Le Orme
Uomo Di Pezza
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1- Una Dolcezza Nuova / 2- Gioco Di Bimba / 3- La Porta Chiusa / 4- Breve Immagine / 5- Figure Di Cartone / 6- Aspettando l'alba / 7- Alienazione
Si l’année 1972 est celle de l’explosion progressive transalpine, avec notamment la sortie de deux albums pour Banco del Mutuo Soccorso et Premiata Forneria Marconi, les Vénitiens de Le Orme demeurent, au sein de la Cour des grands, les précurseurs avec Collage, en 1971, un album remarquablement inspiré par Emerson Lake & Palmer.
Néanmoins, ce n’est qu’avec Uomo Di Pezza que ce grand nom de la scène italienne confirme pleinement son identité. L’illustration magistrale de ce troisième opus, notamment le personnage chatoyant qui trône en couverture (une sorte de Cri de Munch, muet et bigarré), est presque devenu un symbole du Rock Progressif Italien …
La grâce de Le Orme vient de sa sobriété. Sur Uomo Di Pezza, la plupart des titres sont assez courts, les élucubrations virtuoses sont réduites, et le chant de Tagliapietra brille de sa fragilité introspective, loin du lyrisme expansif de Di Giacomo (Banco del Mutuo Soccorso). Cet apaisement propre à Le Orme s’apprécie sur des chansons telles que l’onirique et légère "Breve Immagine", ainsi que la magnifique ballade folk (similaire à l’univers de PFM) "Gioco di Bimba", où les claviers évoquent doucereusement l’univers enfantin tandis que la guitare nous berce en Méditerranée. C’est peut-être la combinaison "Figure Di Cartone" (intense, aérien, cotonneux) / "Aspettando l’Alba" (plus progressif et insaisissable mais toujours aussi doux) qui présente le groupe sous son plus beau profil, en offrant presqu’un résumé du romantisme flamboyant des progressistes italiens.
Dans une veine beaucoup plus ardue et technique, on trouve des titres dans la veine du trio britannique Emerson, Lake & Palmer, source d’inspiration du groupe depuis Collage. Uomo di Pezza s’ouvre ainsi sur "Una Dolcezza Nuova" bardé d’orgues baroques, de variations rythmiques véloces et alambiquées, avant de basculer dans un registre intimiste plus typiquement italien, et se referme sur"Alienazione" dans la pure suite d’ELP. Cela est réalisé avec une maîtrise du contraste au sein du même morceau, aussi bien dans les styles empruntés qu’entre simplicité et complexité : c’est particulièrement remarquable sur "La Porta Chiusa" qui propose un déploiement habile des sonorités analogiques, tantôt angoissantes, tantôt épiques. Et là aussi, le style progressif d’ELP est de la partie. Grâce à ces variations, ils prouvent qu’ils sont davantage que de simples suiveurs, ils participent assurément au même mouvement en apportant leur pierre à l’édifice.
Les différents actes de cette aventure buzzatienne illustrent un groupe accompli, reconnaissable dès les premières notes en développant un rock progressif aux caractéristiques italiennes tout en s’inscrivant dans les canons esthétiques du genre. S’il y avait peut-être un album à retenir dans l’extraordinaire production du RPI en 1972, ce choix cornélien pourrait se tourner vers Uomo Di Pezza …
A écouter : "Gioco di Bimba", "La Porta Chiusa", "Figure Di Cartone", "Aspettando l’Alba"