Alice Cooper
School's Out
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1- School's Out / 2- Luney Tune / 3- Gutter Cat Vs. The Jets / 4- Street Fight / 5- Blue Turk / 6- My Stars / 7- Public Animal #9 / 8- Alma Mater / 9- Grande Finale
Le rock a un problème avec l’école. Peut-être parce que c’est une musique de cancre. On le remarque depuis Chuck Berry qui ne lui reconnait rien de plus que l’ennui permettant de savourer, par contraste, l’énergie du rock’n’roll lancé sur le juke-box ("School Days"), à Ten Years After qui en fait un lieu de papillonnage (avec leur reprise de "Good Morning Little Schoolgirl" de Sonny Boy Willimason I), en passant par Pink Floyd qui la peint en arme oppressive de l’uniformisation ("Another Brick in the Wall") de même que Supertramp, de façon moins excessive tout de même ("School").
Dans cette thématique, on trouve "School’s Out", où Alice Cooper incite moins ses auditeurs à célébrer les vacances qu’à s’encanailler à l’école buissonnière, une ode adolescente pour la jeunesse prolétarisée du Midwest industriel qui pouvait avoir des rapports complexes avec l’institution. Surtout, c’est une invitation naïve à la révolte intergénérationnelle, l’école représentant le monde sage des adultes, et cette révolte bien insignifiante se joue sur les notes et la saturation du rock. Il fallait pour cela un riff, et "School’s Out" en possède un qui est tubesque, intemporel, l’hymne potentiel d’une génération.
Alice Cooper mauvais élève ? Trop américain et trop maquillé, Vincent Furnier a pu passer pour l’incarnation peut-être caricaturale d’un rock classique, direct, sans trop de complexité. Or, si "School’s Out" est un titre aussi simple qu’il est efficace, il cache un album bien plus ambitieux et expérimental, à l’image de ses deux prédécesseurs.
Ainsi, même des titres qui semblent convenus ne manquent pas d’étonner, comme "Luney Tune", qui bascule dans des passages country avec des orchestrations pompeuses, ou "My Stars" insaisissable et tout en théâtralité. Par ailleurs, l’influence de Zappa, issue de la période californienne du groupe, se retrouve dans des morceaux assez étranges, du décalé "Gutter Cats vs The Jets" (dans la lignée des titres dramatiques de Love It to Death) au drôle d’instrumental très court "Street Fight" en passant par le Beatles déluré et hurlant qu’est "Alma Matter". On remarquera aussi, pour filer la référence à Zappa cette fois-ci dans son inclinaison musicale de 1972, des côtés jazzy sur "Blue Turk", assortis de cuivres, en mode loubard déambulant dans les rues de Chicago, ou sur l’instrumental orchestral refermant l’aventure, "Grande Finale".
On dansera, tout de même, grâce au rock’n’roll bardé de chœurs qu’est "Public Animal #9", avec un solo plus que décent à la guitare, mais est-ce suffisant pour relancer la dynamique de l’album ? En effet, Schools Out, l’album, déçoit un peu suite à "School’s Out", le titre. L’ensemble de ces bizarreries donne souvent le sentiment du patchwork, de sacrifier la musicalité et l’énergie sur l’autel de l’originalité (réelle). Les deux précédents opus étaient parvenus à maintenir cet équilibre, celui-ci est à la peine, et ses facéties sonnent souvent datées quand elles ne manquent pas de tonus.
Le succès de School’s Out à l’époque, véritable volant d’entraînement pour Alice Cooper, donne un peu le sentiment qu’un titre fabuleux a masqué le reste de l’œuvre, à la pertinence plus contestable. C’est seulement en prenant en considération l’opus dans son ensemble qu’on pourra réfléchir à son statut, peut-être illégitime, d’album-culte.
A écouter : "School’s Out", "Blue Turk", "Public Animal #9"