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Interview de Last Train


Mathilde, le 20/07/2022

Le temps pour Last Train de prendre le last van et c'est parti pour l'interview avec Albumrock... Joie. C'est le 18 juillet et entre deux dates de concerts que je joins par téléphone Jean-Noël, le frontman d'un groupe qui, depuis quelques années, n'en finit pas de ravir les critiques qui l'encensent, et qui monte à grandes enjambées les marches d'une reconnaissance méritée. Discussion toute en bienveillance et riche en informations sensées et sensibles, on the road. 

 

 

Vous êtes dans un van là ? Vous avez joué où ?

Jean-Noël: Oui, on a joué aux Franco de La Rochelle hier soir, et là on est en direction des Sables d'Olonne pour donner un concert demain. 

 

 

Trop bien, en fait vous avez plein de concerts programmés en ce moment ?

Ouais, franchement on a trop de la chance, là cet été on a une quinzaine de dates, même un peu plus... Sur des gros festivals en plus. Ça fait du bien. Enfin !

 

 

C'était sympa de jouer avec Muse (au festival Beauregard le 6 juillet) ? 

Oui, on aime beaucoup l'exercice de première partie. Le public vient pas forcément pour toi. Muse et Placebo ont des points communs avec nous, et on a aimé les écouter donc du coup ça marche avec leur public, qui revient ensuite nous voir en concert. 

 

Super ! Bon, on vous connait déjà bien à Albumrock, alors dans cette interview on va alterner entre questions de base, et questions un peu plus poussées... Car il y a quand même des zones de mystère autour de Last Train... Déjà le nom du groupe, d'où vient-il ?

Je sais pas si tu sais mais on a monté le groupe quand on était vraiment tout gamins, on avait douze/ treize ans. On était au collège et on s'est pas posé cent soixante mille questions, on trouvait que ça sonnait bien. Quand on a sorti les premiers EPs, on a pensé à changer de nom, à en trouver un avec plus de signification... Et puis on s'est dit que la signification du nom était finalement dans le fait qu'il était là depuis nos débuts. Même si c'est pas le nom le plus sexy, il prend de plus en plus de sens avec le temps, et il reflète aussi notre histoire d'amitié...

 

OK... Et le line-up du groupe est le même depuis le début ?

Ça a rapidement évolué, mais là ça fait dix ans qu'on est tous les quatre, et ça marche très bien comme ça.

 

Vous êtes un vrai noyau dur. Et du coup ça va au-delà de l'amitié, vous fonctionnez ensemble...

Carrément. Et il y a aussi le fait qu'on ait tout appris ensemble, on a aussi découvert la musique ensemble. Et puis au-delà de ça on fait beaucoup de choses par nous-même (dans l'organisation globale de la vie du groupe, dans la production de concerts, d'artistes...) donc on découvre ça aussi ensemble au quotidien. On se tire les uns et les autres vers le haut.

 

Et ça se ressent cette unité...

Oui et puis on ne saurait pas faire autrement. Il y a plein de groupes qui ont des projets parallèles, nous on a un seul groupe, et on est meilleurs potes. C'est un peu la famille quoi. En fait ça démarre comme une histoire classique où on a monté un groupe entre copains, mais là où on se singularise c'est que quinze ans plus tard on est toujours amis, on est toujours dans le même camion (rires) à tourner partout... C'est un rêve de gosse qu'on réalise ensemble. 

 

Et votre style musical, vous l'avez trouvé dès le collège ? 

Ça a toujours été rock, mais le style d'un groupe est en perpétuelle évolution. Au début on jouait vite et fort, et il y a eu le premier album... Et puis depuis ça a encore changé. Notre moyen d'expression c'est le rock avec deux guitares, une basse, ça ça ne changera pas. Mais j'ai l'impression que le fond évolue. Là on va vers quelque chose de plus cinématographique, de plus ambient, plus mélancolique et contemplatif. 

 

Votre musique me fait parfois penser à dEUS...

On essaie d'amener un peu d'élégance au rock. Que ce soit pas bourin, pas pour juste se jeter les uns sur les autres, mais que ce soit mélodique...

 

... Oui un peu sophistiqué ! Je dirais de la pop - grunge sophistiquée (rires) !

(rires) Je te laisse mettre les mots que tu veux !

 

A la fois on peut vous relier à des genres musicaux, et à la fois vous avez un public qui écoute des genres musicaux très différents...

Oui on s'en rend compte... Par exemple hier aux Francofolies, mis à part les groupes métal on était le groupe le plus "violent" du festival. Et puis des fois on est sur des festivals où on est les plus "popy" de la programmation. On a ce côté transversal qu'on assume totalement, on a pas envie de faire une musique de niche, destinée uniquement à des aficionados, à des matheux tu vois. Mais pour autant, on est exigeants dans notre création. Et puis nous-mêmes on écoute de tout: de l'ambient, du post-rock, de la pop... On a des goûts assez éclectiques et on s'en prive pas, au contraire. Je ne sais pas à quel point ça influence les morceaux de Last Train... Des fois j'écoute Lana Del Rey, et jme dis "ah tiens, ça va influencer une de nos musiques"... L'inspiration doit bien venir de quelque part.

 

Et au sein même de vos morceaux qui sont assez longs, il y a des temps forts et des temps faibles. C'est voulu ou ça vient naturellement ?

On a une certaine dynamique. On ne veut pas faire des morceaux "tunnels" de trois minutes non stop, où tu en sors épuisé... Au contraire, on veut prendre le temps comme tu l'as dit, pour poser des atmosphères, les construire, les faire monter en puissance... Et on se rend compte que c'est un luxe de faire ça aujourd'hui car il y a des choses que les maisons de disques, médias, etc... veulent nous faire faire, veulent entendre. Pour mettre en avant telle facette, pour faire respecter tel quota... Nous on est totalement dénués de ces conditions-là parce qu'on fait tout tout seul, on fait ce qu'il nous plait. Si on trouve un public tant mieux, si on en trouve pas tant pis. Donc on ne se prive pas de mettre des plages de silence, car je pense que ça met en valeur le moment plus épique qui arrive derrière. 

 

Et la composition des morceaux semble instinctive, mais on sent qu'il y a aussi de la "prise de tête"...

Bien sûr, on fait quelque chose qui nous anime. Donc on travaille, mais au-delà de ça, comme ça nous passionne ça crée parfois des mésententes. Mais on est ok avec ça car plus le temps passe et plus on respecte comment on fonctionne les uns les autres... Plus le temps passe et plus notre relation est saine, on ne se met plus des gros coups de pression. 

 

Par "prise de tête" je pensais au soin perfectionniste que vous mettez dans la construction des morceaux...

Ah oui, c'est certain ! Ça fait partie peut-être des paradoxes du groupe, il y a un côté très vivant, d'ailleurs en opposition aux titres ultra produits qu'on peut entendre aujourd'hui. Et puis derrière on a aussi une certaine exigence sur la prod. 

 

Et les enregistrements prennent du temps du coup ? Est-ce que vous vous mettez entre parenthèses pendant plusieurs mois ? 

Ça dépend. Pour le dernier album, The Big Picture, on est allés en Norvège pendant deux semaines en studio. C'était vraiment magnifique, un très beau moment. Et puis on a fait le mix, les voix à la maison en Alsace dans le studio White Bat Recorders, qui est notre Q.G et le studio de notre réal. Après c'est vrai qu'on a fait beaucoup de concerts et pour le premier album ça a été un enfer, on faisait des allers-retours entre le studio et la tournée. Pour la suite on va retourner dans un fonctionnement plus classique, on va se mettre en pause pour prendre le temps d'enregistrer. Pour prendre le temps d'ouvrir et fermer des chapitres.

 

Êtes-vous autant un groupe de scène que de studio ?

Il y a deux ou trois ans on t'aurait répondu qu'on est un groupe de scène, parce qu'on adore ça et que c'est la raison de l'existence du groupe... Mais plus le temps passe, plus on apprécie de se retrouver dans le studio, prendre le temps de créer de la musique.

 

Et comment on rejoint la réalité après un enregistrement studio comme celui de The Big Picture ? Dans le documentaire (lié à cet album) vous avez l'air tellement investis dans les compositions, c'est assez émouvant à voir d'ailleurs...

C'est une bonne question. Il y a l'envie d'en sortir et le mécanisme d'en sortir. Si tu as eu l'occasion de nous voir sur scène, tu peux constater qu'il y a un dévouement pour l'instant. C'est vrai qu'on peut finir en larmes, avec beaucoup de transpiration (rires), d'énergie et d'émotions. Je crois qu'il y a une nécessité pour nous de vivre notre musique de cette manière, intense. Ça aussi ça fait partie de notre dynamique. On ne se voit pas aller sur scène ou en studio les mains dans les poches. Pour interpréter un titre il faut le vivre, l'incarner, pour donner au public ce que t'as au fond du coeur. Et ça passe par cet état un peu démesuré dans lequel on aime bien rester. 

 

Donc ce groupe fait partie intégrante de vos vies...

Oui c'est évident. Notre musique c'est plus qu'une passion ou un métier. C'est la clef de voûte de nos vies, tout tourne autour de ça. Bien sûr ça amène des aspects négatifs mais ça fait partie de nous, on s'est construits tout seuls en partie grâce à la musique... Et on en est reconnaissants.

 

Et du coup comment le groupe a vécu le covid ? Cela a du être compliqué de se mettre entre parenthèses...

Oui et non. D'un côté oui car il y avait beaucoup d'annulations à gérer et comme on fait tout nous-mêmes il y a eu beaucoup de taff à ce niveau-là. Il y a eu de l'angoisse aussi car on se demandait si on allait repartir, quand on allait repartir. Dans quelle énergie... Mais on est pas les plus à plaindre. Avant la pandémie on avait déjà pu faire quatre-vingt dates, et à la sortie du confinement tous les programmateurs nous ont fait confiance, et on a fait cinquante dates depuis la reprise. Donc on est assez privilégiés dans cette histoire... Ça nous a aussi permis de prendre une pause qu'on s'était jamais accordée, de sortir le temps d'un instant, de voir qu'il y a une vie en dehors d'un van (rires). 

 

Et puis ce train de vie de concerts ça doit fatiguer aussi physiquement...

En même temps on n'a pas le droit se plaindre, car on a voulu cette vie et c'est magique. Mais oui, être dans un van les deux tiers du temps depuis 2015 c'est fatigant. Ça a fait du bien de faire des pauses de plusieurs mois, même si on retournait vite en tournée à chaque déconfinement (rires). Et puis on a pas flâné, on en a profité pour faire un titre de vingt minutes avec un court métrage.

 

Aujourd'hui le rock français se porte bien, beaucoup de très bons groupes émergent, quelle en est la raison à ton avis ?

Déjà ça me fait plaisir que tu dises ça, car on n'arrête pas de nous répéter à longueur d'interviews que le rock est mort et qu'on est le seul groupe rock français à officier... On est d'accord avec toi: aujourd'hui en France il y a des tas de groupes trop chants-mé, il y a une vraie vivacité, particulièrement ces cinq dernières années. Je pense que c'est lié aux nombreuses scènes qui existent pour accueillir ces groupes. Après, le public et son porte-monnaie sont limités... C'est une autre cour de récré, on pourrait dire une cour de récré de maternelle. On joue vraiment avec des billes mais pour autant c'est que des supers groupes. On pense aux copains: Lysistrata, Maneskin, Bandit Bandit, Johnny Mafia...

Maintenant le défi pour ces groupes-là c'est pas simplement de sortir un skeud mais aussi de faire cent cinquante dates de tournée, d'aller fidéliser un public. Le rock vend pas beaucoup de tickets, c'est pas la priorité du public aujourd'hui. Mais c'est aussi parce qu'il n'y a pas eu assez de propositions pour l'instant, ça va se faire petit à petit... Il faut faire comprendre aux gens que le rock c'est pas juste pour faire la fête, c'est un style intemporel, que c'est génial, que ça prend aux tripes... Il faut le leur proposer pour que ça leur parle !

 

Et, au delà du rock français, Last Train est assez investi dans la place, l'intégration des femmes dans le rock. Vous avez notamment quitté votre ancien label car son directeur avait été accusé d'agressions sexuelles...

Oui, c'est un débat "pieuvre", qui concerne différents aspects. A notre échelle, on ne peut qu'encourager et programmer des groupes avec des femmes en première partie, comme on a pu le faire à l'Olympia. C'est du bon sens. On ne peut pas dire qu'on est vraiment militants. C'est délicat pour un groupe de quatre mecs de dire " faut plus de femmes dans la musique !" (rires). Mais on fait attention. On est producteurs de concerts à Lyon, on opte pour des groupes locaux et féminins quand on peut... On accompagne notamment le militantisme de Maëva du groupe Bandit Bandit. Elle a été sélectionnée par le dispositif européen Keychange qui met en avant les femmes dans la musique. En tant que producteur notre rôle c'est de dire "on y va à fond !".

 

Et puis il faut ne pas créer de limites. Souvent c'est pas que les femmes ne veulent pas y aller (dans le rock par exemple) mais c'est qu'elles ne s'imaginent même pas accéder à cette sphère là...

Oui, c'est ça ! Il y a une partie de la population pour laquelle l'égalité c'est du bon sens, et pour l'autre pas. Il faut prendre le truc par le positif. Il faut donner envie, comme avec l'initiative More Women On Stage qui donne des messages d'espoir, et qui dit: c'est possible quoi, niquez le game (rires) ! Je préfère donner la possibilité plutôt que d'être dans la critique ou la négativité.

 

Et régionalement, en Alsace, pourquoi on y fait du bon rock ?

Il y a des bonnes salles de concerts, comme partout en France, mais aussi avec des gens à l'écoute. Je ne peux que citer Olivier du Noumatrouff à Mulhouse, qui est une salle de concert de musiques actuelles. C'est une personne en or, qui a toujours été là pour nous et pour d'autres artistes alsaciens, avec ses conseils et sa sensibilité. Il suffit de croiser des personnes dispos qui donnent le bon coup de main au bon moment et au bon endroit. C'est hyper précieux. Sinon pour les bons groupes alsaciens on peut citer Pauwels par exemple.

 

Instant cliché régional: c'est parce qu'il y a un terrain ouvrier pas loin qu'on fait du bon rock en Alsace (rires) ?

Je peux pas te dire, on est fils d'instits (rires). Je sais pas si c'est la cause ouvrière qui nous a motivés à prendre les guitares, mais on est tous issus de petits bleds, de trois cents habitants, et ça nous a donné envie de jouer ensemble, on se retrouvait à vélo... Dans les grandes villes c'est sans doute des processus un peu différents. 

 

Et vous avez pris des cours de musique ?

On a fait des cours quand on était vraiment tout petit mais ce qui nous a formés c'est le fait de jouer à quatre. On regardait sur Youtube nos vidéos préférées et on jouait par dessus. L'important c'est de se regarder dans les yeux et sentir l'énergie passer. C'est pas la peine de bien savoir jouer d'un instrument pour arriver à un bon résultat. 

 

Quel est l'actualité de Last Train pour l'été et la fin de l'année ?

Une dizaine de festivals, et on va clôturer l'année et la tournée avec trois concerts: un à la maison à Mulhouse, un à Lyon au Transbordeur, et à La Maroquinerie à Paris.

 

Quand vous voulez pour revenir dans les Hauts de France !

(rires) C'est un super public dans le nord, à Tourcoing, au Main Square... On a pas pu faire beaucoup de concerts en salle à cause des exclusivités mais oui on a hâte de revenir !

 

Quel est ton groupe coup de coeur du moment ?

Moi j'écoute à fond depuis l'année dernière Wolf Alice. Supers titres, super voix... C'est original, bien produit, mélancolique...

 

On est à fan aussi ici à Albumrock ! Dernière question, bonus et culinaire, on adore. Qu'est ce qu'on peut manger de bon en Alsace, à part la choucroute et les spaeztle ?

Pour faire original et local il y a les "Fleischschnaecke",  "schnaecke" ça veut dire "escargots" en alsacien, c'est des escargots de viande. Tu manges ça avec de la salade, c'est trop bon !

 

Avec un petit pinot gris. Pas mal quoi.

Ouais là on est au top quoi !

 

Merci beaucoup à Jean-Noël pour sa disponibilité et cette interview très agréable. Merci à Marie, l'attachée de presse du groupe, pour avoir proposé et organisé cette discussion ! A bientôt !

 

 

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