Alphataurus
Alphataurus
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1- Peccato d'orgoglio / 2- Dopo L'Uragano / 3- Croma / 4- La Mente Vola / 5- Ombra Muta
Civis pacem para bellum. Il est hélas commun de constater que les porteurs de paix - et de démocratie, se manifestent sous le ramage d’une colombe et sous le bruit des bombes. L’idéologie est le verni des réalités matérielles et la guerre juste n’est qu’un arsenal argumentatif au service des pires atrocités, notamment en ces temps de Guerre froide, et ce peu importe où l’on se situait par rapport au rideau de fer. Sauf que "personne n’aime les missionnaires armés", comme en attestent les Milanais d’Alphataurus qui dénoncent le pacifisme belliqueux à travers la très belle pochette de leur premier album.
Joyau de la scène progressive italienne, Alphataurus fait partie de ces groupes obscurs, de ces formations d’un album (jusqu’à leur reformation), qui pullulèrent durant les 1970’s. Parmi celles-ci, nombreuses n’ont d’intérêt que pour l’anecdote, mais d’autres ont été injustement négligées : Alphataurus est de cette dernière catégorie.
Académique dans son approche du rock progressif, Alphataurus n’en est pas moins brillant dans son exécution. Le groupe est adepte des pistes étendues et privilégie les suites d’environ dix minutes (entre 9 et 12 minutes pour être précis), ne dérogeant à la règle que sur le court "Croma", entre montée en puissance symphonique, inspiration baroque et détours expérimentaux (le côté désaccordé) et "Dopo l’Uragano" qui passe de l’acoustique au Heavy-prog’ sans prévenir.
L’album commence sur la pièce la plus excessive de cette collection, l’immense "Peccato d’Orgoglio" qui s’ouvre sur une introduction au rythme heurté et évoquera tour à tour King Crimson, ELP et Van Der Graaf Generator. Si l’inspiration britannique est très sensible, Alphataurus maintient une identité italienne forte, portée par la guitare acoustique et le chant magistralement puissant de Michele Bavaro, ou par certaines sonorités de claviers très utilisées au sein de la scène locale. Les évolutions instrumentales qui s’élancent après 4.30 sont d’une rigueur époustouflante, notamment le travail fourni aux claviers, avec un goût pour le hard-rock qui entraîne parfois Alphataurus vers le Heavy-prog’. L’autre chef-d’œuvre du groupe n’est autre que "La Mente Vola" dont l’introduction aussi éthérée qu’angoissante marquera l’auditeur à vie : les motifs répétitifs et fuyants des claviers sont en tout point magistraux lors de cette montée en puissante qui dure plus de trois minutes. La seconde partie de ce morceau laisse la place au chant caractéristique du RPI derrière un piano tamisé, notamment le refrain volontairement emphatique pensé pour être chanté en chœur. À côté de ces deux perles, "Ombra Muta" apparaît plus conventionnel, entre Heavy-prog’ et rock progressif plus entreprenant et agressif, qui évoque un peu Nektar ("A Tab in the Ocean").
Alors que l’année 1972 avait été celle du véritable décollage du Rock progressif italien, 1973 apparaît comme celle la consécration de la scène de ce pays méditerranéen tant les chefs-d’œuvre s’y sont multipliés. Au-delà des grands noms tels Banco del Mutuo Soccorso ou Le Orme, une foule de formations méritantes mais éphémères ne demande qu’à être redécouverte des années après avoir fait paraître un témoignage fugace : vous pouvez commencer avec Alphataurus.
À écouter : "Peccato d’Orgoglio", "La Mente Vola"