The Chronicles of Father Robin
The Songs & Tales of Airoea – Book III
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Sur le papier, tout était parfait. The Chronicles of Father Robin était annoncé comme la résurrection d’un projet imaginé en plein renouveau progressif des 90’s auquel la Scandinave avait énormément contribué (la Suède davantage que la Norvège), interprété par des musiciens talentueux issus des meilleures formations la scène norvégienne prog’-revival (Wobbler, Jordsjo, Tusmorke). Une trilogie ambitieuse, musicalement imparable et magnifiquement illustrée, comme en témoigne à nouveau ce troisième et ultime opus des contes d’Airoea.
Et pourtant… Comme beaucoup, d’après ce que j’ai pu en lire ci et là, de nombreux auditeurs semblent être restés sur leur faim. Les promesses formulées par The Chronicles of Father Robin étaient-elles trop belles pour pouvoir être tenues ?
Sortis dans un intervalle serré, les trois opus de cette trilogie disposent de nombreuses qualités. Le premier mouvement était à l’image de la scène norvégienne actuelle qui réactualise des sonorités progressives d’antan en les réadaptant à leur univers boisé. Plus aquatique, le second opus (qu’il faudra bien chroniquer un jour, promis) tentait quelques variations atmosphériques et presque krautrock. Enfin, ce troisième volet est une conclusion solaire aux accents yessiens assumés, jusqu’à l’extrême parfois ("Cloudship", "Lost in the Palace Gardens"), qui se retrouvent associés à des riffs plus hard-rock ("Empress of the Sun") ou à une ambiance planante et jazzy ("Skyslumber" dont les lignes de chant sont dignes d’Anderson). La meilleure composition de l’album renoue avec la douceur forestière et pastorale du groupe - l’excellent "Magical Chronicle" aux aspérités caméliennes (la guitare cristalline) et aux scansions typées Gentle Giant. C’est ainsi que notre périple aboutit à un "Epilogue" dont les bruits de vague formulent un écho à l’introduction de la trilogie.
Tout cela est si beau et si bien fait qu’on ne peut que saluer le travail accompli et, bien souvent, l’apprécier… Pourtant, de nombreux auditeurs et chroniqueurs, dont je fais partie, ne sont pas parvenus à crier au génie et il me semble que le problème ne vienne pas seulement de The Chronicles of Father Robin mais de la scène progressive actuelle qui, a bien des égards, nous démontre ce que peu de mélomanes soupçonnaient jusqu’alors (à moins qu’ils ne se voilaient la face) : avec des musiciens compétents, suffisamment techniques, virtuoses et connaisseurs, et quelques bons compositeurs, il est possible de produire du rock progressif presqu’aussi facilement que n’importe quel autre sous-genre du rock moins complexe. La scène norvégienne retro-progressive semblait être épargnée, contrairement au néo-prog’, tant elle avait intelligemment repris des sonorités 70’s (et 90’s suédoises) pour proposer quelque chose de neuf, mais force est de constater que nous avions tort. On reste impressionné par le geste mais le résultat, bien que fondamentalement louable, n’en est pas moins trop scolaire (même si l'on peut accorder au groupe que le répertoire, composé dans les 90's, ne manque d'originalité qu'à rebours - faut-il y voir alors un moment de gestation ?).
Il demeure une saga ambitieuse à laquelle on ne peut être insensible et dont le temps déterminera la portée véritable à l’échelle du rock progressif.
À écouter : "Magical Chronicle", "Cloudship"