Dschinn
Dschinn
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1- Freedom / 2- Fortune / 3- I'm in Love / 4- Train / 5- Let's Go Together / 6- Smile Of The Devil / 7- I Wanna Know / 8- Are You Ready / 9- For Your Love
Il a quelques années, je feuilletais un ouvrage qui répertoriait les plus fameuses pochettes de l’histoire du rock ainsi que d’autres, moins célèbres, qui méritaient néanmoins leur place par leur bon goût indéniable. Je ne me souviens plus du titre de ce livre mais, si vous voulez des indices pour trouver la référence, sachez qu’il était en anglais (il s’agit peut-être de celui publié par Taschen) et qu’il comportait une illustration tirée de la discographie d’un groupe allemand complétement obscur, tombé dans les limbes de l’histoire du rock. Ainsi, une fois face à la couverture de l’unique album de Dschinn dont le nom mystérieux était déjà plein de promesses, je fus interpellé par cette figure anthropomorphe surréaliste, au carrefour entre Arcimboldo et Dali, qui était dès lors inscrite dans mon esprit. Il me fallut quelques temps pour réellement franchir le pas, c’est-à-dire me procurer l’album et l’écouter attentivement.
Dans les années 1960, l’Allemagne de l’ouest était irriguée par le rock anglais grâce aux radios et par le rock américain grâce aux bases militaires installées sur place, les Etats-Unis allant jusqu’à former des groupes en RFA avec leurs propres troupes afin de les occuper (on rappellera l’histoire des Monks durant la décennie, d’anciens GI’s devenus de subversifs rockeurs en Allemagne). Bref, outre-Rhin, la musique populaire anglo-américaine gagne la jeunesse et des formations locales commencent à apparaître en imitant les cousins anglo-saxons. Ce fut le cas de The Dischas, aux alentours de Marbourg, qui proposèrent aux bars et festivals une musique pop-rock entre les Beatles et Elvis (ils s’inspiraient aussi des Yardbirds au point de reprendre "For Your Love").
Néanmoins, cette resucée allant bien deux minutes, la scène allemande décida de s’émanciper et donna naissance au Krautrock, quand The Dischas, devenant Dschinn, changea également son fusil d’épaule au moment de signer chez Bacillus/Bellaphon (qui publiait Nektar). Avis aux amateurs de Stoner ou de hard-rock rugueux, le Heavy-rock de Dschinn mêle habilement certaines caractéristiques de la vague psychédélique déclinante avec des riffs bien saturés et souvent bien trouvés.
En témoigne "Freedom" et son excellent riff mis en relief par plusieurs transitions sur des plans enthousiasmants, fuzzy à souhait, avec des chœurs hippie : on n’est pas loin de la queue de comète psychédélique qui avait sorti les grosses guitares (voir Josefus). On retrouve cette fougue équivalente sur le lourd "I Wanna Know", incroyablement chanté : sans le savoir (du moins nous le présumons), Graveyard et autre Kadavar marchent dans leurs pas.
Dans ce même registre, "I’m In Love" se défend plutôt bien avec sa mélodie suspendue (il devient plus classique par la suite), "Fortune" possède une ambiance envoutante avec une ligne mélodique ésotérique West-coast … Un autre beau moment arrive avec la ballade "Smile of the Devil" qui met en valeur la voix rauque et puissante de Peter Lorenz (voilà un titre très attachant).
Il y a donc du bon voire du très bon chez Dschinn, mais le groupe s’avère parfois plus convenu, c’est-à-dire complètement bluesy sur "Train" (avec l’harmonica de circonstances), étonnement latin-jazz sur "Let’s Go Together", sans fulgurance sur "Are You Ready" … L’album n’est donc pas un chef-d’œuvre de bout en bout mais il n’y a aucun faux-pas et suffisamment de qualités pour considérer qu’il aurait mérité davantage de reconnaissance.
Puissent ces quelques lignes aider Dschinn à trouver un peu la lumière dans la postérité.
A écouter : "Freedom", "Smile of the Devil", "I Wanna Know"