Electro Compulsive Therapy
Electro Compulsive Therapy
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1- Glow / 2- Colors fade away / 3- Blackstar / 4- Gemini / 5- In through the light / 6- Walking Ghost / 7- Stop...Wait and Transcend / 8- Supernova
L'hyper centralisation du bouillon progressif en Europe et le relatif anonymat de la scène sud-américaine au delà de ses frontières aurait bien pu nous faire passer à côté du premier album d'Electro Compulsive Therapy (ECT), quatuor formé en 2016 à Monterrey et signé sur le label irlandais Progressive Gears Records.
Si le Mexique n'est pas en reste en matière de musiques progressives avec notamment le groupe iconique Cast, actif depuis la fin des années 1970, ou plus récemment les trublions déjantés de the Mars Volta et les moins connus DonSr ou La Barranca, Electro Compulsive Therapy diffère des groupes précités en proposant une musique finalement très peu influencée par l'origine géographique de ses membres. Pas de sonorités latines ni de chant en espagnol mais un prog-rock moderne mélodique et atmosphérique, assez accessible, qui aurait pu sortir tout droit de l'écurie Kscope.
Composé de quatre musiciens expérimentés, Guillermo Garcia Herreros (voix principale et claviers), Andres Jasso (guitare), Rodolfo Gonzales (guitare basse) et Javier Villareal (batterie et percussions), ECT ne verse pas dans la virtuosité qui peut parfois conférer à l’esbroufe mais s'appuie sur une base rythmique très solide et des structures mélodiques à tiroir leur permettant des développements atmosphériques aux claviers et mélodiques à la guitare, dans un style très gilmourien. On l'aura compris, Pink Floyd constitue une influence majeure du jeu du guitariste Andres Jasso, qui rappelle en cela les compositions de Bjorn Riis, aussi bien dans sa carrière solo qu'au sein d'Airbag. Au jeu des ressemblances, la palette sonore d'ECT évoque également Porcupine Tree pour ses développements atmosphériques à base de nappes de claviers et guitares planantes qui embrayent sur des riffs métalliques plus lourds.
On retrouve bien la conjonction de ces différentes influences dans l'impressionnant morceau d'ouverture, "Glow", qui constitue une parfaite entrée en matière dans l'univers riche et cohérent des Mexicains. On assiste à une belle montée en puissance qui démarre par un court motif de piano accompagné d'une ligne de basse particulièrement remuante sur laquelle viennent se poser le chant sobre et laconique de Guillermo Garcia Herrero ainsi que des accords de guitares puissants. Un habile changement de tempo à la moitié du morceau amène un superbe décollage de claviers tourbillonnants et un solo de guitare inspiré et incisif.
On retrouvera une construction relativement similaire sur l'ensemble de l'album à l'image de "In Through the Light" : une entrée en matière mid-tempo avec un motif mélodique répété par des arpèges ou un piano, la voix toujours bien placée du chanteur mexicain puis un crescendo avec une section de rythmique qui prend de l'ampleur et des riffs saturés jusqu'à un solo de guitare conclusif qui étire les notes dans un écho gilmourien. On notera parfois quelques écarts bienvenus dans ce modèle avec quelques ballades ou l'incorporation d'un nouvel instrument comme ce superbe passage au mellotron dans "Stop... Wait and Transcend".
Le groupe maîtrise donc bien son sujet même si on aurait aimé sans doute moins de rigueur et un peu plus de folie, à commencer par le titre le plus long de l'album, "Colors Fade Away" qui s'étend sur près de 10 minutes. Le morceau débute par une ballade sereine au piano avant d’enchaîner sur un refrain accrocheur ("Toutes les couleurs s’estompent lentement. Tous les souvenirs brûlent comme des cigarettes") qui gagne en intensité à mesure que le titre déploie ses atours électriques avec de belles lignes de guitare mélodieuses. L’ambiance s'assombrit dans la seconde moitié du morceau avec une rythmique grouillante et tribale qui rappelle la partie centrale du "Anesthetize" de Porcupine Tree avant de revenir sur le refrain et un solo conclusif. Un exercice bien mené mais un peu trop classique, qui pêche au choix par son manque de virtuosité, d'émotion ou d'inventivité et qui aurait pu prendre une direction plus aventureuse avec son break pourtant prometteur.
Dans son aspect progressif, le titre "Blackstar" s'en sort bien mieux grâce à un thème de piano obsédant qui habille l'ensemble du morceau avec des voix déformées (un peu à la manière de "Remainder the Black Dog" de Steven Wilson) et des textures de synthétiseurs angoissantes avant que la musique ne décolle complètement avec encore une fois un superbe solo de guitare.
Au titre des ballades, "Walking Ghost" vogue davantage dans un registre pop/rock mais sent un peu trop la guimauve malgré un fin de morceau réussie tandis que "Gemini" est lui excellent du début à la fin. Le piano y joue un rôle de premier plan avec un Guillermo Garcia Herrero particulièrement convaincant et dont l'interprétation apporte une vraie profondeur au titre, bien épaulé par la guitare toujours aussi affûtée d'Andres Jasso dont le jeu est plein de sensibilité et d'intention.
Le dernier morceau, "Supernova", aurait pu être composé par Bjorn Riis et offre une conclusion inspirante et positive, quoique mélancolique, à l'album : "Quand il y en a assez, nous sortons des ténèbres pour aller à la lumière". La lumière, il faut espérer que le groupe y soit un peu plus exposé car ETC fait preuve d'une maturité impressionnante pour un premier album auto-produit.
On peut certes regretter l'absence de variété dans la construction des morceaux et des changements de rythmes trop timides pour donner naissance à des titres véritablement marquants. Reste donc à lâcher la bride pour éviter de tomber dans le syndrome Airbag, qui malgré un réel talent d'écriture reste prisonnier de ses influences et donc de ses redondances... nous suivrons la suite de la carrière des Mexicains de près pour le vérifier.