↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.
Compte-rendu de concert

Peter Gabriel


Date : 06/06/2023
Salle : Sportpaleis Antwerpen (Anvers (Belgique))
Première partie :

Une apparition de l'archange Gabriel à Anvers

 
Daniel, le 09/06/2023
( mots)

Une salle comble en mode obscur et feutré. Sans musique de fond sinon un brouhaha. Une foule, composée majoritairement de (très) vieux rockeurs attentifs, fascinés, respectueux, déjà en communion. Les bières se savourent à petites gorgées dans leurs gobelets recyclables et les coupes de champagne se dégustent lentement. Les propos s’échangent en chuchotis tandis que, au-dessus de la scène, une étrange horloge humaine rétroéclairée (trouvaille extraordinaire) décompte méthodiquement (et laborieusement, au sens premier du terme) le temps qui passe.

Soudain, l’Archange débarque depuis la pénombre côté jardin. A mi-voix, il salue son public et lui conte la naissance du monde. Une boule de lumière descend des cintres pour donner vie au feu originel rougeoyant qui animera les premiers instants du concert, conférant à la scène l’aspect natif d’une crèche de Noël.  

Très cabotin, Anthony Tony Levin, le bassiste moustachu de génie (1), fête ce soir son 77ème anniversaire. Acclamé avec humour et ferveur, il va composer, avec Monsieur (Meussieuw, en l’occurrence) Manu Katché, la plus belle section rythmique qu’il m’ait été donné d’entendre. En nuances, en rondeurs, en versatilité et en puissance (quand il se doit).

Alors, une mélodie s’envole doucement, en toute intimité. Voix parfaite. A donner le frisson. A toucher l’âme. Petit à petit, le groupe rejoint discrètement le duo initial. Le son prend de l’ampleur ; il sera bientôt magnifié par des jeux de lumières et des projections d’une intelligence artistique inoubliable (2).

Peter Gabriel pratique une musique du monde (dont il pourrait avoir été le découvreur). Mais il ne faut pas entendre ce terme dans ce sens commercial qui est devenu vaguement putassier. En fait, le monde est contenu dans chacune des notes jouées. Et toutes les notes jouées sont contenues dans le monde. Tout s’explique.

"Je suis une parcelle de toute chose."

Les musiciens qui évoluent autour et alentours de Gabriel sont tous des prodiges qui pourraient inspirer des pages de texte. Outre les précités, il serait très injuste de ne pas nommer ici la violoncelliste et chanteuse anglaise d’origine jamaïcaine Ayana Witter-Johnson qui assure un boulot délirant avec une grâce réellement émouvante. En fin connaisseur, le public du Sportpaleis va lui réserver quelques ovations enthousiastes.

Cela fait un demi-siècle que je hante les salles de concert rock. Ca a commencé avec Fats Domino. Mais c’est la première fois que je vois un artiste faire le choix d’articuler un set autour de titres issus d’un album qui n’existe "pas encore". C’est que I/O (si le nom ne change pas), l’opus dont sont extraits le plus grand nombre de titres durant la soirée, ne paraîtra que dans le futur, probablement au gré d’une pleine Lune.

Ce qui est plus prodigieux encore, c’est que ces titres qui n’existent que par la magie de leur exécution scénique sonnent comme des classiques de leur auteur. Comme s’ils avaient été enregistrés circa 1983-1986 et étaient déjà patinés par les sables du temps.

Il est bien connu et documenté que Brian Eno – qui a participé activement à la conception de I/O – n’a jamais été avare de concepts décalés. Ses stratégies obliques (une variation musicale des cadavres exquis littéraires) et ses mariages musique-peinture n’ont pas encore livré toutes leurs bizarreries. Alors, quitte à délirer, pourquoi ne pas imaginer que le duo Gabriel-Eno aurait utilisé les outils de son temps en se faisant assister par une intelligence artificielle (3) ?

I/O et IA feraient alors beau ménage. Mais ne voyez dans cette supposition qu’un vulgaire innuendo…

Parce qu’il faut bien garder l’esprit critique et à titre de simple bémol, je n’ai jamais été très enthousiasmé par les titres proto-funky rythmés de l’archange, comme "Sledgehammer" ou "Big Time" qui, malgré la puissance de feu et de groove dont le groupe est capable, m’ont moins emballé. C’est une simple question stylistique.

En revanche, "The Court" et "I/O" m’ont arraché des larmes. Sans fausse pudeur.

Le grand final, dédié rituellement à Steve Biko, transcende tout être humain digne de ce nom. C’est un public debout, vibrant et chantant qui salue le départ de l’archange. La scène s’éteint. Les néons se rallument. Déjà. Trop tôt. Où sont passées les deux heures qui ont précédé ?

Set List

Partie 1

Washing of the Water
Growing Up
Panopticom
Four Kinds of Horses
I/0
Digging in the Dirt
Playing for Time
Olive Tree
This Is Home
Sledgehammer

Partie 2

Darkness
Love Can Heal
Road to Joy
Don't Give Up
The Court
Red Rain
And Still
Big Time
Live and Let Live
Solsbury Hill

Rappels

In Your Eyes
Biko

(1) Il se tient aux côtés de Peter Gabriel depuis le début de ses aventures en solo et est crédité sur les enregistrements de plus de 500 albums rock. Il maîtrise tous les styles de basse (dont la Steinberger qui reste pour moi un sublime modèle de design) et pratique le Chapman Stick en virtuose.

(2) La démarche relance le débat au sujet de la signification de l’Art. Toutes les images projetées, abstraites ou concrètes, sont fugitives. Cette forme d’expression permet à chacun.e d’agencer ses souvenirs selon sa sensibilité et sa culture. Par conséquent, il n’y a probablement pas deux personnes qui voient le même spectacle.

(3) Depuis la fin des seventies, j’ai la chance de pouvoir débriefer les concerts avec le Docteur Futurity qui se trouve être mon plus cher ami et un esthète rock au sens critique aiguisé. Ce rituel nous conduit souvent jusque tard dans la nuit mais nous permet de confronter nos points de vue. C’est au cours de cette conversation que l’idée a germé. Il est utile de préciser qu’entre deux titres, Peter Gabriel aime faire l’apologie de l’intelligence artificielle dont il dit qu’elle pourrait pacifier le monde et améliorer la vie de nos enfants. 

Commentaires
Soyez le premier à réagir à cette publication !