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Randy Holden, entretien avec un guitar god


Steven Jezo-Vannier, le 03/12/2014

The Other Half


SJV : Plutôt que de vous égarer dans les méandres psychédéliques, vous restez fidèle aux blues rock et aux racines anglaises. Cet attachement est source de conflit dans le groupe. Vous préférez partir.


RH : Après un certain temps, Fender IV est devenu The Sons Of Adam. Le groupe fonctionnait vraiment bien. Nous étions chaque jour meilleur, pourtant nous n'avions toujours pas d'album, aucune proposition de maisons de disques. Les autres membres du groupe m'ont dit qu'il fallait que nous nous adaptions aux volontés des labels et que nous changions quelque chose dans notre musique. Et j'étais, semble-t-il, la source des blocages. Au début d'un concert à San Francisco, ils m'ont demandé de baisser le volume de ma guitare, ça a tout brisé, j'ai immédiatement quitté le groupe. C'était terminé !


SJV : C'est alors qu'on vous propose de prendre la place de Jeff Beck au sein des Yardbirds ! Surprise, vous refusez. Pourquoi ?


RH : C'est probablement quelque chose que j'aurais dû accepter... Après tout, je connaissais l'intégralité des chansons des Yardbirds ; avec les Sons of Adam, on avait même enregistré quelques-unes d'entre elles et obtenu des résultats vraiment bien.


Je crois que ce qui m'a empêché de rejoindre le groupe et marcher dans les pas de Jeff Beck vient de moi, je ne voulais tout simplement pas croire au fait qu'il quittait le groupe. Je pensais que c'était une querelle momentanée et que Jeff allait revenir. Je pensais que c'était une de ces crises comme on en a parfois eu au sein de mes groupes. Je me souviens avoir lâché plusieurs fois mes musiciens avant que les choses ne s'améliorent et que le groupe se rétablisse. Les guitaristes sont des êtres passionnés, ils réagissent de cette façon brusque et extrême. Tout semble aller pour le mieux, pourtant, la minute suivante, rien ne va plus. Je pensais que c'était ce genre de difficultés sans grandes conséquences que traversaient les Yardbirds. Or, il me semblait que si je prenais la place de Beck, cela pourrait être un casus belli et entraîner la véritable rupture du groupe, et je ne voulais pas être le type qui a séparé les Yardbirds !


L'autre raison de mon refus tient au fait qu'il fallait remplacer Beck au pied lever, sans aucune répétition, et se jeter sur le devant de la scène, en live, avec un groupe et un répertoire qu'on n'a pas travaillé. Je ne connaissais pas un seul des musiciens personnellement !


Le choix de mon nom pour remplacer Beck est une manigance des groupies. De nombreux fans de mon groupe étaient également des fans des Yardbirds et quelques-uns (unes) avaient leurs entrées dans les coulisses et ce sont elles qui ont suggéré que je prenne le relai de Jeff.


Pour une raison qui m'échappe au fond, je ne pouvais pas me résoudre à accepter. J'étais pourtant sur le point de dire “OK, faisons-le, allons-y”... j'étais si proche de dire oui. J'adorais les Yardbirds et leur musique. Jouer avec eux, ne serait ce que pour une représentation, aurait été un concert de rêve pour moi, mais pour des raisons inconnues, j'ai refusé.


J'avais peut-être tout simplement peur de me foirer et de tout bousiller, de faire une prestation de merde, le genre de truc qui peut détruire ta carrière. Mais, d'un autre côté, ça aurait aussi pu être un tremplin fantastique, peut-être que le rôle de Beck m'aurait été comme un gant et que j'aurais donné le meilleur show possible. Avec des si... on ne le saura jamais parce que je n'ai pas tenté le coup. À la réflexion, je crois que la situation posait trop de questions et que je n'étais pas en mesure de répondre à la moitié d'entre elles... Les Yardbirds étaient Anglais, ils vivaient en Angleterre ; moi j'étais Américain, ma maison, ma femme et ma vie étaient aux USA. Nous n'avions même pas de passeports et eux étaient ici, au milieu d'une tournée, il fallait les suivre puis s'installer au Royaume-Uni ? Accepter de rejoindre le groupe posait bien trop de questions, cela aurait totalement chamboulé ma vie et mon intuition refusait de croire que l'opportunité n'aurait pas causé de mal à Dieu sait qui autour de moi.


Toujours est-il que les groupies sont venues me trouver après un concert et m'ont dit que Keith Relf voulait me rencontrer le lendemain. On s'est vu dans un théâtre à Hollywood. On a parlé un peu. Il voulait notamment savoir le genre d'engin que j'utilisais. Il m'a informé qu'ils avaient annulé le reste de la tournée et voulait régler les choses avec moi avant de rentrer en Angleterre, le jour même. J'ai refusé et le reste appartient à l'histoire. Jeff Beck était sérieux, il a définitivement quitté le groupe et Jimmy Page, qui avait délaissé la basse de Paul Samwell-Smith pour la guitare rythmique de Chris Dreja, s'est finalement emparé de la guitare soliste et de la tête de la formation, qui allait bientôt devenir Led Zeppelin. La fin des Yardbirds était proche, aucun autre bon disque n'est sorti. Je ne connais pas les détails au-delà de la prise de contrôle de Page, mais la rupture a été rapide.


De toute ma carrière, je n'ai jamais repensé à cela. Il a fallu un journaliste pour me replonger dans cette histoire avec des “et si ?”. C'est évident que jouer dans mon groupe préféré aurait été génial, j'aurais pu jouer sans problème le répertoire, mais aurais-je eu la créativité et le génie de Beck, aurais-je pu rivaliser avec lui ? Le vrai défi aurait été là.


Mais, il n'y a aucun moyen de savoir. Il aurait fallu que je sacrifie tout, que j'abandonne toute ma vie derrière moi pour suivre la caravane, si je puis dire. Le prix à payer était trop élevé, pas question de laisser ma femme derrière moi, même si je ne pensais qu'à la musique en ce temps-là. Quelque part, je savais au fond de moi qu'elle ne me suivrait pas dans cette aventure, elle n'était pas dans mes visions. J'avais la journée pour me décider et c'est l'idée de sacrifier ma vie de couple qui pesait le plus sur ma conscience. Finalement, bien des jours plus tard, j'ai fini par me séparer d'elle, mais il ne s'agissait plus d'un sacrifice. Mon instinct me dit que rien de bon ne serait sorti de tout cela si j'avais dit oui, alors je n'ai aucun regret.



SJV : L'expérience des Sons Of Adam a tourné court et votre vie privée connaît d'importantes difficultés. Vous êtes au plus bas et vous trouvez la force de rebondir en musique, avec la création de The Other Half.


RH : Sans groupe pour jouer, Georgene et moi nous sommes vite trouvés à court d'argent. Nous avons dû rendre notre appartement et emménager chez sa mère, dans les collines, avec Rod – il n’avait toujours nulle part où aller. Un soir, de retour à la maison, j'ai vu le buggy Volkswagen de Rod garé sur ma place. Je le trouvais un peu culotté et me demandais bien pourquoi il avait fait cela. Je suis allé à l'arrière de la maison et lorsque j'ai regardé à l'intérieur, dans le séjour, je suis tombé des nues en voyant Rod serrer ma femme dans ses bras. Le choc cède vite place à la confusion, à une subversion émotive. L'envie de tuer, l'instinct de meurtre dépassent alors le sentiment de trahison et l'indignation vertueuse. Dans ces moments, il faut savoir garder le contrôle. Groupe, appartement, meilleur ami, femme... c'était fini.


Je suis immédiatement parti. Il n'y avait rien à dire, rien à faire. Si j'étais resté, je n'aurais jamais pu supporter et j'aurais fini par exploser. Il était préférable de les laisser, elle avait manifestement fait son choix. J'étais clairement un mauvais compagnon, naïf et jeune, sachant trop peu de choses sur le monde. J'ai passé la nuit avec un ami et au matin, je me suis réveillé plus déprimé que, de mémoire, je ne l'ai jamais été dans ma vie. Mon pote m'a dit : “écoute, je sais que tu dois être au plus mal, mais ça ne sert à rien de rester là, sortir est la meilleure chose que tu puisses faire. Lève-toi et fais face au monde. C'est une belle journée, on va sortir et aller voir quelques guitares, profiter de la vie.” Je l'ai écouté.


À cette période, j'ai essayé de former un nouveau groupe. The Other Half a été une très bonne expérience. Le groupe est allé aussi loin qu'il pouvait aller, il a vite atteint ses limites. Suite à la rupture avec Georgene, pour me faire oublier la dépression, j'ai repris de l'acide et fumer un peu de haschich, je passais mes journées à ne rien faire d'autre que rester assis à jouer de la guitare sous l'influence des drogues. C'était difficile pour moi de jouer dans cet état, mais je me suis forcé et j'ai finalement appris à jouer en toutes circonstances.


SJV : Difficile ? Pourtant, l'acide est en ce temps la muse de toute la scène californienne !


En ce qui concerne le LSD et ce que je ressentais avec lui... à vrai dire, j'étais dubitatif et je m'interrogeais sur l'effet qu'il avait sur moi. Je n'arrivais pas à comprendre le phénomène, mais je m'en foutais. C'était un moyen d'évasion pour moi, je souffrais terriblement de la rupture avec Georgene et je n'imaginais pas que ma vie puisse être pire, le LSD ne pouvait pas me faire plus de mal.


Je me souviens que j'essayais de créer de la musique sous acide, comme le faisaient tous les autres musiciens de l'époque, mais, je dois le dire, j'en étais parfaitement incapable. Sous l'influence de l'acide, je me sentais comme sourd, aveugle et muet, incapable de créer. Je n'avais pas la moindre pensée créatrice. Je me demandais s'il n'y avait pas quelque chose qui n'allait pas avec moi, puisque tout le monde autour de moi me vantait les mérites du LSD en matière d'inspiration et d'improvisation... Puis, j'ai rapidement compris qu'ils se trompaient, que la drogue déformait leur propre perception de leur art. Chaque fois que j'ai entendu un musicien jouer sous acide, il jouait terriblement mal, tout en étant lui-même intimement persuadé de n'avoir jamais aussi bien joué ! Le LSD avait pour effet premier d'altérer leur jugement. C'est le même problème avec le cannabis. Et ça se comprend aisément : la plupart du temps, les musiciens partis dans leur trip perdent la notion du tempo, soit ils ralentissent, soit ils se précipitent, dans les deux cas, la mélodie perd sa substance. Ce n’était vraiment pas amusant de jouer avec des mecs pour qui planer comptait plus que la qualité musicale. Lorsque j'ai créé The Other Half, la consommation de drogue était à son apogée en Californie et elle commençait à faire des ravages.


Je me souviens avoir fait faire un thème astral à cette époque, c'était la mode, et on m'avait notamment répondu : “quoi que vous fassiez de votre vie, vous ne devriez pas prendre de drogue parce que vous êtes déjà à l'ouest”... (rire).


SJV : Revenons si vous le voulez bien aux débuts de The Other Half.


RH: Avec le nouveau groupe, nous avons donné un concert au Elysian Park de Los Angeles, dans le cadre de ce qu'on appelait à l'époque un « Love In ». Je devais probablement être la personne la plus dépourvue d'amour au milieu de ces milliers de personnes. Après l'événement, on a parlé de 50 000 personnes, toutes sous acide, beaucoup courant nues, jouant dans la boue, ou s'adonnant à diverses activités inoffensives, mais sans grand intérêt. De toute façon, la musique n'était rien de plus qu'un numéro de cirque, une toile de fond qui légitimait leur consommation de drogue et accompagnait leurs délires fantaisistes le temps d'une journée ou d'un festival entier. Pour ma part, j'aime jouer pour des gens qui s'intéressent à la musique, qui savent apprécier de la bonne musique.


Je me souviens qu'il y avait là un groupe qui était venu sans matériel, il a fallu qu'ils empruntent des amplis à un autre groupe. Mais ce n'est pas sérieux, ça ne se fait pas. Le bon matériel se paye cher et en général, vous appréciez moyennement qu'un autre s'en serve et risque de l'abîmer. On investissait tout notre argent dans nos engins, on cherchait toujours à avoir le meilleur pour restituer au mieux notre musique. Enfin, il se trouve qu'un type de ce groupe (si on peut appeler ça un groupe), c'était The Fraternity Of Man, est venu vers moi pour me supplier d'utiliser mon ampli, me disant qu'il me le rendrait juste après le concert, qu'ils étaient dans le pétrin (j'ai appris plus tard que c'était juste une bande de petits escrocs qui avaient l'habitude de faire ça à tout le monde). J'étais réticent et je voulais dire non, mais deux gars de mon groupe m'ont dit de ne pas être obtus et négatif, qu'il fallait que je joue le jeu du partage et de l'amour fraternel... Allant contre ma volonté, j'ai cédé, et je l'ai instantanément regretté. Mon sentiment intérieur était : “hé, mec, si tu veux vraiment avoir un groupe digne de ce nom, tu bouges ton cul et tu vas gagner de l'argent pour te payer du bon matos. Surtout si c'est pour traiter le matériel des autres n'importe comment, faire le con et leur rendre dans un sale état”. J'étais tellement énervé d'avoir accepté ! Ils jouaient si mal en plus... rien d'étonnant à ce qu'ils n'aient aucun engagement et que personne ne veuille d'eux. C'était le genre de mecs avec lesquels il fallait partager et qui n'hésitaient pas à vous bousculer pour obtenir ce qu'ils voulaient sans rien offrir en retour. Je ne sais pas si je suis clair, mais il y a une différence fondamentale entre un usurpateur et quelqu'un de légitime. Lorsque nous avons joué avec les Rolling Stones au Long Beach Sports Arena, le Dual Showman de Keith Richards est tombé en rade et ils n'avaient pas d'autres amplis, on les a donc dépannés en les laissant utiliser l'un des nôtres et on était ravi de la faire. Rien à voir avec Fraternity Of Man, il s'agissait des Stones, un groupe sérieux. Ils n'étaient pas là pour vous flouer les autres ou se foutre de la gueule du monde, il était là pour présenter le meilleur show possible, et lorsque vous partagez cette vision des choses, vous appréciez de rendre service. Les Stones faisaient tout pour se démerder seuls et s'ils n'avaient vraiment pas le choix, ils venaient vous voir. Ce genre d'attitude est sans comparaison possible avec les types qui ne cherchaient aucune solution par eux-mêmes, qui font leur possible pour voler ceux qui travaillent dur, qui eux se défoncent pour donner un vrai et grand spectacle. Fraternity of Man, comme beaucoup d'autres groupes qui naviguaient dans l'univers hippie, était une bande de gamins gâtés, des fils à maman défoncés... des grands enfants qui n'ont jamais eu à se soucier de quoi que ce soit. Merde, ils m'ont vraiment énervé ces cons ! Je crois que c'est ce que je détestais le plus avec ces soi-disant hippies. La plupart d'entre eux étaient bidon. Ils ne croyaient pas en ce qu'ils faisaient, ils faisaient semblant, juste pour faire partie du truc, pour ne pas rester à l'écart...


 SJV : Vous avez une vision bien sombre de ce mouvement, est-ce tout ce que vous retenez de lui?


RH : Non bien sûr, il y avait aussi des gens inventifs, vraiment créatifs, qui avaient de bonnes idées pour changer les choses. C'était l'autre visage du mouvement, et on prenait vraiment beaucoup de plaisir à être avec ces gars-là, des mecs qui essayaient vraiment changer les choses, de concevoir et faire des choses utiles aux autres, qui croyaient vraiment en un idéal alternatif. J'ai été confronté à cette époque à quelques-unes des choses les plus créatives que j’ai rencontrées dans ma vie, des choses élaborées par leur sens aigu de la liberté artistique, ils avaient une philosophie de la créativité.


J'ai notamment découvert par hasard les maisons à dômes géodésiques. J'ai appris qu'elles étaient l'œuvre de Buckminster Fuller. J'étais tellement fasciné par cette architecture que plusieurs années plus tard, j'ai construit mon propre dôme. C'est un modèle beaucoup plus solide que les constructions standards, qui tiennent presque par miracle. Je suis convaincu que pour en détruire un, il ne reste que l'explosion, car sa résistance à la pression est extrême, même face à un ouragan. En bâtissant un dôme, vous ne comprenez ce que vous faites qu'une fois les murs élevés. C'est une architecture unique, aux formes intéressantes, et vraiment pratiques.


Il est évident que les hippies ont fait quelques grandes contributions au monde moderne, mais j'ai eu mes propres différends avec des personnes qui utilisaient les cheveux longs et la drogue pour jouer un autre jeu, leur propre jeu, un jeu où ils étaient les seuls gagnants. Quoi qu'il en soit, je n'avais pas le virus hippie. Il y avait trop de contradictions dans ce monde.


Les hippies restaient malgré tout un excellent public, extrêmement réceptif à la musique, du moins avant que tout ne soit hors de contrôle. Les concerts en plein air étaient horribles. Outre le chaos ambiant et l'interférence des bruits environnants, le milieu extérieur est le pire endroit en terme d'acoustique. Le son n'a nulle part où aller, il se disperse inutilement, la plus grande partie se perd dans le flou.


Le seul spectacle en extérieur dont j'ai pu constater l'excellente acoustique fut le concert des Stones donné au stade Qualquam, près de San Diego, vers 1997. Ils avaient élevé un sound system capable d'envelopper le stade entier. J'étais très impressionné, je n'aurais jamais cru cela possible, mais c'est une autre histoire.



SJV : The Other Half conserve la brutalité garage que vous appréciez. Avec eux, vous réalisez l'album éponyme de 1968 (vous composez seul ou non, le sublime « Wonderful Day », « I Need You » et « Bad Day »). Quelques mots sur le groupe et l'album ?


RH : Brutalité ? Je ne pensais pas en ces termes, je n'assimile pas la dynamique de la puissance à un quelconque sentiment brutal. Je vois cela comme une manière de brider la bête, pour la caresser avec tendresse.


Ce sont les mêmes fans qui avaient essayé de me faire entrer dans les Yardbirds, qui m'ont fait intégrer Other Half. J'aimais effectivement leur style garage punkisant, dans leur son comme dans leur attitude. Tout ce dont ils avaient besoin, c'était d'un son beaucoup plus grand, plus fort, plus volumineux. Ils n'avaient pas encore cette perspective et ne savaient d'ailleurs pas comment y parvenir. En réalité, c'était assez simple, pour moi en tout cas. J'aimais le fait qu'ils composaient leurs propres chansons et qu'ils ne faisaient pas de remplissage inutile. C'était un vrai changement en comparaison de ce que nous faisions avec les Sons Of Adam, qui se contentaient trop souvent de reprises à mon goût. Cela nous permettait certes de nous maintenir dans le circuit des clubs, mais cela nous empêchait d'exister commercialement, par nous-mêmes, de nous affranchir. Les engagements dans les bars payaient nos factures, mais c'était une impasse artistique. The Other Half avait de l'ambition et les membres n'étaient pas bloqués par la crainte de ne pas gagner d'argent. Voilà une chose sacrément dure d'assumer son art malgré la peur de ne pas gagner sa vie. Je ne connaissais pas ce genre de peur, je redoutais bien plus de ne pas pouvoir faire de la grande musique et d'aller contre ce que je croyais être mon destin. J'étais convaincu que j'avais besoin de provoquer le hasard pour poursuivre mon rêve. C'est ce que j'ai fait.


Vous devez croire en ce genre de chose, vous ne pouvez pas le nier. Soit vous y croyez, soit vous ne le faites pas. Et si vous n'y croyez pas vraiment, si vous simulez, vous n'arriverez à rien, la force essentielle vient de la foi en soi-même et de sa propre détermination. Et vous ne pourrez jamais rien faire si vous êtes mu par la peur. La peur anéantit tout ce qui est en vous. J'avais le courage de me lancer, j'ignorais la peur, mais c'est peut-être ce que d'autres appelleraient de la stupidité. Et aujourd'hui, quand je regarde en arrière, je veux bien croire qu'il y a une part de bêtise dans le fait de nier tous les obstacles et de se jeter à corps perdu dans son art, quitte à tomber dans la misère. À mes yeux, c'était de toute façon impossible. J'étais alors persuadé que jouer mieux que quiconque et conduire le public plus loin qu'il n'ait jamais été suffiraient à m'octroyer le succès et la fortune. Voilà comment je pensais en ce temps-là.


Après toutes ces années, je me dis que j'aurais dû être beaucoup plus vigilant sur les questions de fric. J'aurais dû savoir taper du poing avec ceux qui s'occupaient de mes affaires comme je le faisais avec mes musiciens lorsqu'ils n'étaient pas à la hauteur.

Commentaires
Saint-Nec-Terre, le 28/06/2015 à 11:21
Randy Holden parle du Hollywood Shuffle. Un autre membre de Blue Cheer, Bruce Stephens a lui, écrit un morceau qui s'appelle "Fillmore Shuffle". Marrant.