
Smalltape
Tangram
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1- No Time (Pt.1) / 2- Goodbye / 3- Second Chance / 4- No Time (Pt.2) / 5- Phoenix / 6- Selene / 7- No Time (Pt.3) / 8- Gold Digger / 9- Tesselate


Produit via une campagne de financement participatif, le quatrième album de l'Allemand Philipp Nespital a été pensé comme une mosaïque de titres possédant chacun leur singularité et leur identité propre mais se réunissant dans un ensemble cohérent, évoquant ainsi la fameuse figure chinoise du Tangram. Un puzzle musical qui n'est pas sans évoquer le projet de Steven Wilson autour de The Harmony Codex avec un assemblage qui semble résolument prendre ses distances avec les sonorités des précédents opus. En effet, alors que The Ocean était un pur album de rock progressif et que The Hungry Heart misait sur une approche plus éclectique, aux confins de l’électro du metal ou encore du rap, ce nouvel album possède une coloration jazzy et contemplative très affirmée. Cette orientation, qui pourra surprendre (mais peut-être pas tant au regard de la discographie de l'Allemand et d'un premier album déjà très ancré dans le jazz) et qui n'est pas non plus sans rappeler la démarche entreprise par le groupe français Esthesis sur son deuxième album Watching Wolds Collide, nécessitera certainement un temps d'adaptation pour certains auditeurs.
Ces derniers risquent ainsi de se faire cueillir à froid par le martèlement dissonant du piano sur "Goodbye" mais seront vite réconfortés par le superbe développement atmosphérique qui suit et le travail de dentelle à la guitare acoustique qui évoque un certain Steve Hackett (notamment le motif de "Dancing with the Moonlight Knight"), avant de briller sur un lumineux solo conclusif. Le travail sur les textures de claviers est particulièrement exemplaire, en particulier sur le titre central "No Time" éclaté en trois parties et qui convie pop et jazz en un même mouvement avec des développements de haute volée (notamment sur la pt.3), permettant au passage de mesurer la nette progression de l'Allemand au chant.
La multitude d'invités présents offre également aux compositions une profondeur instrumentale remarquable lorsqu'un saxophone élégiaque magnifie la tristesse poignante de "Phoenix" et lui prépare un envol épique en fin de morceau ou lorsque les cordes, les percussions et les lignes de guitares acoustiques se débattent dans un swing aérien et joyeux en hommage à la déesse de la Lune sur "Selene". Habitué à jouer les chefs d'orchestre, Nespital sait parfaitement mener sa troupe et navigue avec la même aisance entre accroche popisante sur "Second Chance" qui bénéficie de la participation de Bruce Soord pour balancer une belle déflagration électrique, et mélancolie sertie de délicatesse sur le court – et très beau - "Gold Digger". Enfin, "Tesselate" est assurément le titre le plus ambitieux de ce quatrième opus, irrésistible fresque jazzy qui s'attache à distiller un véritable crescendo de tension dans sa première partie avant de s'effacer devant un nouveau thème majestueux au saxophone qui s'offre une nouvelle montée en puissance très cinématographique et un final héroïque en diable.
Philipp Nespital ne fixe décidément aucune limite à ses envies créatives et se renouvelle de prise de risque en prise de risque à chaque album. Ce nouveau virage vers un prog-rock dopé au jazz était un pari et ne peut que remercier tous les fans qui ont fait œuvre de foi et ont contribué financièrement à la réalisation de ce nouvel exploit. Dans la droite lignée des excellents opus qui le précèdent, Tangram est un nouveau chef d’œuvre, brillant techniquement (on tient certainement là les plus belles parties de claviers de l'année 2025) sans oublier d'être sensible, doté de thèmes fédérateurs qui s'embrasent au travers de constructions aventureuses et qui parvient à se montrer accessible sans jamais compromettre son ambition initiale. Avec Tangram, Nespital fait mieux que recoller les morceaux, il livre l'un des albums les plus renversants de l'année.



















