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Critique d'album

My Bloody Valentine


Loveless


(01/06/1991 - Creation Records - Shoegaze - Genre : Rock)
Produit par

1- Only Shallow / 2- Loomer / 3- Touched / 4- To Here Knows When / 5- When You Sleep / 6- I Only Said / 7- Come In Alone / 8- Sometimes / 9- Blown A Wish / 10- What You Want / 11- Soon
Note de 5/5
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Note de 5.0/5 pour cet album
"La vie en rose..."
Kevin, le 16/06/2012
( mots)

Pour les shoegazers, du puriste de l'extrême au newbie adolescent, Loveless est sans conteste l'album totem du genre, le manifeste ultime qui mêle avec génie bruit et mélodie, effets de guitares cacophoniques et froid réalisme. My Bloody Valentine achève en novembre 91 son second album, Loveless, après moult efforts, chéquiers dilapidés et producteurs épuisés, après surtout une gestation douloureuse de plus de trois ans. Mais le jeu en valait définitivement la chandelle, tant rien depuis n'a sonné plus juste, plus moderne et plus construit au-delà même du petit monde binoclard du shoegaze. Les légendes de la musique s'écrivent parfois mieux dans la peine que dans la fluidité et s'il faut mesurer le culte rendu à cet album aux désagréments (ceci est un euphémisme) qu'il a causé, l'album mérite amplement sa place au panthéon des chefs-d’œuvre. L'interminable production de Loveless a failli courir à la perte de Creation Records, sauvé in extremis, selon la légende, par la fulgurante réussite des frères Gallagher, mais a aussi eu raison de l'ouïe de son géniteur Kévin Shields et a surtout sonné le glas du groupe irlandais, convaincu (à raison ?) de ne jamais parvenir à égaler un telle maestria.


Loveless est donc réédité, un peu plus de vingt ans après son authentique naissance, histoire de coller à la tendance actuelle qui est d'excaver le passé proche pour colorier un présent en manque d'idoles (des exemples ? Nirvana, Beach Boys, Hood, etc.) Durant ces vingt dernières années, Loveless a été la figure tutélaire d'un genre qui n'a eu de cesse de se développer de cette seule bouture. Ce n'est pas que tout ce qu'il s'est passé avant (Cocteau Twins, Jesus & Mary Chain, Sonic Youth, ...) ne compte plus, MBV s'est goulûment inspiré de tout ce que le shoegaze ou le rock expérimental avait de plus conséquent pour en faire un smoothie homogène. C'est simplement que la bande de Kévin Shields a signé l'inspiration commune d'un renouveau musical. Jamais plus depuis la maîtrise du bruit n'a été à ce point au service de la musique. Beaucoup s'y sont portant essayé, mais aucun n'a eu soit le talent, soit le psychotisme jusqu'au-boutiste suffisant pour empiler les éléments d'un aussi beau monument légo musical.


Mais qu'est-ce qui peut encore aujourd'hui rendre cet album si unique ? C'est en fait la combinaison de plusieurs éléments, mais le principal demeure la virtuosité sonore parfaite du groupe. Il est vrai qu'au premier abord, une oreille vierge n'y décèlerait que de vagues successions de rideaux bruitistes, des cohortes de brouillards fuzz et de cris métalliques. Et on aurait bien du mal à lui donner tort. Mais tout l'art est ici, la nature même de ces rideaux superposés brode un cocon d'une précision redoutable. Toutes les textures ont été ici minutieusement polies, étoffées, gavées puis purgées pour arriver au son idoine. Loveless est en réalité le musée de sons de Kévin Shields. Les mélodies, les structures rythmiques, la voix pâle de Belinda Butcher, tout ça passe au second plan, écrasés sous le poids des cascades soniques. C'est une vertigineuse claustrophobie de drones, de réverbérations et d'échos. Shields, à s'en faire saigner les tympans, a passé trois ans reclus dans son studio à faire comprendre l'exactitude de ses exigences à ses bandmates, tant bien que (selon la légende), la bassiste Debbie Googe abandonna de bonne foi la quatre-cordes à son leader torturé. Et là où Loveless frappe fort, c'est qu'il n'est pas qu'un caryotype parfait sculpté lentement par ses maîtres. C'est aussi la bataille de l'organique contre la machine, de la sensualité voire même de la sexualité innocemment balbutiée par le duo de chanteurs Shields - Butcher, contre la froideur impassible des ondes.


Loveless est plus ou moins construit en deux temps, bien qu'il soit hasardeux de cloisonner la trajectoire continue de l'album. Lors de la première partie, qui s'assimile à un warm-up constitué des trois premières chansons, l'album se chauffe et se plonge dans les nimbes d'un shoegaze gazeux et expérimental. Les pattes de Butcher, qui a contribué aux textes de deux premiers morceaux (et rien d'autre) et de O'Ciosoig qui a gribouillé la petite minute de "Touched" n'y sont pas étrangères. "Loomer" se love dans une atmosphère lascive puis "Touched" avance les pions de l'expérimental, mais c'est "To Here Knows When" qui correspond au climax de cet album. Embrouillé de nappes de guitares torturées, balisé par des drones en cascade et les chœurs fantomatiques de Butcher, le morceau fait figure d'arsenal où Shields fait le choix des armes : volupté froide et sons hypnotiques. Ce titre profondément génial marque d'ores et déjà le tournant de l'album, la charnière coudée qui fait l'union entre le brouillard et la vive lumière.


Car dès lors, My Bloody Valentine se veut plus tranchant, plus mordant et plus direct. Les rideaux de guitares et les nappes de synthés tombent comme des couperets et le rythme donné par Colm O'Ciosoig se réveille dare-dare. "When You Sleep" où les deux voix de Butcher et Shields s'unissent tellement qu'on peine à les distinguer, nous éblouit de pureté et d'innocence, tout en dégourdissant sérieusement les corps. L'interminable et délicieuse fin de "I Only Said" ou le bourdonnement gravitationnel de "Sometimes" jouent des mêmes couleurs, des mêmes clair-obscurs pour distiller cette douce mélancolie juvénile rendue mature par la sophistication extrême des grondements des guitares. "Come In Alone" fait quant à lui crisser de douleur les guitares, mais enrobées du miel de la voix de Butcher, il s'en extirpe un cocktail duquel émane les vapeurs de l'érotisme et la brutalité du rock.


C'est au fond ce qu'il faut retenir de Loveless, une bien étrange potion concoctée par une druide de génie. L'absolution offerte à tous les paradoxes de la musique moderne, l'album est à la fois charnel et technique, instinctif et réfléchi, brouillon et précis, humain et machinal. Une potion qui demeure surtout le point d'orgue d'un courant musical qui mine de rien a trente ans dans les pattes et qui nous a servi des brouettes remplies de réussites. Shields a depuis trimbalé sa demi-surdité causée par l'enfermement en studio vers d'autres réussites, en tant que producteur pour Placebo, Yo La Tengo ou Primal Scream, ou que contributeur principal à la B.O du film de Sofia Coppola Lost In Translation. Si My Bloody Valentine n'a jamais été officiellement dissout, les rumeurs de reformation vont bon train et le groupe a même programmé une tournée mondiale (courte, mais mondiale) en 2008. Qui plus est, Shields lui-même entretient les rumeurs d'un nouvel album (ou de l'achèvement d'un album resté incomplet en 1996) sans jamais donner de date de sortie. En attendant un avenir possible, autant se délecter d'un passé concret remis au goût du jour. Définitivement, l'un des albums les plus important de l'Histoire de tous les rocks. 


 

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