Beck
Morning Phase
Produit par Beck
1- Cycle / 2- Morning / 3- Heart Is A Drum / 4- Say Goodbye / 5- Blue Moon / 6- Unforgiven / 7- Wave / 8- Don't Let It Go / 9- Blackbird Chain / 10- Phase / 11- Turn Away / 12- Country Down / 13- Waking Light
Il y a certains albums, comme ça, qui devraient être faciles à critiquer. Prenons le cas de ce Beck, par exemple. Un disque encensé unanimement, récompensé par trois Grammys 2015 dont le meilleur album de l’année (ce qui n’est pas rien) et le meilleur album rock de l’année (ce qui, pour un disque folk, la fout quand même un peu mal), et qui de plus se place dans la continuité du petit bijou qu’est Sea Change, déjà chroniqué par votre serviteur, lequel n’avait pas hésité à chanter ses louanges. Donc Morning Phase, ça devrait aller tout seul. Un jeu d’enfant, ha. Sauf que pas du tout.
Morning Phase fait suite à un Modern Guilt qui, avouons-le, nous avait laissé sur notre faim malgré une production signée Danger Mouse qui aurait pu apporter un peu de nouveauté dans les facéties auditives du blondinet. Délaissant son rock touche à tout devenu un peu pantouflard ainsi que son label quasi-historique, Interscope, Beck est donc revenu à ses amours folks déjà joliment mis en valeur dans Golden Feelings et One Foot In The Grave, et sublimés sur Sea Change. Mais autant ce dernier disque créait une ambiance réellement saisissante, mi-acoustique, mi-orchestrale, avec des lignes de basse rondes et enveloppantes, mais surtout une ambiance qui transcendait les genres et qui tendait à quelque chose de vraiment neuf et frais, autant on a l’impression ici que le petit prodige de la pop rock music ne s’est pas trop foulé à peaufiner son environnement sonore. Morning Phase est donc un beau disque, mais un disque lisse, sans aspérités ni altérations, un disque qui passe tout seul, qui ne fait aucune vague, qui file seul dans son coin. Un disque idéal pour des réveils matins en douceur ? Probablement, et c’est peut-être là le fond du problème.
Imaginez que vous êtes dans votre lit. Vous venez d’acquérir un radio réveil top perfectionné avec un système d’allumage graduel, une lumière incorporée qui croît en intensité, une musique légère qui monte tout doucement, bref tout ce qu’il faut pour ne pas vous brusquer lorsque vous vous arrachez aux bras de Morphée. Eh bien Morning Phase - notez le titre d’album fort à propos - c’est exactement ça. Un réveil progressif avec simulateur d’aube ®. La voix chaude du blond yankee flatte nos esgourdes sans les brusquer, la guitare acoustique frôle nos sens, caresse nos cheveux et nos joues, nous invitant ainsi à abandonner couettes et édredons et à passer dans la salle de bains après un petit arrêt par les toilettes. Il faudra alors certainement changer votre playlist pour ne pas vous rendormir devant votre lavabo, et sachez d’ailleurs à ce propos qu’il existe des playlists spéciales pour chanter sous la douche sur Spotify - on n’invente rien - même si entre nous, sous la douche, on n’entend quand même pas grand chose, pas vrai ? Mais revenons à nos moutons, ceux que l’on a comptés la veille au soir, car nous divaguons méchamment.
Nous divaguons, mais le soucis est qu’il est vraiment compliqué de dire quoi que ce soit sur cet album, que ce soit en mal ou en bien. C’est la panne d’inspiration, le syndrome de la page blanche. Que retenir des “Morning” (décidément, on reste dans la thématique du matin…), "Blue Moon", "Waking Light”, "Say Goodbye" ou "Heart Is a Drum", si ce n’est que ces titres folks bénéficient d’une production parfaite, d’un traitement de cordes acoustique idéal, d’un réel travail sur la voix et les choeurs (solaires comme… par une matinée de printemps, glups), mais qu’on a beau les écouter et les réécouter, impossible de les retenir, de les fredonner, de se les approprier. Morning Phase entre par une oreille et ressort par l’autre, comme lorsque l’on se réveille d’un beau rêve mais que l’on peine à s’en souvenir une fois les brumes de l’oubli évacuées. À écouter au saut du lit, donc, pour des matins réussis (mais si vous voulez écouter du Gojira à 6h du mat', vous faites comme vous voulez, hein). Pour le reste de la journée, on préférera sans doute une musique plus… consistante. Le terme est probablement un peu osé pour un disque et un artistes qui ont tant été portés aux nues, mais c’est la dure réalité.
Et écoutez Sea of Change, vraiment. La plus value, musicalement parlant, est évidente.