Hexvessel

L'auditeur habitué à parcourir les sentiers forestiers d'Hexvessel, entouré par l'esprit chamanique du folklore finlandais et les forces occultes de la nature sylvestre, sera certainement décontenancé par la teneur glaciale de ce nouvel opus. Certes, les accointances de Mathew "Kvohst" McNerney avec le Black Metal ne sont pas inconnues, mais le chanteur anglais semblait jusqu'à alors avoir refréné ses inclinations pour les ténèbres au sein du collectif finlandais d'Hexvessel. Le groupe s'était en effet davantage caractérisé jusqu'à présent par ses incursions vers une Folk champêtre assez inclassable rendant hommage aux esprits de la forêt que par la dureté de son propos mystique. La musique des Finlandais a ainsi toujours suivi un fil conducteur assez impénétrable, rendant grâce au sacré le plus mystérieux avec des compositions habitées, sombres et élégantes. 

A rebours de la folk intimiste façonnée sur All Tree et de la mélancolie automnale de Kindred, la musique d'Hexvessel se pare sur ce Polar Veil d'un épais manteau de neige hivernal et explore la voie d'un black metal atmosphérique à base de riffs tranchants et ténébreux. Un durcissement qui laisse fort heureusement de côté tout l'attirail morbide du black metal pour en garder principalement l'atmosphère sombre et oppressante ainsi que certaines techniques de jeu typiques de ce courant comme le tremolo picking. Enregistré dans un studio construit en pleine forêt, Polar Veil puise toujours ses racines dans la culture païenne pour tisser cette fois la toile d'une atmosphère sombre et inquiétante et plonger l'auditeur vers un abîme glacial et suffocant. Comme l'évoque le magnifique artwork, il y est question de forêts enneigées et de villages dévorés par le blizzard, de créatures légendaires et de divinités surgissant des ténèbres glacées de la nuit.

L'album est traversé de part en part par un mur de guitares acérées et écrasant qui surgit dès le titre d’ouverture, "The Tundra is Awake", installant une atmosphère pesante uniquement contrebalancée par le chant majestueux de McNerney. Ce dernier fait véritablement rayonner chaque titre grâce à son expressivité singulière et son talent de conteur, particulièrement saisissant sur "A Cabin in Montana" contemplatif et théâtral à souhait. On frissonne également à l'écoute de son chant lugubre qui accompagne l'outro déchirante de "Ring" et du souffle qui porte le final exaltant de "Homeward Polar Spirit".

Les mélodies restent toujours aériennes et évoquent l'immensité gelée des grands espaces malgré un tempo lent qui se déploie de manière homogène sur les différents morceaux avec une lourdeur hypnotique. L'album se drape ainsi d'une atmosphère nocturne et mystérieuse que viennent seulement troubler la chevauchée épique d'"Older Than the Gods" et de ses chœurs guerriers ancestraux ou les blast beat de "Eternal Meadow", également traversé par de très beaux passages instrumentaux aux variations acoustiques. Si la structure des différents morceaux est toujours plus ou moins la même, comme une longue incantation qui se poursuit, on apprécie derrière cet ensemble à l'aspect immuable et monolithique les petites subtilités et variations de jeu, à l'image des claviers et cordes qui accompagnent l'onirisme noir de "Listen to the River" (les arrangements sont signés Ben Chisholm qui accompagne Chelsea Wolfe) ou l'entrecroisement corrosif des lignes de guitares sur "Crepuscular Creatures".

Hexvessel réussit ainsi parfaitement à se réapproprier les codes du black metal sans pour autant perdre de vue son identité propre, toujours empreinte de mystère et de spiritualité. Le groupe livre un album inattendu, magnétique et hypnotisant, où l'auditeur poursuivra son écoute sans pouvoir décrocher, fasciné par une narration poétique et ténébreuse qui reviendra certainement hanter plusieurs fois ses froides nuits d'hiver.