↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.
Critique d'album

Kiss


Music from The Elder


(10/11/1981 - Casablanca - - Genre : Hard / Métal)
Produit par

1- The Oath / 2- Fanfare / 3- Just A Boy / 4- Dark Light / 5- Only You / 6- Under The Rose / 7- A World Without Heroes / 8- Mr. Blackwell / 9- Escape From The Island / 10- Odyssey / 11- I
Note de 3/5
Vous aussi, notez cet album ! (4 votes)
Consultez le barème de la colonne de droite et donnez votre note à cet album
Note de 4.0/5 pour cet album
"Tous ceux qui errent ne sont pas perdus – J.R.R. Tolkien"
Daniel, le 05/01/2024
( mots)

Où l’on se demande comment résoudre la quadrature du cercle ou la circularité du carré…

Au début de 1981, nos masqués préférés sont confrontés à de tels déséquilibres qu’il ne leur reste plus qu’une seule option : se casser la gueule...  

Ce qu’ils vont faire en beauté.

Peter Criss vient d’être viré. Trop d’excès de tout. Le quatuor devient un trio qui s’adjoint les services d’un Eric Carr, hâtivement barbouillé en renard, lequel assumera un rôle d’employé zélé jusqu’à son décès (1).  Le problème du trio est que les décisions vont désormais reposer sur une logique de domination : deux voix (Stanley et Simmons) contre une (Frehley).

Les notions commerciales n’étant jamais loin quand on parle de Kiss, le marché des New-Yorkais est scindé en deux : les USA ne digèrent pas le tournant popisant des récents efforts du groupe ; en revanche, le reste du monde commande les disques par palettes entières. Frehley, fort du succès de son album solo, suggère de revenir à des basiques hard-rock. Il communique beaucoup avec la Kiss Army qui diffuse l’information parmi ses adhérents. Stanley et Simmons s’en trouvent contrariés, eux qui cherchent à réconcilier leurs deux publics devenus antagonistes.

Le bassiste démoniaque, féru de comics et de fantastique, rêve d’une histoire conceptuelle…

Le guitariste à l’étoile aimerait montrer à la critique que son groupe peut concevoir une musique beaucoup plus ambitieuse…

Et l’étincelle jaillit ! Gene Simmons imagine un scénario qui va changer la face du rock…

Où il est conseillé d’absorber une aspirine et de s’asseoir

Les paragraphes qui suivent en lettres italiques doivent être lus avec une voix caverneuse.

Dans un monde indéfini (mais qui est probablement le nôtre) se déroule un éternel combat entre le Mal (ténébreux) et le Bien (lumineux). Le Bien est incarné par les Anciens qui sont des entités immatérielles (2) appartenant à l’Ordre de la Rose.

Afin de situer la chronologie, les Anciens de l’Ordre de la Rose sont tellement… anciens qu’ils étaient déjà très vieux quand la Terre était encore jeune.

Et soudain, le Mal répand à nouveau ses ténèbres toutes noires sur le monde indéfini.

Alors, le Conseil des Anciens se réunit (3) et charge son représentant, un certain Morpheus (du nom du Dieu des rêves de la mythologie grecque), de trouver et former The Boy, un jeune héros (au cœur pur mais au muscle puissant) qui aura pour mission d’éradiquer le Mal.  

Voilà, voilà !

Tout ça devait devenir un film (4) dont l’album de Kiss aurait été la bande originale (d’où son titre alambiqué).

L’histoire qui nous est comptée dans Music From "The Elder" débute au moment où le Mal répand ses ténèbres toutes noires sur le monde et prend fin lorsque The Boy est présenté au Conseil pour être adoubé.

Où la gestation s’avère délicate

Les premiers enregistrements se déroulent dans le home studio d’Ace Frehley dans le Connecticut. The Spaceman – qui ignore tout des intentions artistiques de ses deux comparses – enregistre une kyrielle de solos et de rythmiques. Puis The Demon et The Starchild filent à Toronto retrouver Bob Ezrin qui vient de terminer The Wall de Pink Floyd. Le producteur se trouve à un stade avancé de cocaïnomanie et éprouve un peu de peine à assimiler le fatras d’informations qui lui sont confiées. Il propose alors à ses visiteurs de réaliser un album conceptuel.

Gene et Paul qui rêvent d’une œuvre ambitieuse sont sensibles à cette suggestion qui leur permettrait de clouer définitivement le bec à leurs détracteurs.

Mais, histoire de compliquer les choses, voilà que Lou Reed (qui signera ici de son vrai nom Lewis Reed) débarque d’on ne sait où (5) pour proposer son aide.

Entre deux rails de coke, Bob Ezrin convoque alors l’American Symphony Orchestra, le Saint Robert’s Choir et l’inévitable Michael Kamen pour harmoniser l’ensemble. Pratiquement tout ce qui avait été composé lors de la préparation de l’album est balancé à la poubelle. En même temps que la plupart des pistes préenregistrées par Ace Frehley. De nouveaux titres sont alors élaborés pour illustrer l’intrigue imaginée par Gene Simmons…

Où il se produit un mystérieux carambolage…

Comme Music From "The Elder" restera un exemple unique de sophistication musicale dans l’univers de Kiss, il est quasiment impossible de procéder par comparaison(s).

Il est d’autant plus difficile de juger cet opus qu’au moment du pressage, le management va bouleverser l’ordre des plages, rendant l’histoire totalement incompréhensible.

Comme un roman dont l’éditeur fou aurait imprimé les pages tout à fait au hasard…

Cette démarche inédite est d’une absurdité totale (6) mais c’est la vérité vraie. Il faudra attendre une restauration de l’album en 1997 pour pouvoir disposer (en CD) d’un récit cohérent. Et là, tout (ou presque) s’éclaire enfin.

C’est évidemment à cette version de 1997 (telle qu’elle a été originellement conçue par le groupe et son producteur) que la suite de la chronique est consacrée (7).

Où l’on découvre une pochette surprise

Pour la première fois de l’histoire du groupe, une pochette est publiée sans la moindre image ni des musiciens, ni des masques ni des costumes. On voit simplement la main droite du Starchild – incarnant The Boy désigné par Morpheus – qui s’apprête à frapper à la porte du Conseil des Anciens. Inutile de chercher la "vraie porte" à New-York, à Las Vegas ou à Los Angeles ; il s’agit d’un bricolage réalisé pour la circonstance (8).

Où, musicalement, le résultat est… surprenant

De prime abord, l’auditeur est frappé (au sens littéral du terme) par le drumming d’Eric Carr.  Fasciné par Ringo Starr, Paul Charles Caravello a développé un jeu parfois peu académique mais toujours extrêmement pertinent. On ressent chez lui l’intention de participer à une "section rythmique", c’est-à-dire à construire une base solide et rigoureuse sur laquelle les funambules (voix, chœurs et guitares) peuvent s’exprimer librement sans risquer de se prendre les pieds dans un tapis mal tissé. Le rocker pressé se contentera d’écouter le titre « Under The Rose » qui incarne un parfait cas d’école de "drumming au service de…". La comparaison ne joue évidemment pas en faveur de Peter Criss qui avait déjà pratiquement abandonné son poste depuis près de trois ans (9).

Le second élément inédit est le choix de Paul Stanley d’utiliser régulièrement un falsetto dans lequel il excelle (10) et qui apporte d’étonnants accents lyriques et théâtraux à son chant.

L’argumentaire classique (choral et orchestral) de Michael Kamen porte idéalement le récit sans émasculer ni la puissance du son, ni les rythmiques les plus carrées. Un petit thème musical récurrent (de la plume de Bob Ezrin) apporte un joli liant à l’histoire. Porté par l’intrigue qu’il a conçue, Gene Simmons compose, joue et chante avec une maîtrise et une hargne inhabituelles.

Le seul laissé pour compte est finalement Ace Frehley (11) qui ne chante qu’un seul titre ("Dark Light"), ne brille qu’à l’occasion de quelques rares soli (les plus mélodieux étant joués par Paul Stanley) et officie régulièrement à la basse, faute d’avoir pu caser ses habituels riffs de guitare saturée.

Le concept "Kiss" mis à part, l’album est une vraie bombe à fragmentation à laquelle il est difficile de résister. Servi par une production somptueuse et soutenu par des musiciens classiques pertinents, l’opus, remarquablement écrit, délivre onze titres impressionnants qui content l’histoire d’une quête certes peu originale mais joliment troussée.

La première face du vinyle frôle la perfection. Si la deuxième face est parfois un peu moins immédiatement "lisible" elle brille des mille feux de "A World Without Heroes", dont le texte inspiré démontre que Lou Reed peut aborder d’autres sujets que les univers urbains pourris et les déchéances humaines.

Où l’on enregistre un désastre commercial

L’album est correctement accueilli par la presse (malgré sa "réorganisation forcée" par le management) ; mais le public, manifestement désarçonné par l’orientation artistique des masqués, ne suit pas. Les premiers chiffres de vente sont désastreux. Paul et Gene décident alors d’abandonner leur projet de film et de ne pas partir en tournée pour soutenir Music From "The Elder", ce qui équivaut à "suicider" leur créature musicale la plus complexe et la plus aboutie…

Un seul – mais très beau – clip intimiste ("A World Without Heroes") est tourné pour MTV. Le groupe s’y montre sombre et mystérieux, cheveux coupés, costumes "allégés" et chaussures à semelles presque plates… Loin de son décorum habituel. A la dernière seconde, Gene Simmons, en gros plan, nous régale en outre d’une abondante larme artificielle.

Mais, pour le reste, le groupe reste aux abonnés absents et personne n’accorde le moindre commentaire à la presse.

Silence radio.

Silence de mort...

Où l’on clôture avec le dernier dialogue du « film » (à lire avec des voix d’outre-tombe)

Le plus ancien des Anciens : Morpheus, nous vous avons convoqué afin que vous communiquiez au Conseil votre jugement au sujet du Garçon. Le jugez-vous vraiment digne de la mission qui l’attend ?

Morpheus : Très certainement, Seigneur ! En vérité, je pense que vous allez vous aussi l’adopter sans hésiter. Il y a un éclat particulier qui fait briller ses yeux. Et il a l’allure d’un champion. D’un vrai champion !

The End


(1) Le jeune Renard aura l’étrange idée de mourir le 24 novembre 1991, c’est-à-dire le même jour que Freddie Mercury.

(2) C’est plus facile à dessiner.

(3) Le Conseil se réunit on ne sait où mais autour d’une table en bois entourée de sept chaises. Ca laisse à penser que même les entités immatérielles réfléchissent mieux quand elles sont assises. Pour créer une ambiance heroic fantasy, la table est éclairée par une bougie chipée dans le terrier de Golum.

(4) Après l’abominable Kiss contre le Fantôme du parc, le monde était en droit de s’attendre au pire… Fasciné par le cinéma, Gene Simmons rêvait d’une carrière d’acteur, ce qui l’amènera à négliger longuement le groupe durant les eighties. Il décrochera quelques seconds rôles (souvent de méchant) dans des films de série B. Et, au sommet de son art, il interprétera même le rôle du Sea Monster dans un épisode légendaire de Bob l’Eponge Carrée.

(5) Probablement de la mystérieuse salle du Conseil des Anciens.

(6) En fait, la démarche – fort idiote – a un sens. Il est évident que la firme de disques n’a rien compris au concept de l’album. Cependant, elle connaissait les règles élémentaires de la profession et a décidé de placer les deux titres les plus potentiellement "vendeurs" en début de face A et de face B, réarrangeant la suite en fonction de la durée des plages restantes. Le boulot est à ce point bâclé qu’il en devient risible. Il est difficile de comprendre comment le groupe et son producteur ont pu accepter un saccage pareil…

(7) L’album doit être écouté comme suit : "Fanfare" / "Just A Boy" / "Odyssey" / "Only You" / "Under The Rose" / "Dark Light" / "A World Without Heroes" / "The Oath" / "Mr. Blackwell" / "Escape From The Island" / "I" (avec dialogue en outro).

(8) Le plan large de cette photo de David Spindel (qui est également l’auteur de quelques magnifiques clichés de John Lennon) montre Paul Stanley démasqué et en costume civil (une assez vilaine chemise à lignes). L’image a été utilisée par le bootlegger The Godfatherecords pour illustrer le très intéressant double CD What Goes On Behind Closed Doors.

(9) Le Catman avait été remplacé par le très bon Anton Fig sur Dynasty et Unmasked.

(10) Il ne reproduira plus jamais l’expérience avec Kiss mais fréquemment avec son magnifique combo Soul Station.

(11) Le Spaceman sortira frustré, aigri et furieux de l’expérience. Son (premier) départ du groupe ne sera plus qu’une question de mois… 

Commentaires
DanielAR, le 06/01/2024 à 16:47
Décidément, le groupe n'échappera jamais au maquillage... En fouillant dans les archives, j'ai appris que le jour avant la fameuse photo de couverture, Paul Stanley s'était coincé un doigt dans une fenêtre. Il a fallu maquiller le doigt (tout bleu) pour prendre la photo de la main. Fun Fact...
DanielAR, le 31/12/2023 à 12:47
Absolument d'accord avec ce point de vue. Je rédigerai une chronique sur cet album (qui figure parmi mes préférés du groupe) début 2024. Ca me fera un devoir de vacances...
EXPLORER, le 31/12/2023 à 10:54
Échec commercial, mais putain de potentiel créatif.