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Randy Holden, entretien avec un guitar god


Steven Jezo-Vannier, le 03/12/2014

Un Guitar God oublié


SJV : Contre toute attente, vous revenez à la musique en 1994 avec Guitar God, qui ne sort qu'en 2001. Comment s'est déroulé ce retour à la musique ?


RH : Ce n'était ni attendu, ni prévu, ni réellement désiré, même si, je dois le reconnaître, je ne me suis jamais opposé au projet. J'ai accepté une guitare en cadeau, de quelqu'un qui croit en moi, malgré les nombreuses déceptions passées. Les choses étaient rangées dans l'armoire des actes manqués. C'était peut-être un appel au réveil de ma vanité, je n'en sais rien. Mais cette guitare m'a rappelé que si quelque part quelqu'un aime ce que je fais avec une guitare, cela vaut le coup de jouer. Voilà comment Guitar God est venu au monde...


SJV : Vous donnez à vos albums de 1994 et 2001 le nom de Guitar God. C'est un nom qui résonne dans la mythologie rock, vous-même faites partie des premiers guitar hero, pourtant votre nom n'a jamais marqué les consciences comme ceux de Jeff Beck ou Eric « God » Clapton. Comment vivez-vous cela et à quoi attribuez-vous ce manque de reconnaissance ?


RH : Je dois avouer que je vis tout cela avec amertume, surtout lorsque je réalise que mon travail a été rejeté par beaucoup de ceux qui auraient pu être des fans, s'ils s'étaient ouverts à ma musique. Ce gâchis, je l'attribue en partie aux temps, aux lieux, aux circonstances, au réseau qui façonnent un « dieu de la guitare ». Je ne peux m'empêcher de constater que tous ceux qui ont reçu ce titre et le succès qui va avec, les Jeff Beck, Jimmy Page, Eric Clapton, tous ceux-là sont originaires d'Angleterre. Prenons Jimi Hendrix, il a dû se rendre en Grande-Bretagne pour voir sa carrière décoller et être reconnue à sa juste valeur. Il est très probable que s'il n'avait pas suivi Chas Chandler à Londres, personne n'aurait jamais entendu parler de lui.


Il existe une sorte de connexion entre l'Angleterre et la musique, un rapport privilégié qui est favorable aux artistes. Si l'on compare la situation et le statut des musiciens en Amérique et en Angleterre, on constate la profondeur du gouffre qui les sépare... Ici, on nous traite avec dédain, là-bas, la reine offre des titres de chevalerie et de Commandeur de l'Empire ! Vous imaginer les États-Unis décorer un type comme moi ? Nous ne pouvons pas rêver d'une telle chose ici... Beaucoup de musiciens anglais n'aiment pas nécessairement les récompenses officielles, mais ils apprécient le message de soutien envoyé par le pouvoir à la culture et aux arts. L'Angleterre a fait des artistes ses amis, alors que l'Amérique en a fait ses ennemis, les soupçonnant toujours d'agir contre elle et ses intérêts, comme un ennemi de l'intérieur... c'est triste, mais c'est ainsi.


Je suis convaincu que quelque chose d'essentiel fait défaut à la logique économique et politique américaine, aucun des deux mondes ne parvenant à prendre la mesure de la valeur véritable de la musique et des artistes. Il aura tout de même fallu l'Angleterre pour secouer l'Amérique et réveiller la révolution rock pourtant née chez nous ! Pourquoi cela ? Parce que l'Amérique s'évertue à détruire l'artiste et son talent, il suffit d'observer comment le pays a traité Elvis Presley pour s'en rendre compte.



Je pense sincèrement que si j'avais été en Angleterre, j'aurais atteint les objectifs que le jeune homme que j'étais s'était fixés. Je crois que c'est le sens américain des affaires qui m'a trahi, empêchant ma carrière d'exploiter pleinement son potentiel. La question revient souvent à moi, mais voilà, je ne suis pas allé en Angleterre, et c'est probablement parce que je ne savais pas comment faire pour m'y rendre... et, surtout, je ne réalisais pas l'intérêt profond du départ. J'ai toujours cru que si je travaillais assez durement pour devenir le meilleur, je deviendrais celui-là, que le succès suivrait (le genre de succès qui se mesure en argent). Mais ce n'est pas arrivé et comme cela n'a pas eu lieu, mes rêves se sont brisés et tout ce en quoi je croyais s'est brisé avec eux. Peut-être ai-je été une personnalité trop abrasive et entêtée, avec laquelle on ne pouvait ni traiter ni travailler sereinement... Je ne crois pas, beaucoup d'autres étaient bien pires que moi.


La chose la plus difficile à comprendre était le décalage entre le soutien réel et sincère que le public m'accordait durant les concerts et les très faibles ventes de mes disques. Je n'ai jamais profité d'un réel soutien commercial de mes labels et je n'ai jamais compris pourquoi, sauf à considérer que les gestionnaires n'ont pas su exploiter le filon que je leur offrais. Quant à savoir pourquoi cette injustice flagrante, je crois simplement – et c'est difficile de l'accepter – que je n'étais pas au bon endroit au bon moment... Si j'avais été en Angleterre, je crois qu'il y aurait eu des hommes à l'inspiration, aux compétences et au talent suffisants pour percevoir mon potentiel, pour l'exploiter au mieux.


Le business américain n'a pas profité des mêmes hommes que le monde anglais de la musique. Je ne vois pas d'autres explications face aux succès mondiaux de certains artistes anglais et des musiciens américains qui ont tenté l'aventure outre-Atlantique. Tous ceux-là doivent en partie leur réussite à l'inspiration des manageurs, des labels et des producteurs qui les entouraient. Le management américain était tenu par des petits arnaqueurs sans envergure, qui réfléchissaient au profit qu'ils pouvaient tirer à court terme, sans jamais avoir ni vision ni objectifs projetés vers l'avenir. En d'autres termes, ils préféraient prendre cinquante dollars tout de suite plutôt que de travailler à en gagner cinquante mille, fauchant votre argent et vos espoirs au passage. Je détestais travailler avec ces types. Quand je parle de vision, je parle du genre de vision que pouvait avoir Brian Epstein, un mec qui travaillait avec le groupe, aussi durement que lui, un mec qui s'est consacré à la réussite d'un groupe dont il faisait partie, avec lequel il faisait corps. En Amérique, les manageurs et les hommes des maisons de disques se tiennent à l'écart des groupes, ils s'investissent très peu et refusent de faire corps avec eux. Pour eux, il faut pouvoir s'attacher à une formation un jour et l'abandonner pour une autre le lendemain.


Il y avait tellement de petits magouilleurs... C'était comme se retrouver piégé dans un repaire de vipères avec aucune chance de s'en sortir. Un artiste, s'il voulait jaillir et connaître le succès, devait impérativement se plier aux règles de ce monde étrange, si différent du sien, et accepter le partenariat de ce genre de types. Lorsque vous les regardiez dans les yeux, vous ne perceviez que l'appétit du gain, un regard froid très loin de toute passion pour la musique. Ils vous flattaient avec quelques paroles vides, sans conviction. Nous n'étions là que pour assouvir leur appétit financier. Je n'ai jamais pu avoir confiance en eux et je n'ai jamais trouvé le moyen d'échapper à leur milieu. Les hommes sincères et passionnés étaient extrêmement rares, Sep était de ceux-là, il avait cette sorte de vision magique, cette intuition formidable. (Je ne sais pas ce qu'il est devenu...)


On aurait pu croire que l'Amérique, puisqu'elle constitue le plus grand marché, offrait le plus d'opportunités, mais c'est une illusion.


SJV : Quels sont vos projets actuels ? Votre dernière production, Raptor, date de 2008.


RH : J'ai enregistré peut-être cinq ou six albums depuis Raptor. Mais, pour des raisons qui me sont inconnues, je n'arrive pas à terminer le travail de production. J'ai ce qu'il faut pour le faire et même le temps nécessaire ; d'autant qu'il ne reste plus grand-chose à faire dessus. Mais, je préfère toujours aller de l'avant, ne pas m'attarder sur un projet et continuer d'écrire de nouvelles chansons. Je suis excité à l'idée de les enregistrer, mais je ne vais pas au bout... Je ne sais vraiment pas pourquoi. Peut-être est-ce le manque d'intérêt. Aujourd'hui, il n'y a plus que moi, moi et ma musique ? Je n'ai plus de gestionnaire, plus de manageur, plus de label, plus de promoteur, alors pourquoi voudrais-je faire aboutir ces projets ? Je suis triste de voir mes enregistrements prendre la poussière, d'autant qu'il y a là une partie de ce que j'ai fait de mieux. Mon inconscient semble toujours persuadé qu'il n'y aura personne pour défendre cette musique, personne pour l'acheter ou même s'y intéresser. Une conviction que n'endiguent pas la baisse généralisée des ventes de disques et la hausse du téléchargement illégal. Pendant un certain temps, j'ai vendu ma musique sur mon site internet, mais elle a vite été piratée et s'est retrouvée en téléchargement gratuit ailleurs. Mes ventes se sont évidemment effondrées.


Je pense que la révolution informatique a détruit la capacité que nous avions à vendre de la musique. L'ordinateur est un cheval de Troie que tout le monde a installé dans son intimité et qui s'est retourné contre les gens en devenant l'ennemi du commerce naturel. L'informatique a détruit des millions d'emplois et bâtit la fortune d'une poignée de gens. Maintenant, l'ordinateur est utilisé par le gouvernement pour espionner les citoyens. Vous pouvez vous rendre sur les plus hautes montagnes de la Nouvelle-Guinée, vous n'échapperez plus à l'ordinateur.


Nous sommes entrés dans une nouvelle ère que personne ne comprend, reposant sur des frontières virtuelles et un outil où pullulent le mal, la trahison, et toutes sortes de choses sombres...


Je pense que la musique comme art reflète bien ce qui se passe. La machine est en train de détruire l'humain, de supprimer le toucher de l'homme sur la corde d'une guitare... Je pourrais écrire des volumes sur ce sujet, sur ce qui se passe aujourd'hui et ce qui va venir, sur les conséquences de l'amour immodérées pour l'argent. La cupidité et l'ignorance vont détruire l'humain. Si nous perdons nos âmes, que restera-t-il de nous ? Je n'aime pas être négatif, mais si nous ne changeons pas nos modes de vie et surtout nos mécanismes de pensée, nous détruirons beaucoup de choses, bien au-delà de notre champ d'action naturel. La machine est un prédateur de la vie.


Et tout cela nous ramène au mythe de Lucifer et de sa chute... à ce dieu qui habite toutes les choses accomplies et pensées par l'être humain. Il faut se dresser contre l'état d'esprit servile et superstitieux, porté à croire des mensonges générateurs de souffrances et de systèmes de croyances erronés. Nous devons réellement nous interroger sur la façon dont l'homme est capable de se plier à de fausses idées, au point de tuer et de détruire pour les préserver et convaincre les autres, en étant motivé par la peur et/ou la cupidité.


Si j'ai un message à délivrer à travers ma musique, que j'ai tenté de transmettre malgré les années, c'est d'apprendre à vivre en bonne intelligence, à cultiver la connaissance et la raison, à communiquer avec autrui pour apprendre de lui au lieu de le rejeter. La musique est un moyen de communication extraordinaire qui n'a pas besoin de mot, qui parle aux esprits comme à la chair et qui transcende les individus, malgré leurs différences. La musique est un point de rencontre et de ralliement.


C'est une quête digne. On dit “la vérité s'achète, mais ne se vend pas », ce qui signifie qu'une chose authentique possède une grande valeur, qu'il faut la préserver pour toujours et ne jamais la vendre ou la corrompre. Ma vérité, mon authenticité, je la confie entièrement à ma musique, j'y mets mon cœur et mon âme, en toute sincérité. Du coup, je ne suis pas inquiet de mes faibles ventes de disques, je suis davantage préoccupé de savoir si je suis bien compris de ceux qui m'achète, c'est tout ce qui m'importe.


SJV : Le message est passé. Merci Randy d'avoir répondu à nos questions.

Commentaires
Saint-Nec-Terre, le 28/06/2015 à 11:21
Randy Holden parle du Hollywood Shuffle. Un autre membre de Blue Cheer, Bruce Stephens a lui, écrit un morceau qui s'appelle "Fillmore Shuffle". Marrant.