Gojira

Cela s'est fait par hasard. Un collègue qui dispose d'une place supplémentaire pour le concert de Gojira à Lyon, un petit temps de réflexion, puis, malgré la route et le travail le lendemain, une volonté de "cueillir le jour" et d'accepter la proposition. C'est ainsi qu'on se retrouve à la Halle Tony Garnier ce mardi 28 février pour assister à la tournée du plus grand groupe de Metal français afin de célébrer Fortitude, leur dernier album sorti en 2021. 

A peine arrivés sur place, nous entendons retentir les premières notes d'Employed to Serve, un groupe de Metal extrême britannique naviguant entre plusieurs eaux (hardcore, metalcore, death, Metal indus') au chant féminin growlé, dont nous dirons finalement peu de chose. D'une part, parce que nous sommes incompétent pour juger d'un genre que nous ne connaissons que très peu, et qui s'avère vraiment brutal dans son approche, d'autre part parce que le son de la salle ne leur rendit pas forcément justice. Le combo est par contre heureux d'être présent au point de faire participer la fosse entre un wall of death (à vérifier, invisible depuis notre position mais nous avons bien cru entendre la chanteuse en parler) et d'un circle pit (qui a bien eu lieu). Un peu plus tard, c'est au tour d'Alien Weaponry de sonner la charge, avec une entrée fracassante au son de la culture maorie. Le trio néo-zélandais joue à fond la carte identitaire : sonorités tribales, haka metallique, titres des morceaux voire paroles en maori, le tout au profit d'une setlist metalcore honorable (vous trouverez la mention "thrash" à leur propos, il n'en est rien). Cette petite originalité, qui pourrait être investie encore plus fortement, rendit la prestation séduisante. 

Quelques minutes à attendre encore, avant que le compte à rebours ne commence ... 180 ... 179 ... 178 ...

Setlist - Employed to Serve

Universal Chokehold

Owed Zero

Force Fed

Sun Up to Sun Down

Dull Ache Behind My Eyes

We Don't Need You

Mark of the Grave

Setlist - Alien Weaponry

Raupatu

Holding My Breath

Tangaroa

Hatupatu

Ahi Ka

R? ana te whenua

Kai Tangata

Il faut bien l'avouer, mon rapport à Gojira est assez superficiel. Une première expérience live lointaine lors de la première édition française du Download en 2016 ; quelques écoutes curieuses ou en bonne compagnie, notamment des deux derniers albums, qui s'étaient avérées assez satisfaisantes. Ce qui était trop extrême pour moi il y a quelques années, dévoilait désormais ses qualités intrinsèques : les goûts musicaux se raffinent avec le temps, et certains traits esthétiques (le growl par exemple) en viennent à être appréciés. Il paraît que de son côté, Gojira s'est apaisé - n'ayant pas écouté les deux premiers opus, je laisse ce jugement aux connaisseurs. Ainsi, je vous engage à lire ce compte-rendu en ayant en tête mon niveau de connaissance du combo : Magma et Fortitude, ainsi que From Mars to Sirius (que je trouve vraiment très bon). Malgré tout, j'ai toujours eu un immense respect pour Gojira. Sans être chauvin, je pense que leur réussite à l'échelle internationale et leur statut de porte-drapeau de la scène française a de quoi nous rendre fiers. Et le show du soir illustrait le chemin parcouru. 

On ne parle pas seulement du choix de la salle, que Joe souligne à plusieurs reprises : fini le Transbordeur (une bonne salle de musiques actuelles à Villeurbanne), ce sera désormais la Halle Tony Garnier (qui sert de zénith à la capitale des Gaules) voire plus tard, dit-il avec humour, un stade. Si la salle n'était pas pleine, il est certain que les autres institutions lyonnaises n'auraient pas suffi à accueillir la foule présente en nombre ... Mais ce choix ne fut pas sans conséquence sur le son qui était certes acceptable, mais souffrait des limites connues de la Halle. Passons là-dessus en nous rappelant que nous sommes avant tout là pour voir un show, et en la matière, le groupe avait mis les bouchées doubles, preuve de sa montée en puissance.

Scène à trois étages qui permet aux musiciens de prendre de la hauteur et de circuler durant le concert, jeux pyrotechniques, canons à confettis et rubans, clips visuels ultra soignés : on en prend littéralement plein la vue. De plus, mais c'était déjà le cas auparavant, l'ensemble du groupe (dont Joe en particulier) a une présence sur scène vraiment remarquable, puissante, impressionnante ... On est donc passé au niveau des plus grands de ce monde en matière de scénographie, et le tout est au service d'une setlist très maitrisée et brillamment construite. 

L'entrée en matière est intransigeante avec un triplet de morceaux assez brutaux, en commençant par un extrait de Fortitude évidemment, et parmi lesquels nous avons été heureux de trouver le très bon "Backbone". Puis arrive le tube, du moins au regard de la réaction du public, avec l'excellent "Stranded", qui précède le progressif "Flying Whales", magnifiquement mis en scène par la circulation d'une baleine à bosse à le long des écrans et un jeu de lumière qui évoque l'océan. Une référence au cétacé qui n'est pas sans lien avec leur engagement écologique et au stand de Sea Shepherd installé à l'entrée. A ce stade du concert, nous sommes conquis. 

Fortitude sera évidemment mis en avant lors de cette soirée, et les titres démontreront leur efficacité sur scène. "Another World" est démentiel, "The Chant" permet de faire participer la foule sur le mode du "ahahaha" (pas évident), et "Amazonia" conclut la setlist (avant le rappel) de façon magistrale. Quel titre ! Il était déjà la plus belle surprise de l'album mais il prend toute sa dimension sur scène. Une autre belle surprise fut "Our Time Is Now", un single sorti en 2022 qui était totalement passé sous mes radars et qui s'avère imparable. Gojira se veut efficace dans le déroulement du concert mais aligne les titres avec un sens de la progression, de la variation, comme si le spectacle avait sa propre narration. Organisé dans l'ordre décroissant (chronologiquement parlant), le rappel offrira trois titres attendus, dont "New Found" et son pont atmosphérique, et l'épique "The Gift of Guilt" taillé pour le final.

Toujours attentifs au public, les membres du groupe prendront le temps de saluer longuement la foule et de dire un mot de remerciement, non sans humour, une simplicité qui ferait presqu'oublier qu'il s'agit du plus grand groupe de Metal français actuel, voire de l'histoire, dont l'envergure est désormais internationale. Quel parcours !

Setlist 

Born for One Thing (Fortitude, 2021)

The Heaviest Matter of the Universe (From Mars to Sirius, 2005)

Backbone (From Mars to Sirius, 2005)

Stranded (Magma, 2016)

Flying Whales From Mars to Sirius, 2005)

The Cell (Magma, 2016)

The Art of Dying (The Way of All Flesh, 2008)

Grind (Fortitude, 2021)

Another World (Fortitude, 2021)

L'enfant sauvage (L'Enfant sauvage, 2012)

Toxic Garbage Island (The Way of All Flesh, 2008)

Our Time Is Now (single 2022)

The Chant (Fortitude, 2021)

Amazonia (Fortitude, 2021)

Rappel

Silvera (Magma, 2016)

New Found (Fortitude, 2021)

The Gift of Guilt (L'Enfant sauvage, 2012)