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Critique d'album

Sparks


Mad!


(23/05/2025 - Transgressive - Glam Rock/Art Pop - Genre : Pop Rock)
Produit par Ron & Russell Mael

1- Do Things My Own Way / 2- JanSport Backpack / 3- Hit Me, Baby / 4- Running Up a Tab at the Hotel for the Fab / 5- My Devotion / 6- Don't Dog It / 7- In Daylight / 8- I-405 Rules / 9- A Long Red Light / 10- Drowned in a Sea of Tears / 11- A Little Bit of Light Banter / 12- Lord Have Mercy
Note de /5
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Note de 4.0/5 pour cet album
"Avant de mourir, regardez toujours le bon côté des choses. Juste avant de rendre votre dernier souffle..."
Daniel, le 08/07/2025
( mots)

Un peu de sémantique

Étincelle : parcelle incandescente qui se détache d'un corps qui brûle, ou qui jaillit au contact ou sous le choc de deux corps. 

Sparks : étincelles.

Un peu de logique

Il est facile de penser qu’un groupe qui, comme Sparks, évolue seul dans sa catégorie ne peut être qu’un premier de classe. En y réfléchissant bien, il se trouve pourtant des musiciens uniques en leur genre qui font figures de cancres invétérés. Je ne citerai évidemment ni Guns’n’Roses (catégorie "puffy metal"), ni Ghost (catégorie "diableries Pif Gadget"), ni Phil Collins (catégorie "eighties disaster pop-rock") pour ne fâcher personne. 

Mais, en cherchant bien, on trouve...

Un peu d’histoire (de l’art)

Je parie des biscuits contre des dollars qu’aucun d’entre vous n’a vu Le mécano de la Général(e) (The General – 1926). Par conséquent, il y a peu de chance que Buster Keaton (1895 - 1966) vous inspire quoi que ce soit. C’est dommage pour la référence parce que Ron Mael est le meilleur Buster Keaton du rock (au sens large). Ron et Buster sont frères artistiques. Muets et figés. Et aussi géniaux.

La seule différence est que Ron a un frère biologique qui parle et s’agite brillamment pour deux. Au moins.

On sait par ailleurs que le claviériste moustachu a réalisé son rêve le plus cher en initiant un film dont il allait composer la musique originale (1) pour décrocher un César en 2022. 

Un monde cinglé (!)

Il est impossible d’expliquer pourquoi ni comment les frères Mael, à l’âge où la plupart des humains radotent dans une maison de repos, peuvent encore enquiller quatre albums parfaits d’affilée en seulement huit ans : Hippopotamus (2017), A Steady Drip, Drip, Drip (2020), The Girl Is Crying In Her Latte (2023) et maintenant Mad!.

C’est que Mad! a une fois encore des allures de classique instantané. Un classique de Sparks mais un classique tout de même. Ce n’est pas pour rien que, dès sa sortie, l’album s’est classé à la deuxième place dans les charts britanniques. 

La pochette (confiée une fois de plus au designer Galen Jonhson) est taguée en rouge. L’album est un manifeste. Il appelle à la révolte. C’est que le monde devient dingue. Dangereusement dingue. Au point d’exaspérer Ron. Une photo intérieure le montre furieux. La vapeur qui sort violemment de ses oreilles en dit long sur la puissance de sa colère. Parce "Mad" veut dire "Fou" (pour qualifier le monde) mais aussi "Enragé" (pour illustrer les états d’âme des Mael).

Il est difficile de pointer avec précision ce qui, en 2025 et contre toute logique, fait encore la modernité de Sparks. La pertinence du propos ? Les sujets abordés ? Les subtilités de la production ? L’humour ? La qualité des instrumentations ? La richesse du chant ? La folie des claviers ?

Peut-être un peu tout ça à la fois. 

Et un album fou (!) furieux

Le modèle capitalistique qui gouverne la démarche artistique contemporaine impose aux créatifs de produire des œuvres formatées. Les frères Mael n’en ont rien à cirer et leur nouvel opus explose en tous sens. 

Un kaléidoscope.  

Le grand écart est proprement saisissant entre les slogans électro-synthétiques punkoïdes comme "Do Things My Own Way" (un puissant hymne en faveur de la liberté individuelle) et l’ironie gentiment imbécile de "My Devotion" qui traite à sa façon du romantisme amoureux :

Ton nom est gravé sur le cuir de mes chaussures
Et maintenant je songe sérieusement à un tatouage

Il existe le même genre de contraste entre "JanSport Backpack", où une rupture douloureuse est contée sous le prisme du sac à dos que porte la dame qui s’en va, et "Running Up A Tab At The Hotel For The Fab" qui voit un malheureux se ruiner pour impressionner une demoiselle que l’on devine indifférente ou blasée :

J’ai commandé du champagne et du fromage
Autant voir la vie en grand
Mais ne gâche pas ton dîner 
En abusant du Camembert

La fratrie s’autorise un clin d’oeil à sa région natale sur le génial "I-405 Roads" qui compare la principale autoroute californienne (2) aux fleuves les plus majestueux et romantiques du monde.

Le lyrique "Drowned In A Sea Of Tears" évoque la dépression et l’incompréhension entre les êtres tandis que le cruel mais superbement observé  "A Little Bit Of Light Banter" rappelle le merveilleux Eric Idle (3) dans sa structure et ses reprises chorales. 

Et le mélodieux "Lord Have Mercy" conclut un album d’une incroyable richesse. Même si le texte est écrit au trentième degré, ça fout des frissons...

Allongée à mes côtés
Tu t’es endormie
Tandis que je veille, moi qui t’aime tant
Tu respires doucement
Et tu fredonnes cette chanson qui m’est familière

Tu chantes doucement et ça me déchire le cœur
Tu chantes doucement et pour moi c’est de l’art
Tu chantes doucement et ça résonne comme si 
Le monde touchait à sa fin...

"Seigneur, prends pitié
Fais que les mers se calment
Et que soufflent des brises légères
Seigneur, prends pitié
Sèche nos larmes
Et sauve-nous 
Des prophètes de peur et de malheur"

Sans aucun moment faible, Mad ! Propose douze titres pour quarante-cinq minutes d’excellence en se jouant des petits et grands travers de l’humanité. L’écoute de l’opus prend des allures de montagnes russes émotionnelles tant les propos des frères Mael peuvent passer, sans crier gare, du détail apparemment insignifiant à l’universalité, d’un petit travers à la plus grande misère, de l’hilarité aux larmes. 

Il y a un demi-siècle, Elton John avait prophétisé que le single "This Town Ain’t Big Enough For The Both Of Us" ne marcherait jamais et que l’aventure Sparks resterait sans lendemain. John Lennon avait pour sa part comparé les deux frères à un duo ridicule entre Marc Bolan et Adolf Hitler. 

En 2025, Ron et Russell font encore l’actualité en enthousiasmant leurs fans sur scène, en enregistrant des albums remarquables et en développant encore des projets délirants. En guise d’excuse, Russell a déclaré en toute modestie : "Tout ça arrive parce que nous avons surtout besoin de ne pas nous ennuyer."

Totally Mad !


(1) Il s’agit du déroutant Annette de Leos Carax en 2021. C’est par ailleurs un titre de cette B.O. ("So May We Start") qui ouvre les concerts de l’excellente tournée 2025 de Sparks. Il se murmure que le duo travaille actuellement sur une comédie musicale (le titre de travail serait X Crucior?) dont le tournage pourrait être confié à John Woo. 

(2) Pour l’avoir empruntée, je pense que c’est la route la plus embouteillée et (selon mes critères) la plus pénible de la côte Ouest des USA. 

(3) Eric Idle (cité dans le chapeau de la chronique) a composé toutes les chansons géniales des Monty Python. 

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