Alice Cooper
Billion Dollar Babies
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1- Hello Hooray / 2- Raped And Freezin' / 3- Elected / 4- Billion Dollar Babies / 5- Unfinished Sweet / 6- No More Mr. Nice Guy / 7- Generation Landslide / 8- Sick Things / 9- Mary Ann / 10- I Love The Dead
Ce qu’il faut reconnaitre à Vincent Furnier, c’est d’avoir un sens aiguisé de la marche esthétique qu’empruntent les musiques populaires à travers les époques. Pour le leader d’Alice Cooper, School’s Out ne pouvait donc qu’être interprété de la sorte : le succès avait été emporté grâce au titre éponyme, direct et très rock, et les pièces un peu foutraques et expérimentales (qu’on retrouve sur tous les albums précédents) devaient être délaissées pour s’investir dans la composition de morceaux immédiatement marquants. C’est fort de ce bilan tiré avec un jugement imparable, que Billion Dollar Babies devint le plus gros succès du groupe, accueilli de façon triomphale par la presse et le public alors qu’Alice Cooper avait déjà fait sa place parmi "ceux qui comptent". Il est désormais au sommet, et ce des deux côtés de l’Atlantique.
Album très accessible, Billion Dollar Babies se démarque avant tout par ses tubes, offerts de façon presque diluvienne. Des morceaux immédiatement devenus indétrônables au sein des setlists d’Alice Cooper, comme "Billion Dollar Babies" au rythme alambiqué et aux multiples plans de guitare exceptionnels, et le tout simplement culte "No More Nr. Nice Guy". Reposant sur des riffs géniaux et une interprétation dramaturgique, ces titres illustrent au mieux les qualités de l’opus, dont toutes les pièces, sans atteindre à chaque fois le statut de chef-d’œuvre, possèdent de vrais arguments pour accrocher l’auditeur. Les refrains légers et soft-rock de "Raped and Freezin'", la fin de rêve hippie de "Generation Landslide", et même les restes expérimentaux du très varié et cinématographique "Unfinished Sweet" (presque progressif), tout est fait pour capter l’attention du public avide de rock efficace et immédiatement plaisant. Et c’est une véritable réussite. Preuve de l’évolution du groupe, la reprise d’un titre issu de leur premier opus, un "Reflected" peu intéressant qui devient "Elected", marque le passage des guignoleries mariant les Beatles et Zappa, au hard-rock théâtral et aguicheur.
Ainsi, les expérimentations d’Alice Cooper se situent désormais du côté de l’aspect dramaturgique que prennent leur musique et leurs performances sur scène. La reprise de Rolf Kempf, "Hello Hooray", ouvre l’album à la manière d’un spectacle, devançant ainsi ce que fera plus tard Furnier, de façon approfondie, sur Welcome to My Nightmare. Par la suite, "Sick Things" poursuit cette veine théâtrale et orchestrale, tandis que "Mary Ann" pose une ambiance piano-bar qui dérive sur l’atmosphère d’un saloon. Le shock-rock, c’est aussi du grand-spectacle avec son lot de sang, de poupées inquiétantes, de guillotine, un ensemble d’artifices qu’Alice Cooper développe de plus en plus sur la tournée de promotion de l’album : la pochette, un portefeuille en peau de serpent qui affiche le visage d’un poupon grimé comme Cooper, annonçait la couleur et mélangeait déjà les côtés glam et obscènes du genre. La provocation grotesque atteint son paroxysme sur le très typé Atomic Rooster "I Love the Dead", un hymne tamisé à la nécrophilie de très bon goût ... musicalement parlant. Il y a donc bien quelque chose d’alambiqué dans les compositions du groupe, mais cela se fait au profit de la mise en scène et de la narration.
La gloire pérenne obtenue par Billion Dollar Babies ne vint que valider l’aboutissement esthétique d’Alice Cooper. Sur cet album, le groupe se montre sous son meilleur jour, à la fois très pertinent et efficace dans la composition, mais également ambitieux dans sa dimension spectaculaire et shock-rock. C’est pourquoi il s’agit sans conteste du magnum opus de la période "groupe" d’Alice Cooper.
A écouter : "Billion Dollar Babies", "No More Nr. Nice Guy", "Elected", "I Love the Dead"