Birth of Joy
Même si ça a pris un peu de temps, Birth Of Joy a fini par nous emmener où ils voulaient
Groupe que l’on suit et que l’on adore depuis ses débuts, Birth of Joy était de passage à Paris le 29 mars dernier. L’occasion de goûter en live le stoner psyché démoniaque du trio hollandais et les quelques réorientations artistiques apportées par leur dernier album.
Alors qu’on avait un temps espéré avoir droit à Last Train en première partie (comme c’est le cas à Bron et Tourcoing), c’est finalement un duo d’inconnus qui se pointe sur scène pour ouvrir la soirée. Ko Ko Mo, un nom qui fût dans l’après-midi une grande source de jeux de mots très fins mais qui restera après cette soirée synonyme d’excellents souvenirs. Warren (guitare) et K2O (batterie) échangent un regard complice avant d’entamer en trombe un set explosif, qui revient à l’essence même de ce qu’est le rock n’ roll. Ce n’est pas qu’une question de techniques, de registres, d’accords, de gammes et de sons. Bien que Warren maîtrise parfaitement ce côté plus scientifique de la musique. Mais c’est un feeling. Il y a entre ces deux-là une vraie circulation d’énergie qu’on peut lire et ressentir sur leurs visages, dans leur façon de se défier et de s’admirer mutuellement en jouant, l’air de dire "va z’y, accélère le tempo si t’es cap, envoie tout ce que t’as". Le torse nu et peinturluré de motifs, K2O ne peut retenir un sourire devant les démonstrations de force de son camarade de scène qui bondit de tous les côtés en déroulant ses solis, comme si jouer immobile lui était impossible. Il y a du Robert Plant dans ses pointes de voix, il y a du Mick Jagger dans son aisance sur scène, il y a du Hendrix dans sa façon de se laisser habiter par le morceau. Plus hard rock que vraiment psyché, typé blues mais plus énergique que lancinant, Ko Ko Mo offre une splendide entrée en matière à laquelle on ne peut rajouter qu’un bémol : n’être que deux musiciens contraint le groupe à utiliser un ordinateur pour gérer les basses et arrangements supplémentaires, et ça c’est pas très rock n’roll.
Place à Birth Of Joy, dont la disposition sur scène laisse une étrange impression de vide autour de Kevin Stunnenberg. Légèrement décalé sur notre gauche, on le perçoit frontman par défaut d’un trio dont les deux autres membres sont très en retrait. A la batterie, Bob Hogenelst est derrière le rideau de lumière des projecteurs, et le claviériste Gertjan Gutman est carrément derrière un pilonne qui le cache donc d’une bonne partie de la salle. Tant pis pour l’équilibre de la mise en place, un détail finalement et le jeu de lumière comble quand même un peu ce vide.
Pour une raison difficile à expliquer, Birth Of Joy démarre, mais pas nous. Partir sur "Blisters" et son tempo expéditif anxiogène n’était peut-être pas le meilleur moyen de nous embarquer, quoi qu’il en soit la sauce prend du temps à monter. Et il faudra attendre ce petit pont de "Devils Paradise", "Hooooooooooooold on, Your time will come", sur lequel Stunnenberg se glisse à merveille dans la peau d’un gourou devant ses fidèles, pour que l’atmosphère prenne et que la folie puisse s’installer.
Après ce faux départ les choses rentrent dans l’ordre et on savoure enfin les claviers rugissants d’un Gertjan Gutman possédé, presque autiste dans sa façon de se couper du monde pour libérer un flot de créativité constant qui éclipse parfois la guitare de Stunnenberg. Le public répond bien à ces temps plus violents et danse sur les riffs martelés de "Grow" ou "Dead Being Alive". Le côté physique que prend la musique de Birth Of Joy dans ces moments-là donne une plus grande profondeur encore aux nappes psyché plus calmes que le groupe semble apprécier de plus en plus et a cherché à développer dans son dernier album. Le break de "Those Who Are Awake" devient ainsi un moment magique hors du temps.
Petit à petit, Stunnenberg prend de l’assurance, le costume de frontman est trop grand pour lui ? Tant pis, il tombe la chemise, se décolle de son micro et semble aussi tôt dans son élément. Les morceaux s’allongent également, sont plus poussés et développés. Quelques minutes plus tard, il se retourne vers son ampli pour retoucher ses réglages. Magie, ses solos résonnent enfin ! "Three Day Road" et "Make Things Happen" arrivent en point d’orgue d’un concert qui, malgré le temps que ça a pris, est réussi. Birth Of Joy s’épanouit sur disque, et le trio a en lui un potentiel dingue auprès d’un public qu’on pourrait autant qualifier de fan que de fanatiques. Et malgré ces quelques couacs, Birth Of Joy nous a fait ressentir tout ce potentiel. Quelques actes manqués peut-être, une soirée de moins bien, qui sait, en attendant on a hâte de se faire une seconde bonne opinion.
Retrouvez toutes les photos du concert de Birth Of Joy au Point Ephémère sur notre compte Instagram avec toutes les photos de tous les concerts de la rédaction !