Eloy
Inside
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1- Land Of No Body / 2- Inside / 3- Future City / 4- Up And Down
Après un premier album très ancré dans le hard-rock typique des années 1970, un peu décrié dans la postérité tant il tranche avec le style progressif pour lequel le groupe est connu (alors que ce premier jet est loin d’être mauvais), Eloy choisit une nouvelle direction artistique. C'est ainsi qu'Inside signe l’acte de naissance esthétique du plus grand groupe de rock progressif symphonique allemand. Un changement assez vaste du personnel permet cette transition, le couple composé par Frank Bornemann (pilier du groupe) et Manfred Wieczorke devient la structure autour de laquelle les autres musiciens s’agrègent, ainsi que le cerveau créateur bicéphale d’Eloy. Du reste, tous les autres musiciens sont remplacés. Ces deux-là changent également de poste, le premier passant au chant (avec une tessiture très proche d’Ian Anderson) tandis que le second fait ses armes aux claviers. Signant cette fois-ci chez Harvest (Kayak, Focus, Deep Purple), Eloy regorge d’ambition aussi bien en matière de renommée que du point de vue musical.
Tout autant inspiré des sonorités rock des seventies que du hard-rock par ses guitares et ses claviers, Inside se détache d’un contexte allemand très porté sur les expérimentations, les improvisations interminables, le jazz, en un mot, le Krautrock. Le groupe n’est pas complètement insensible à la musique locale, si bien que des passages assez planant s’entendent dans la longue pièce intitulée "Land of Nobody". L'autre influence qui sera souvent accolée au groupe est Pink Floyd, pour ses côtés atmosphériques. Mais sur cet album, Jethro Tull - moins la flûte - semble être une autre inspiration : certains riffs et la voix de Bornemann ramènent aux développements mélodiques du groupe anglais.
On aurait pu se dire que la première face qui propose une longue pièce de 17 minutes attirerait davantage notre attention. Certes, "Land of Nobody" est un morceau solide avec de nombreuses bonnes idées, mais il peine un peu à tenir la longueur, notamment lors du long passage central aux claviers. Les transitions sont pourtant déjà bien travaillées, donnant une cohérence à l’ensemble : bien que ce ne soit pas le cas dans la totalité du titre, nous pouvons être magnanimes au regard de la longueur et le considérer comme un premier essai honorable. "Land of Nobody" louvoie vraiment entre hard-rock gorgé de claviers (la grande mode à l’époque) et rock progressif.
La seconde face est donc plus intéressante. "Inside", titre éponyme, impose le son d'Eloy avec ses variations entre les arpèges planant du début et les claviers bien plus lourds et ténébreux. Le relief donné à la basse, les solos ultra-mélodiques, ces caractéristiques du groupe tant appréciables, sont déjà présentes dans cet album et particulièrement sur ce titre. "Future City" louvoie entre Krautrock (Can) et Jethro Tull (une sorte de medley du groupe, "Fat Man", "Aqualung" …) pour un résultat très convaincant. Quant à "Up and Down", on y retrouve l’esprit d’un autre groupe du même pays, Birth Control, par ses claviers hurlant associés à la guitare électrique. Encore une fois, les bonnes idées et l’originalité ne peuvent qu’être relevées, comme ce jeu sur le volume des claviers en conclusion du titre.
Pour ses premiers pas dans le monde progressif, Eloy frappe assez fort avec un album solide et prometteur, bien que totalement ancré dans son époque. La suite prouvera que ce changement artistique fut un bon choix, pour le groupe comme pour le public.