus posée, explorant un registre moins aigu et nettement plus expressif, s'éloignant ainsi des raclures hystériques prisées par un certain Andrew Stockdale. Et effectivement : si les YLD pouvaient se laisser comparer à Wolfmother par le passé, ce n'est plus vraiment le cas à présent. On décèlerait plutôt un appel du pied vers un power hard rock scandinave récemment orphelin des excellents Hellacopters, même si le fantôme de Led Zeppelin plane toujours avec majesté sur le trio de Los Angeles.
Après une introduction mystérieuse, le grand riff de "Show Me Your Teeth" explose en un déluge de cordes pesantes et catchy à souhait. Le titre se révèle d'une efficacité à toute épreuve et inaugure un disque à la progression parfaitement maîtrisée, ménageant ses morceaux de bravoures barbares surplombant des mélodies altières ("Love Like Blood", "Stranger In My Room") ou ses pauses rassérénantes déclamées avec sensibilité ("Foggy Bottom", "Seven Of Swords", mention spéciale au superbe son de gratte acoustique aussi profond qu'incantatoire qui va flirter avec les dérives folk du grand Jimmy Page). Parfois les riffs se planquent derrière une introduction inoffensive pour mieux vous crocheter la gorge par surprise ("She Told Us All"), parfois ils se retrouvent servis par des gimmicks stoners magnifiés par le colossal bassiste-artificier de Karma To Burn ("Sparrow Hill" et ses montées et descentes de basse orgiaques). On en serait presque venu à oublier le cogneur magicien du lot, Brad Hargreaves, qui se fend comme toujours d'une panoplie de frappes de bûcheron d'une brutalité aussi précise que libératoire. Mais toujours prime la mélodie et la profondeur des motifs de guitare, "Venus At The Crossroads" offrant à ce propos l'alliance parfaite entre la puissance de pénétration des Datsuns et l'allant des lignes chantées par Nicke Andersson. Aucun morceau faible n'est à relever ici, le disque se payant même le luxe de se conclure par le titre le plus enlevé du lot, le jouissif "Cyclone" orné de ses subtils motifs de guitare et de sa basse gutturale à souhait.
Difficile d'affirmer avec certitude que ce deuxième opus surpasse son prédécesseur : nulle doute que les amateurs de Year Long Disaster s'écharperont longuement pour défendre leur réalisation préférée au détriment de l'autre. Mais lorsqu'il s'agit de se frotter à la concurrence, autant reconnaître l'évidence : si le trio hard rock de LA a su évoluer positivement sans perdre de sa superbe en chemin, on aura beaucoup plus de mal à défendre certaines orientations parfois hasardeuses prises par son alter ego australien de Wolfmother. Car Cosmic Egg, malgré toutes ses qualités, laisse un petit arrière goût d'insatisfaction au creux du gosier... à l'inverse, on pourra avantageusement se repaitre de ce Black Magic jusqu'à l'indigestion la plus complète. Orgie de hard rock en perspective !
Year Long Disatser sera en tournée en Europe cet été en compagnie de Karma To Burn. Première date française annoncée : le 20 Juillet à Montpellier (Mojomatic).