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Critique d'album

Monster Magnet


Dopes To Infinity


(21/03/1995 - A&M Records - Stoner Rock - Genre : Hard / Métal)
Produit par

1- Dopes to Infinity / 2- Negasonic Teenage Warhead / 3- Look to Your Orb for the Warning / 4- All Friends and Kingdom Come / 5- Ego, the Living Planet / 6- Blow 'em Off / 7- Third Alternative / 8- I Control, I Fly / 9- King of Mars / 10- Dead Christmas / 11- Theme From "Masterburner" / 12- Vertigo
Note de 5/5
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Note de 4.5/5 pour cet album
"Le chef d'oeuvre lysergique de Monster Magnet. Un must en matière de stoner rock"
Maxime, le 06/11/2007
( mots)

"Stoner ? Ouais, si tu veux mec, je suis stoner…" Voilà le genre de phrase évasive que décoche Dave Wyndorf, tête de proue de Monster Magnet, quand le rock critic fait verser l’interview dans la fièvre taxinomique. Pourtant, il suffit d’écouter Dopes To Infinity, avec son titre en forme d’hymne narcotique, de scruter le verso du disque (quatre gaillards aphasiques après un épuisant trip, écroulés dans un décor psychédélique) pour se rendre compte qu’on est face à un groupe donnant tout son sens au genre dans son acception la plus étymologiquement pure : drogué, défoncé. Stoned.

Sacré groupe que ce Monster Magnet, gang de porte-flingues du New Jersey qui auraient troqués leurs Beretta chromés pour des bongs fumants. Sacré type que ce Dave Wyndorf, espèce de rejeton aussi dégénéré que viril de Lemmy Kilminster. Il faut dire qu’on manquait de ce genre de gangs maudits menés à la trique par des êtres à l’esprit délabré, culbutant des titres d’un space rock massif et exterminateur. Pourtant, quand il se forme à la fin des années 80, le commando n’est pas le seul à verser dans l’exercice. Certains shoegazers malades tels que les Spacemen 3 et une certaine frange du grunge naissant (Mudhoney, Soundgarden) s’entêtent dans le psychédélisme à tendance volumineuse. Mais certainement dopés par des produits plus puissants que ceux de la concurrence, les Monster Magnet vont se jeter franchement dans la brèche en débitant au début des années 90 des disques totalement barrés, bardés de titres barges et humides (certains allant jusqu’à durer une demi-heure), poussant à l’extrême le concept de produire des disques qui donnent envie de prendre des drogues qui donnent envie d’écouter des disques qui donnent envie de prendre des drogues qui donnent envie… On n’est pas complètement sain d’esprit quand, sur le verso de son premier album (Spine Of God), on adresse cette note d’intention à l’auditeur : "It’s a satanic drug thing, you wouldn’t understand". Un avertissement prémonitoire puisque le public américain ne comprendra rien à l’histoire. Trop allumés, trop bizarres, trop tout, les Monster Magnet ne sont pas les bienvenus chez eux. L’Europe seule comprendra vraiment, dès le début, qu’on tenait là l’un des descendants les plus nobles d’Hawkwind.

Cerveau dérangé mais suffisamment lucide et inspiré d’une bête en mutation permanente, Wyndorf n’aura de cesse d’affiner les contours de sa création, usinant une musique de moins en moins déstructurée, de plus en plus efficiente. Après deux EP et un premier album signés sur un label allemand, le groupe intéresse suffisamment son petit monde pour qu’une major (A&M) daigne investir quelques deniers sur lui. Tendu, soucieux de l’enjeu, Wyndorf s’absorbe dans une quantité industrielle de drogues pour accoucher de Superjudge. L’album se prend un bide retentissant mais, pas grave, le mp3 n’a pas encore pointé le bout son nez et l’industrie musicale peut encore donner une seconde chance à ses poulains, aussi déglingués soient-ils. Conscient des failles de son précédent disque, Wyndorf tente de repousser ses propres limites et de ne pas répéter ses erreurs. La conjonction des astres et la maturité du combo feront le reste. Car Dopes To Infinity est un authentique chef d’œuvre.

Sa réussite intrinsèque doit beaucoup aux circonstances de son élaboration. Les musiciens qui l’enfantent sont tout bonnement fantastiques. Recruté depuis Superjudge comme guitariste lead, Ed Mundell est un séide de choix. L’homme, il est vrai, a des goûts exquis : Captain Beyond, Frank Marino, le T-Rex de The Slider et le Deep Purple de Come Taste The Band figurent dans son panthéon personnel. Il est le compère idéal, l’épaule sur laquelle Wyndorf peut se reposer sans peine. Il peut compter sur ses riffs infernaux comme sur ses solos cosmiques. Ensemble, les deux instrumentalistes sont une conjonction parfaite de violence maîtrisée et de mises sur orbites dionysiaques mais contrôlées. Un petit évènement va cependant précipiter leur course folle. On propose à Wyndorf de composer un titre pour la bande-son d’un obscur film teenage, So Fucking What. L’homme traite avec désinvolture l’affaire, ne lit même pas le scénario, mais donne une version démo d’un titre qu’il désire faire figurer sur son prochain album et qu’il a enregistré sur un quatre-pistes chez lui. "Negasonic Teenage Warhead" plait à la production et elle décide de le sortir en single. Chez A&M on lève un sourcil : quoi, cette bande de stoners peut nous faire gagner du fric ? Du coup, Wyndorf dispose d’une belle enveloppe pour mettre à bas son nouvel opus. Joe Calandra (basse) et Jon Kleiman (batterie) écarquillent les yeux. Jamais ils ne pensaient qu’il y avait moyen de palper de la thune en faisant du rock, cet espèce de truc qu’ils regardent de haut. Dave Wyndorf s’enferme avec ses sbires, accompagné, selon la légende, d’un peu de dope et de beaucoup de Ricard. Le chanteur est peut-être un homme à poigne, mais il tient à ce que ses collaborateurs s’investissent dans le projet. Il a 20 titres dans sa besace mais incite fortement sa section rythmique à ôter les doigts de son séant pour lui proposer des compositions de son cru. "I Control, I Fly" et "Theme From Masterburner" voient ainsi le jour. Même s’il sait où il veut aller, Wyndorf ne veut plus s’occuper de la production seul. Les séances sous cocaïne de Superjudge, dont il ne garde aucun souvenir, l’ont quelque peu refroidi. Il élabore alors un travail en deux temps : le groupe forge ses titres telluriques, multiplie les pistes et les inventions. Un producteur fait ensuite son entrée et impose un regard extérieur. Steve Rosenthal, qui a entre autres travaillé avec Lou Reed , est choisi.

Le résultat obtenu est stupéfiant. Monster Magnet s'est sublimé en engendrant ce qui reste encore à l’heure actuelle le sommet de sa carrière. Dopes To Infinity se tient en effet à la charnière des deux grandes époques du groupe : sa première période opiomane et le virage power-rock plus carré qu’il entamera ensuite avec Powertrip. Les divagations sont moins jusqu’au-boutistes, mais le disque n’en est pas linéaire pour autant. De fait, Dopes To Infinty est un intense trip de 67 minutes. Une auberge espagnole où hard rock primitif et space rock futuriste copulent lubriquement. Un vaisseau intergalactique vrombissant, lancé à toute allure vers le cul de Saturne. Une remarquable alliance de puissance et de torpeur lysergique. Ce va-et-vient délicieux est symbolisé par l’un des titres de l’album : "I Control, I Fly". Jamais lassant malgré sa longueur et remarquablement hétéroclite, Dopes To Infinty, comme les grands albums d’Hawkwind, brouille les cartes, entremêle les références idiotes, foutoir intersidéral d’où ressortent un hommage aux Beatles dans leur période la plus acide ("All Friends And Kingdom Come" renvoie à "Tomorrow Never Knows" en larguant chant, sitars et guitares grésillantes dans un néant galactique causé par une absorption massive de champignons hallucinogènes) et un clin d’œil aux comics Marvel ("Ego, The Living Planet", marche inébranlable vers la dissolution de la psyché scandée par les imprécations de Wyndorf et le chant lugubre des Parques).

Ravageur et bravache, l’album débute sur ses trois singles menaçants. Sur "Dopes To Infinity", on songe à un travelling au ralenti nous entraînant dans les tréfonds d’un boîte de l’enfer où les incubes se lèchent les bas résilles sous des néons écarlates. Rendu dans une impeccable version studio, "Negasonic Teenage Warhead" est la réponse perfide au désespoir béat du grunge. "Look To The Orb For Warning", appuyé sur un riff reptilien et entêtant, sodomise les races extra-terrestres environnantes. Iron Butterfly aurait adoré. En marge ces atomisations de synapses, le Magnet lâche une ballade ("Blow ‘Em Off") comme pour soutirer un peu de LSD à une gorgone réfractaire ou pond un squelette de pop song sertie d’un orgue roublard d'où surgissent par vagues d'écho parasitaires des bribes du "Venus" de Shocking Blue ("Dead Christmas"). Même si moins bruyants que les autres, ces titres produisent le même effet et braquent un rayon laser en plein sur l’hypophyse. Le groupe excelle dans son numéro d’équilibriste : c’est puissant, c’est lourd, c’est space mais c’est aussi sacrément mélodique. Wyndorf braille sur "Third Alternative" comme un Ozzy Osbourne en pleine crise de manque. Possédé, Ed Mundell multiplie les effets spéciaux, allume des clignotants, tisse sa toile mordorée et expédie "Theme From Masterburner" vers la voie lactée en le calant sur la selle d’une harley chromée. Exsangue, prostré après un mauvais trip, Wyndorf se cogne la tête contre les murs en martelant "It’s Okay" dans le "Vertigo" final tel un freak halluciné, l’esprit définitivement ailleurs.

Le clip de "Negasonic Teenage Warhead" tournant un peu sur MTV la nuit, le groupe rencontre un maigre succès. Mais c’est un triomphe qu’il aurait mérité. Dégoûtés, les Monster Magnet s’en retourneront dans leur Europe bien aimée, elle qui, une fois n’est pas coutume, a compris quel formidable rejeton les states couvaient dans leur indifférence. Plus de 10 ans après sa parution, Dopes To Infinty conserve son remarquable pouvoir de sidération. Tout se tient, aucune pièce n’a flétri avec le temps. Le charme narcotique opère comme au premier jour. C’est un truc dément qui catapulte l’esprit vers l’infini et au-delà. Même à jeun, les pensées les plus absurdes se bousculent, les visions les plus folles deviennent réalité. Les créatures impies de la planète mauve ravalent les kilomètres de dégueulis vomis par des hordes d’aliens punks. Il n’y a pas de morale, les actions humaines sont régies par les forces dominatrices du septième pallier. Jesus Christ n’a jamais existé, c’est une hallucination collective générée par les nazis alliés des forces de la planète Vega qui ont contaminé les réserves d’eau potable de la Terre dans le but de nous asservir. Le Tzar de Russie n’est pas mort, il vit en Equateur et porte une verrue sur le menton. Si l’on contorsionne nos membres d’une certaine façon, on peut se replier jusqu’à faire totalement disparaître notre enveloppe corporelle. Privée de réceptacle, l’âme rejoint ainsi le noyau planétaire… Profond. Comme l’espace.

Commentaires
MarteauCasseur, le 02/03/2022 à 15:03
Splendide chronique !