↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.
Chronique Livre

Saxon - Tonnerre heavy metal par Biff Byford


df

"Une autobiographie qui dévoile les coulisses de Saxon vues par son leader"
François, le 14/12/2023
( mots)

Je n'ai jamais eu l'état d'esprit du fan, ni envers un groupe, ni envers un artiste, quand bien même la musique rock occupe une place conséquente dans ma vie : j'aime garder un rapport critique et mesuré aux choses, et je suis trop tourné vers la découverte (boulimique) d'autres formations, d'autres genres, pour rester dans une admiration presqu'exclusive envers un seul groupe. Néanmoins, il y a bien des combos ou des individus qui, pour des raisons parfois inexplicables (ou purement charismatiques), m'inspirent plus de passion que d'autres : tel est le cas du groupe Saxon et de son chanteur Biff Byford. 

 

A l'heure où j'écris ces lignes, Saxon, c'est 25 albums studios depuis 1979 (les deux Inspirations compris), auxquels on peut ajouter un vingt-sixième opus en préparation pour le mois de janvier 2024 : soit le groupe le plus productif de la NWOBHM dont il a posé les premières pierres (ou briques, Midlands obligent). Quand était sorti cet ouvrage, en 2010 (2011 pour la traduction), Saxon venait de publier Into the Labyrinth, mais l'interview qui sert de base à cette autobiographie semble avoir été réalisée au moment où The Inner Sanctum était en train d'être composé - Byford parvient à glisser quelques clin-d'oeils à l'album en préparation. Ainsi, l'ouvrage traite de la carrière du groupe jusqu'à Lionheart (2004) et se concentre largement sur les 1980's.

 

Cette autobiographie prend la forme d'une interview reconstituée (sans les questions), donnant l'impression que Byford discute directement avec nous. Elle est également un récit subjectif de l'histoire de Saxon, ses tournées, ses querelles internes, ses regrets et espoirs déçus, une épopée intéressante notamment quand Byford évoque la question de la conquête des Etats-Unis. Le groupe a en effet connu plusieurs tournées, en compagnies de formations britanniques et américaines (UFO, Ozzy, Mötley Crüe) et a rencontré des difficultés auxquelles Def Leppard a répondu avec plus d'acuité - mais à quel prix !?. Saxon a échoué à proposer un entre-deux esthétique sensé convenir aux publics anglais et américain et, selon son chanteur, a subi les choix peu judicieux de son manager qui empêcheront le groupe d'obtenir le succès escompté. On notera parfois une note de jalousie, notamment à l'égard d'Iron Maiden qui a connu une plus forte popularité alors que selon Byford, Saxon était tout aussi aussi qualifié et méritant. Le chanteur a tendance à rejeter la faute sur les labels, le management, les décisions des tourneurs, les producteurs, en tout cas, trop rarement sur les épaules du groupe qui a également commis des erreurs (en particulier dans la deuxième partie des années 1980). 

 

Mais finalement, l'aventure de Saxon n'est pas ce qui fait l'intérêt principal du livre. 

 

Le premier point qui a retenu notre attention est la description de la jeunesse de Byford, the School of Hard Knocks comme il l'exprime dans son seul album solo. On est confronté au contexte social d'émergence de la NWOBHM, dans l'Angleterre du tournant des années 1970 : le chanteur vient d'un milieu très défavorisé, une situation dont la difficulté est renforcée par des malheurs familiaux, et fut très vite forcé à travailler dur (à l'usine, à la mine entre autres). Il se confronte à la rudesse des années de grèves (auxquelles il a participé) puis à l'arrivée de Thatcher : on découvre que certaines chansons renvoient directement à ces enjeux, mais aussi à la dénonciation des violences policières à l'encontre de la jeunesse aux cheveux longs et aux questions géopolitiques ("Power & the Glory" parle des Malouines). 

 

L'autre élément essentiel vient de l'évocation des inspirations du groupe qui permet de complexifier les substrats esthétiques de la NWOBHM qui sont loin d'être limités au seul hard-rock. A côté des formations heavy, le rock progressif, mais aussi le glam, et les formations des 1960's, ont une place conséquente. On le sait un peu grâce aux deux albums de reprises du groupe (2021 et 2023) et à la cover de King Cirmson sur The Killing Ground. En outre, le premier album de Saxon emprunte quelques touches progressives et Wishbone Ash-iennes, tel que le reconnait Byford qui était influencé par ce type de musique dans ses premières formations d'où proviennent certaines compositions. Je suis très respectueux de ce genre d'artiste qui est avant tout un grand amateur du genre musical dans lequel il s'active. 

 

A ce titre, Byford semble être un des rares musiciens à avoir une véritable conscience des enjeux historiques de la scène à laquelle il a participé, malgré l'éclectisme de la NWOBHM. Il revendique d'ailleurs cette étiquette et ne se considère pas comme un artiste absolument original et unique en dehors de toute catégorisation (vous savez, ce type de comportement à la Steven Wilson aussi pompeux que désagréable). 

 

Evoquons quelques limites tout de même. D'abord, la tendance de Byford à insister sur les gangbangs dans les tour-bus ou les collections de groupies délurées, avec une certaine fierté teintée de nostalgie, quand bien même vante-t-il les vertus de la stabilité familiale finalement acquise. On ne voudrait pas faire de mauvais procès à un groupe qui n'a jamais suscité de polémiques, mais les normes du consentement étaient relatives dans les 1980's (voir les témoignages de Girlschool à propos du rapport musiciens/groupies dans Michael Hann, Denim and Leather: The Rise and Fall of the New Wave of British Heavy Metal, Londres, Constable, 2022, pages 397-398). Le principal reproche qu'on pourra donc lui faire est de rendre le récit un peu lourd et vulgaire à force d'anecdotes grivoises. Ensuite, signalons quelques coquilles ou des traductions hasardeuses (par trop littérales : "we were big" devient "énorme" au lieu de "très populaire", qui serait plus correct en français).

 

Rien de gênant néanmoins, et rien qui n'enlève le moindre intérêt au récit chaudement recommandé à tout passionné du groupe ou de l'histoire de la NWOBHM. 

 

Biff Byford et John Tucker, Saxon - Tonnerre heavy metal, Rosières-en-Hayes, Camion Blanc, 2011, 444 pages. 

En savoir plus sur Biff Byford, Saxon
Commentaires
Soyez le premier à réagir à cette publication !