↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.
Critique d'album

The Mary Wallopers


Irish Rock N Roll


(13/10/2023 - BC Records - Folk irlandais - Genre : Chanson / Folk)
Produit par

1- Bould O'Donoghue / 2- The Holy Ground / 3- Rakes of Poverty / 4- Rich Man And The Poor Man / 5- The Idler / 6- Madam I'm a Darlin' / 7- Vultures of Christmas / 8- Turfman From Ardee / 9- The Hot Asphalt / 10- Wexford / 11- The Blarney Stone / 12- Rothesay-O / 13- Gates Of Heaven
Note de 3/5
Vous aussi, notez cet album ! (3 votes)
Consultez le barème de la colonne de droite et donnez votre note à cet album
Note de 4.5/5 pour cet album
"Un album avec le poing levé et une pinte de stout dans l'autre main !"
Aurélien, le 25/11/2023
( mots)

Moins d'un an (à deux semaines près) après leur premier album, les Mary Wallopers sortent leur second opus, Irish Rock N Roll.


Encore relativement inconnus en France (leur seul passage dans nos contrées est un concert au Centre Culturel Irlandais pour la St Patrick 2023), le groupe formé autour des frères Charles et Andrew Hendy et de leur pote Sean McKenna est pourtant en train de se faire une solide réputation en Irlande et au Royaume-Uni.


À l'origine, ce trio issu de Dundalk s'est fait connaître pendant les confinements dû au COVID. Alors que les Irlandais étaient bloqués chez eux et ne pouvaient donc aller au pub, les Hendy et McKenna ont tout simplement reproduit l'ambiance d'un pub à travers des sessions musicales diffusées en live sur Youtube. Pendant plusieurs heures, les trois Irlandais enchaînaient donc standards du répertoire folk, anecdotes, blagues et évidemment pintes de stout. Ayant accumulé plusieurs dizaines de vues, le trio avait alors sorti en juin 2019 un EP intitulé A Mouthful of the Mary Wallopers et s'était rapidement vu courtisé par quelques labels fleurant le bon filon.


Mais les Mary Wallopers avaient préféré prendre leur temps. Durant les trois ans qui séparent leur premier EP et la sortie de leur premier album, sobrement intitulé The Mary Wallopers, en octobre 2022, ils ont recruté quatre autres musiciens : Róisín Barrett à la basse, Brendan McInerney à la batterie, Seamas Hyland à l'accordéon et Finian O'Connor aux instruments à vent. Résultat, ce qui était jusque-là un trio folk un peu plus espiègle que la moyenne est devenu une machine de guerre scénique dynamitant les classiques du folk irlandais et britannique avec une énergie quasi-punk. Capables de déchaîner les foules avec une reprise du traditionnel "Eileen Og", leurs performances sur scène les ont mené sur la scène de Glastonbury ainsi que sur les plateaux de RTÉ et de la BBC. Et, sans grande surprise, le groupe a été très vite comparé aux Pogues, une comparaison renforcée par l'apparition de Spider Stacy avec le groupe lors d'un concert à Londres en mai 2023.


Alors, maintenant que les Mary Wallopers ont un deuxième album à leur actif, on peut se demander si cette comparaison tient la route. Comme souvent, la réponse est : "c'est plus compliqué que ça".


D'une part, on peut remarquer que, si les Pogues sont une influence évidente des Mary Wallopers, ce n'est pas la seule. On peut aussi citer des artistes comme The Dubliners, Planxty ou Jinx Lennon qui ont, à leurs époques respectives, contribué à revitaliser un répertoire traditionnel un peu engoncé dans la naphtaline.


D'autre part, avec ce deuxième album, les Mary Wallopers semblent trouver leur voix propre. En effet, leur premier album ne contenait qu'une seule chanson originale, "The Night the Gards Raided Oweny's". Réutilisant la mélodie de la chanson "Last Of The Travellin' People" par le musicien traveller Pecker Dunne, cette chanson racontait comment une soirée mémorable dans un bar de Dundalk avait été interrompue par des policiers malotrus sous prétexte qu'elle dépassait l'heure légale de fermeture.


Bien qu'en concert, le groupe ne fasse pas mystère de ses opinions politiques solidement marquées à gauche, une chanson comme "The Night the Gards Raided Oweny's", dont les paroles maudissent littéralement les policiers irlandais, semblait pourtant bien tiède. Il y a des raisons bien plus importantes pour critiquer la police qu'une soirée interrompue. De la même façon, d'autres titres engagés de leur premier album comme "John O'Halloran" ou "Building Up and Tearing England Down" semblaient un peu anachroniques. Il n'est pas surprenant qu'un groupe de folk irlandais reprenne des chansons dénonçant l'exploitation des travailleurs irlandais par le Royaume-Uni, mais la réalité de cette exploitation commence à dater un peu. D'une part, les Britanniques se tournent désormais vers d'autres populations pour travailler dans les boulots à risques. D'autre part, le rapport des Britanniques à la population irlandaise est bien moins raciste que dans les années 60. Enfin, depuis la fin des années 90 et l'émergence du "Tigre celtique", l'Irlande est elle-même devenue une puissance économique. À ce titre, elle commence également à être une terre d'immigration. Il était donc étrange pour les Mary Wallopers de dénoncer le racisme dont furent victimes les Irlandais au Royaume-Uni sans évoquer le racisme grandissant d'une partie de la population irlandaise vis-à-vis des nouveaux arrivants.


Globalement, on pouvait s'étonner que le premier album d'un groupe comme les Mary Wallopers aborde aussi peu la situation actuelle de la République d'Irlande. C'est désormais chose faite avec Irish Rock N Roll. Encore plus que The Mary Wallopers, ce deuxième album reflète les opinions contestataires et anti-capitalistes du groupe. D'une part, à travers des reprises de "Wexford" (sur le racisme à l'encontre des travellers, peuple autochtone de l'île d'Irlande, traditionnellement nomade et souvent victime de discriminations), de "Rich Man and the Poor Man" (où un riche meurt et se retrouve en enfer) ou "The Hot Asphalt" (où un contremaître est plongé dans du bitume bouillant). D'autre part, à travers les trois compositions originales de l'album. Chacune de ces compositions, respectivement écrites par les deux frères Hendy et Sean McKenna, abordent des aspects concrets et contemporains de la société irlandaise. Dans "The Idler", Sean McKenna s'en prend aux bonnes consciences qui voudraient condamner les "feignants" qui font la manche, qui fraudent les aides sociales ou viennent en Irlande à la recherche d'une vie meilleure. Il rappelle que les véritables "feignants" sont les riches et les hommes politiques responsables de ces situations ainsi que les policiers qui exécutent leurs ordres ou les racistes qui oublient toute notion de solidarité. Dans "Vultures of Christmas", Charles Hendy raconte l'histoire d'une femme criblée de dettes qui se suicide un jour de Noël, laissant derrière elle une petite fille, parce que la banque est sur le point de saisir sa maison. Et dans "Gates of Heaven", Andrew Hendy évoque les scandales de pédophilie qui ont éclaboussé une Église Catholique qui reste, malgré tout, une institution importante en Irlande.


Ces trois chansons nous offrent ainsi un élément de réponse quant à la comparaison entre les Mary Wallopers et les Pogues. Là où les paroles de Shane MacGowan étaient ouvertement poétiques et érudites, utilisant des références pointues pour évoquer la complexité de l'identité irlandaise (cf. par exemple "The Sick Bed of Cuchulainn"), les Mary Wallopers ont une écriture beaucoup plus franche et directe. Ils ont quelque chose à dire, ils veulent être entendus et surtout clairement compris !


D'ailleurs, le tracklisting d'Irish Rock N Roll semble avoir été pensé pour cela. L'album s'ouvre sur "Bould O'Donoghue" et "The Holy Ground", deux morceaux particulièrement entraînants et un brin paillards que le groupe joue en concert depuis plus d'un an. Après avoir ainsi capter l'attention de l'auditeur, l'album dérive sur des tempos plus calmes et des arrangements plus épurés pour faire ressortir les paroles, d'abord de "Rich Man and the Poor Man" puis de "The Idler". À partir de là, Irish Rock N Roll s'attache à conserver la dynamique et l'éthos des Mary Wallopers. À travers "Madam I'm A Darlin'", "The Blarney Stone" ou "Rothesay-O", un groupe célèbre leur identité irlandaise dans ce qu'elle a de plus joyeux et de plus extraverti, avec l'énergie qui a fait leur réputation en concert. Cependant, ils n'oublient pas que la musique populaire et le folk ont toujours été le moyen d'expression privilégié des classes populaires.


Au final, on peut s'amuser du fait que cet Irish Rock N Roll ne ressemble qu'assez peu à du rock'n'roll. Les guitares et le banjo sont acoustiques, le son de l'accordéon et des instruments à vent (flûtes irlandaises et uilleann pipes) est bien présent, même la basse et la batterie sont préservés par la distorsion. Mais comme le disait Ice Cube lors de l'intronisation de N.W.A. au Rock'n'Roll Hall of Fame, "le rock'n'roll n'est pas un instrument, le rock'n'roll n'est même pas un genre de musique. Le rock'n'roll est un état d'esprit. [...] Le rock'n'roll, c'est de ne pas se conformer aux gens qui venaient avant vous mais c'est créer son propre chemin dans la musique et dans la vie. [...] Le rock'n'roll est anti-conformiste. Le rock'n'roll ne rentre pas dans des cases." Selon cette définition, les Mary Wallopers font bien du rock'n'roll. Avec ce deuxième album et ces trois compositions originales, ils construisent progressivement leur propre identité à partir des bases posées par leurs prédécesseurs.

Il est d'ailleurs intéressant de remarquer qu'avec ce deuxième album, le groupe semble avoir épuisé ce qui était jusque-là leur habituel répertoire live. Le futur du groupe reste donc à écrire… mais l'énergie et la cohésion musicale qui se dégagent de Irish Rock N Roll semblent bien être la marque d'un grand groupe, prêt à conquérir le monde sans jamais perdre de vue ses idéaux.


A écouter : "The Holy Ground", "The Idler", "Rothesay-O"

Commentaires
Soyez le premier à réagir à cette publication !