Weezer
Weezer (Teal Album)
Produit par Patrick Wilson
1- Africa / 2- Everybody Wants to Rule the World / 3- Sweet Dreams (Are Made of This) / 4- Take On Me / 5- Happy Together / 6- Paranoid / 7- Mr. Blue Sky / 8- No Scrubs / 9- Billie Jean / 10- Stand by Me
Et voilà-t’y-pas que les Weezer dégainent un nouvel album, comme ça, sans crier gare, ce matin même. Tout le monde attendait le Black Album - prévu le 1er mars, notez-le sur vos agendas -, avec un rien d’appréhension d’ailleurs eût égard aux deux extraits récemment dévoilés, “Can’t Knock The Hustle” et “Zombie Bastards”, assez déroutants et surtout pas vraiment moins pop que ce que l’on pouvait trouver sur Pacific Daydream. Et voilà que la bande à Cuomo cueille tout le monde par surprise. Puisque ce nouveau-né baptisé Teal Album - on préférera le franciser en “album turquoise” plutôt qu’en “album bleu canard”, question de goût - est arrivé sans effet d’annonce, hé bien nous aussi nous allons dégainer une “critique express”, à savoir un avis immédiat écrit même pas 12h après. Classe quand-même. Quant à savoir si une telle critique se montrera pertinente sur le long terme, on se rassurera largement pour une raison bien simple : le Teal Album est un disque de reprises, et pour le coup, on connaît déjà la chanson.
Pourquoi interpréter des reprises, pourrait-on avancer ? Déjà il faut savoir que Rivers Cuomo s’est déjà prêté à l’exercice avec son groupe sur "Unbreak My Heart" de Toni Braxton, présent sur le recueil de B-Sides Death To False Metal (assez indigent, soit dit en passant), mais aussi et surtout avec la reprise en mai dernier d’“Africa” , le hit de Toto qui a rencontré un succès aussi phénoménal qu’inattendu : parti d’un pari lancé par des fans hardcore sur internet (une pétition sommant le carré de Boston de reprendre Toto), le titre est devenu numéro un du Billboard Hot 100 la semaine de sa sortie et secondairement l’un des singles les plus fructueux du big W. Ajoutez à cela un clip délirant, Cuomo y cédant sa place au facétieux Weird Al Jankovic, et vous aurez tout pour créer un phénomène viral assez enthousiasmant aux entournures. L’expérience s’étant montrée fructueuse et sachant que Weezer a toujours eu à cœur de faire plaisir à ses fans, la venue d’un disque entièrement fait de covers n’a donc finalement rien d’étonnant.
“Africa”, figurant bille en tête dans la tracklist, préfigure en fait l’ensemble du recueil en termes d’intention. Puisque cette volonté de couvrir les hits d’autres artistes n’émanait pas de prime abord de Cuomo and co, qu’ils ont pris le parti de coller rigoureusement à l’original et que le succès a été au rendez-vous, la même recette s’est donc vue appliquée peu ou prou à tous les autres morceaux. Comprenons-nous : “Africa” de Toto est un hit indémodable, et la version de Weezer en est… identique. Ou presque. L’instrumentation est la même et le timbre de Cuomo colle parfaitement à celui de Joseph Williams. Mais il y a tout de même un petit je-ne-sais-quoi, une sensibilité, une beauté qu’on ne peut nier à ce titre, une once d’émotion, de souffrance… c’en est d’ailleurs assez inexplicable. Par ailleurs on sent Weezer particulièrement à son aise ici, ce qui n’étonne en rien quand on connaît la propension du groupe à fusionner corps et âme avec ses propres pop songs. Donc “Africa” fonctionne, aucun souci.
Et le reste ? He bien le reste fonctionne tout aussi bien. D’abord on félicitera le groupe pour son choix de chansons : la tracklist s’avère au poil, bourrée de feel good hits à la mode happy eighties. Que ce soit Tears for Fears (“Everybody Wants to Rule the World”), Eurythmics (“Sweet Dreams”, où l’on voit que Rivers Cuomo doit être le fils bâtard d’Annie Lennox, c’est pas possible autrement) ou a-ha (“Take On Me”), Weezer ne réinterprète rien et joue au jeu des sept différences avec les originaux, avec néanmoins un liant d’un titre à l’autre et quelques détails qui apportent un peu de croustillant. L’ensemble sonne très pop, exception faite d’un “Paranoid” (Black Sabbath) bien burné avec un chanteur qui s’amuse avec une cabine d’écho pour retrouver le timbre d’Ozzy… et ça fait illusion ! “Paranoid” qui, avec ses grosses guitares rugueuses, fait un peu tache dans la liste, mais bon, le morceau est tellement sympathique qu’on est tout près à pardonner aux quatre amerloques. Et le plus drôle, c’est de les voir passer de Sabbath à Michael Jackson, d’ailleurs cette version de “Billie Jean” s’avère crédible et truculente, Cuomo s’amusant vocalement à singer le king of pop, sans jamais frôler le ridicule. Sinon vous aurez droit à du ELO (“Mr. Blue Sky”), du Turtles (“Happy Together”), du TBC (“No Scrubs”, bien cool) et même du Ben E. King (“Stand By Me”, pour le coup un chouïa en deçà des autres).
Et le plus drôle (bis), c’est que même si ce Teal Album ne sert à rien, qu’il ne coûte rien (au propre comme au figuré), qu’il n’engage à rien et qu’il ne présage de rien, on passe un bon moment à son écoute, le sourire aux lèvres et l’envie de dodeliner de la tête. Rien que pour ça, rien que pour le plaisir de la surprise et de la sortie sans prise de tête, à l’heure où la scène rock se complet dans des poncifs ou se saborde elle-même à l’aune du musicalement correct, saluons ce cadeau bonux bleu turquoise qui ajoute une pierre certes petite à la roborative (et pas toujours indispensable) discographie de Weezer, mais une pierre bigarrée et tape à l’œil qui nous fera aisément oublier nos soucis quotidiens, pour un temps en tout cas ; en attendant un Black Album autrement plus lourd en termes d’intention et teasé depuis le White Album comme une œuvre d’emblée majeure - ou voulue comme telle, en tout cas. Là, autant vous dire qu’on prendra nettement plus de temps pour rendre notre verdict.