Manfred Mann's Earth Band
Messin'
Produit par
1- Messin' / 2- Buddah / 3- Cloudy Eyes / 4- Get Your Rocks Off / 5- Sadjoy / 6- Black and Blue / 7- Mardi Gras Day
La production de Manfed Mann’s Earth Band dans ses premiers temps discographiques, entendre quatre albums en deux ans soit deux chaque année, pourrait surprendre, mais elle s’explique assez facilement par d’autres raisons que le seul génie de ses musiciens. En effet, le groupe restera dans la postérité comme un excellent arrangeur de reprises à la sauce progressive, souvent piochées chez Dylan puis Springsteen (mais pas seulement, loin de là), ce qui limite le travail de composition, mais il recycla également de nombreux morceaux issus des incarnations précédentes de Manfred Mann (sous son propre nom ou sous celui de Chapter Three).
Sur ce point, leur troisième opus, Messin’, ne se démarque pas de ses deux prédécesseurs, puisqu’il comporte trois reprises et un titre arrangé d’un original de Chapter Three, sur un ensemble de sept titres. Mais il pose un jalon important dans leur carrière : le combo n’a jamais été complètement progressif, et cette évolution s’est faite petit-à-petit - Messin’ est le moment de transition du groupe vers une inscription plus marquée dans ce genre.
C’est d’abord "Messin’", un mid-tempo répétitif à l’ambiance industrielle, qui martèle son riff avec régularité, faisant sortir des profondeurs les envolées bluesy à la six-cordes ou les chœurs. L’étendue de la pièce, ses variations internes, mais également les divagations instrumentales, parfois étranges aux claviers, et particulièrement savoureuses à la guitare au moment de la montée en puissance, en font un titre à l’allure progressive, et un des plus beaux joyeux du groupe. Dans un registre à mi-chemin entre l’AOR (pour les couplets) et l’Heavy-prog’ (pour les refrains), "Buddah" est plutôt réussi, notamment pour son thème orientalisant qui suit chaque refrain et pour sa partie instrumentale planante où l’on peut entendre le goût de Manfred Mann pour les sonorités synthétiques et spatiales aux claviers. Au rang des perles à tendances progressives, l’excellent "Black and Blue" revisite la soul et le blues sur le mode stellaire, l’associant à des claviers sombres ou expérimentaux et l’affublant de lignes instrumentales travaillées. Rien que pour ces trois morceaux, les plus audacieux de l’opus, Messin’ vaut le détour.
En outre, il comporte des passages tout à fait intéressants dans ses contours plus conventionnels. "Cloud Eyes" est une composition solide sous forme d’exercice de guitare électrique mélodique aux faux-airs de slow à la Gary Moore, et la reprise très Heavy de Dylan, "Get Your Rocks Off", est vraiment entraînante. Seule ombre au tableau, l’ultime "Mardi Gras Day" qui n’a aucun intérêt, est complètement démodé voire grotesque, tandis que "Sadjoy" est aussi démonstratif que poussif (j’en conviens, il se laisse écouter si l’on passe sur les "lalala").
Dans la longue liste des albums qu’il conviendrait de réhabiliter, Messin’ semble mériter sa place. Non seulement il s’impose comme un jalon dans la carrière de Manfred Mann’s Earth Band, mais il incarne ce statut avec de nombreuses pièces d’exception. On a souvent davantage retenu son successeur, qui est parfois considéré comme leur meilleur album : en toute subjectivité, Messin’ me semble bien plus percutant, malgré son hétérogénéité et ses imperfections.
A écouter : "Buddah", "Messin’", "Black and Blue"