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Interview Loading Data


Maxime, le 03/03/2008
La mission est d’importance. Il s’agit de se pencher sur Rodeo Ghettoblaster, second méfait de Loading Data, ce désormais jeune quatuor de heavy rock, qui le place en chef de file du stoner rock à la française, presque malgré lui. Une réussite complète, riche de 12 pistes incendiaires qu’on s’est dépêché de saluer dans ces colonnes. Tout y est : la puissance, l’énergie, les riffs rauques, la rythmique sismique, la basse vorace, l’attitude et même, (si si !) les mélodies. Batterie de bonnes raisons qui nous poussent à nous entretenir avec de ce gang explosif à l’occasion d’un concert au Klub. Les Queens of the Stone Age auraient-ils trouvé une nouvelle progéniture en Hexagone ?


Arrivé place du Châtelet en ce venteux soir de février, on se rend vers un lieu que l’on connaît bien : le Klub, batcave située en plein quartier des Halles au cœur de la Gotham parisienne, repaire sur lequel l’association Arachnorock, structure formée par les membres d’Alcohsonic pour promouvoir le heavy rock hexagonal, a posé ses pattes velues à de maintes reprises. Ils nous deviennent franchement familiers ces Dry Can, Alcohsonic, The Howling et bien sûr Loading Data que l’on traque depuis bientôt deux ans à Mains d’œuvres, la Flèche d'or, ou encore, en novembre dernier, au Nouveau Casino en première partie d’Hermano.

Sur l’entrée, un papier griffonné en hâte au fluo annonce, même pas dans l’ordre, les trois groupes qui ce produiront ce soir. Sur le trottoir, des punks quarantenaires, crâne rasé et perfecto percé de badges, devisent gaiement en éclusant des bières. C’est alors que l’on tombe sur Lo S Data venu griller une cigarette, longue veste de cuir, t-shirt Los Natas (groupe de stoner argentin, actuels compagnons de leur label, Oui-Oui Records), coupe improbable de greaser croisé avec un punk, rouflaquettes, voix profonde et chaleureuse. Les autres membres du combo le rejoignent bientôt, et le chanteur/guitariste en profite pour nous présenter Aurélio, nouvelle recrue postée à la guitare et aux claviers. "Ce coup-ci, on devient vraiment les Queens of the Stone Age !" nous glisse-t-il dans un sourire. Comment pourrait-il en être autrement quand on sait que l’aventure Loading Data débute sur un traumatisme : la découverte du premier album du gang protéiforme de Josh Homme par un freak ayant grandi aux USA et parti en vadrouille en Californie. Choc séminal qui le conduira à empoigner sa Les Paul et férailler des décharges de robot rock lysergique au gré de différents line-up dont il restera le point névralgique. Comme le géant rouquin et ses QOTSA, oui. Avec talent mais certainement moins de chance, puisque ne possédant pas de green card, il sera contraint d’osciller constamment entre France et Etats-Unis, compromettant ainsi les quelques opportunités qui auraient permis à Loading Data de connaître un destin peut-être plus favorable sous d’autres cieux.

Mais tout ceci ne semble guère affecter Lo qui nous conduit dans les entrailles du Klub où résonne la raw pop magistrale de Songs For The Deaf. Direction les loges, pratiquement aussi vastes que la salle. Postés sur les canapés, les membres de Bukowski sont en intense conversation. En hôte attentionné, Lo choisit l’endroit le plus confortable. Sur les tables, on distribue les munitions : packs de bières et Jack Daniel’s. Nakat, bassiste longiligne aux allures de basketteur punk et fan de hardcore, se met à loucher sévèrement vers la bouteille au liquide ambré. Il faut dire qu’atteint d’une méchante angine et assommé par les antibiotiques, l’homme a besoin de forces pour tenir le coup. Pas d’incident alcoolisé à redouter pour autant, Lo, en bon frontman, veille au grain. Il s’agira de livrer un bon set. Le plus sobrement possible. On commencera donc l’interview avec ce dernier, les autres membres se joignant progressivement à la causerie, dont le batteur Matt Vatimbella, discret, mais sachant se manifester au micro quand il le faut pour compléter les propos de son camarade. Hilares, les membres de Spermicide, tête d’affiche de la soirée, font leur entrée et ne se priveront pas de commenter les moindres réponses de Lo, le guitariste Deniss en particulier, sympathique punk-rockeur gouailleur qui s’invitera à la table pour y aller de ses réparties cocasses. L’humeur est à la vanne continue. En dépit du joyeux tumulte ambiant, Lo tente de rester le plus concentré possible lors de l’entretien, ce qui n’est pas chose facile. Clairement, on n’est pas dans le local de répètes de Radiohead à causer déconstruction postmoderne avec Thom Yorke en sirotant un thé avec un nuage de lait. Pas le même décor. Impossible de retranscrire tout l’échange ad hoc, donc, sous peine de rendre l’article illisible, mais à partir d’ici, (presque) tout est on the record.


Du garage à la décharge. De gauche à droite : Matt Vatimbella (batterie), Lo S Data (chant/guitare), Nakat (basse)

PUTAIN, ON A LE DROIT DE FAIRE CA ?


Commençons par le début avec Four-Track Junction, la première mouture de Loading Data. Comment l’aventure débute-t-elle ?
Lo S Data (chant, guitare) : Je sortais d’un projet qui n’avait rien à voir, un duo. Mais je n’étais plus sur la même longueur d’onde avec le type avec lequel je bossais. Je suis parti aux Etats-Unis en 1998. Là-bas, j’ai découvert le premier album des Queens of the Stone Age, vers 1999. J’étais chez un pote à San Francisco. Un ami avait rapporté l’album, qui était sorti depuis un an, parce qu’il aimait bien la pochette. On s’est défoncé à la green, une herbe californienne très puissante, on s’est foutu dans un canapé et on a mis le disque. Je suis resté sur le cul. Vraiment. Je me suis dit "Putain ! On a le droit de faire ça ?" C’est comme quand tu passes du Balzac qu’on te force à lire à l’école à Bukowski. Une révélation. J’ai commencé à enregistrer des morceaux sur un 4-pistes - d’où le nom Four-Track Junction - alors que je parcourais les Etats-Unis. Revenu en France, j’avais quasiment un album de prêt et j’ai fait écouter les titres à des gens avec qui j’avais bossé sur d’autres projets. Ils ont aimé. On était en novembre 1999, Four-Track Junction était né.

Pourquoi avoir changé le nom de Four-Track Junction pour Loading Data ?
L S D : Au départ, Loading Data était le nom d’un projet parallèle que j’avais monté avec Matt de Low Vibes. Et puis on s’est engueulé, je ne me souviens absolument pas pourquoi, et l’affaire a rapidement capoté. Du coup, j’ai décidé de garder le nom de Loading Data pour mon groupe, ça sonnait finalement mieux que Four-Track Junction, pour les gens comme pour moi.

Finalement tu étais où quand le premier album de Loading Data (Frenchman Nevada, 2002) est sorti ? En France ou aux Etats-Unis ?
L S D : En France. Le premier Loading Data est sorti ici, produit par un producteur argentin avec le line-up originel, c'est-à-dire Eric et David à mes côtés. On a mis un an à l’enregistrer, et honnêtement on n’était pas du tout contents du résultat. Là-dessus, j’ai eu un gros pétage de plombs aux alentours de 2001, j’ai abusé de substances diverses et laissé le groupe en stand-by. Les gars ne comprenaient pas ce qu’il m’arrivait. Quand Frenchman Nevada est sorti début 2002, Loading Data n’existait déjà plus. Je suis reparti aux Etats-Unis. Là-bas, en répondant à une annonce sur Internet, j’ai rencontré un batteur, Adam Keller. Lui s’emmerdait ferme chez lui en Floride. Finalement, on est revenus tous les deux en France où on a joué pendant deux-trois mois. Comme ça se passait bien, Adam m’a proposé de repartir aux Etats-Unis. Il avait des contacts, un studio, un producteur… Du coup en septembre 2002 on a regagné la Floride où on a passé deux ans à tourner et enregistrer. Loading Data était reparti.

Ça commençait à bien marcher là-bas, des producteurs étaient intéressés par ton travail…
L S D : Oui, on a été repérés par Bill Aucoin, le gars qui a managé Kiss et Billy Idol entre autres, et John Tovar, le mec qui a découvert Marilyn Manson. Comme je n’ai jamais eu de green card, ils m’ont envoyé voir des avocats pour régulariser ma situation. On m’a finalement dit que ça m’en coûterait entre 5000 et 8000 dollars, sans être sûr du résultat. La meilleure chose à faire était de se trouver une crack whore (pute à crack) et d’arranger un mariage. J’ai failli épouser trois filles. Au dernier moment, le jour de mon départ, mon bassiste de l’époque est venu me trouver pour me dissuader d’épouser une junkie, le genre à qui ne peut pas se fier. Mieux valait continuer mes allers-retours France-USA. Sauf que depuis je suis jamais revenu là-bas.

Pourquoi ? Par choix ?
L S D : En fait, la dernière fois que je suis venu ça s’est très mal passé avec les douaniers américains. Ils trouvaient que je passais trop souvent sur le territoire. Ils m’ont vraiment, vraiment cassé les couilles. Ils m’ont gardé pendant près de deux heures dans un petit local où ils sont venus m’interroger à quinze. Ma Les Paul était trop lourde à leurs yeux. Ils me suspectaient de planquer de la drogue, une bombe ou je ne sais quoi. Ils ont passé ma guitare aux rayons X, ils l’ont fait renifler par un chien, et puis ils ont carrément commencé à la démonter. Ça les faisait marrer de me voir me pisser dessus, tellement je flippais. Finalement, comme ils n’avaient rien trouvé, l’un d’eux s’est approché de moi et m’a dit "Bon ben on va voir si t’es vraiment guitariste : c’est quoi le premier accord d’"Hotel California" ?" Sauf que moi j’y connais rien aux notes, j’ai appris sur le tas, sans formation. Je joue en open de do, j’y connais que dalle. A la fin ils m’ont laissé partir mais ça m’a bien traumatisé. Donc, depuis, je ne suis plus reparti.

C’est pas frustrant de se dire qu’on rate peut-être le train pour une bête histoire de papiers ?
L S D : Bien sûr que si ! Quand tu vois que des gros pontes sont intéressés par ton groupe tu te dis merde, je suis passé à côté de quelque chose ! Ça m’a tellement frustré qu’à mon retour j’ai laissé tomber le groupe pendant un an. C’est une amie de mon ex qui m’a convaincu de remettre l’affaire sur pied et de rechercher des musiciens. C’est là que j’ai rencontré Guillaume (Nakat) par le biais de petites annonces.
Matt Vatimbella (batterie) : Sur adultfriendfinder.com ?
L S D : Sur adopteunmec.com…
Nakat (basse) : Tu m’as mis dans ton panier ! (rires)
L S D : Voilà. On s’est rencontré et on a bu comme des trous. On tenait tous les deux bien l’alcool, ce qui nous a rapproché. Loading Data était reparti. Ensuite ça été l’épopée pour trouver le bon batteur.

Cinq ans séparent votre premier album du second. Quand l’écriture de Rodeo Ghettoblaster a-t-elle commencé ?
L S D : Très rapidement. En fait, quand Frenchman Nevada est sorti le deuxième album était déjà écrit.
Nakat : Sauf mon morceau de merde !
L S D : Ouais c’est vrai, le morceau de Nakat ("Nakat’s Drive In") est arrivé bien plus tard, sinon le reste était déjà quasiment écrit depuis 2002.

Et l’enregistrement ?
L S D : On a enregistré une première version de l’album aux USA avec un autre line-up (Adam Keller à la batterie, Mike Shaw à la basse). Revenu en France, il y avait des morceaux qui ne me plaisaient plus. On a donc terminé l’album au studio de Matt (studio UFO), qui a mixé et masterisé les titres enregistrés aux Etats-Unis et s’est chargé de produire ceux qu’on a fini en France. Au final, il doit y avoir quatre titres enregistrés aux USA et le reste composé ici.


"Ouah, t'as vu mon sweat ?" United Colors of Loading Data.

QUEERS OF THE STONE AGE


Lorsque je vous avais demandé de définir votre style à l’occasion du dossier sur le stoner rock français, vous aviez répondu qu’il s’agissait, successivement, de desert rock, de cube rock, de robot rock, puis de heavy groove rock. Le terme stoner est tabou pour vous ?
L S D : C’est pas tabou, mais de mon point de vue, le terme stoner renvoie à des gens qui font du doom, qui sont vraiment dans la lignée de Black Sabbath. Moi, j’ai jamais vraiment écouté Black Sabbath, j’ai vraiment découvert le mouvement avec Kyuss et Queens of the Stone Age. Si ça c’est du stoner, alors ok on en fait, mais j’ai jamais considéré qu’on faisait du Black Sabbath revu et corrigé. On fait du gros rock, lourd et groovy, bien sûr influencé par des groupes comme Fu Manchu, Nebula, Queens of the Stone Age… Honnêtement, l’appellation on s’en fout un peu. Si un moment donné on s’est qualifié de cube rock, c’est que venant de la ville on ne pouvait pas prétendre faire du desert rock, et du coup le terme cube rock me paraissait mieux convenir à un environnement urbain. Mais, bon, dans l’absolu, oui, on fait du stoner.

En marge du stoner tel que tu l’as défini, quelles sont vos autres influences ?
Matt : Moi, pour ce qui se rapprocherait le plus, je dirais Soundgarden…
L S D : Moi j’ai grandi en écoutant essentiellement du jazz avec mon père.
Nakat : Ouah, comment il se la raconte l’autre ! C’est ça, et moi j’écoutais du gospel avec ma tante !
L S D : Mais c’est vrai, que veux-tu que je te dise ?! Enfant, je rêvais d’être pianiste dans un hôtel cinq étoiles…
Nakat : … et t’as fini guitariste accordé en do dans un groupe de stoner rock ! (rires)
L S D : Sinon, à 15 ans j’étais fan de grunge et des Red Hot Chili Peppers, de Faith No More, Pearl Jam, ensuite je suis parti dans un trip très sixties : Neil Young, les Who, Led Zep, etc. Le stoner, ça n’est venu qu’après.
Nakat : Moi j’étais plutôt branché par le punk-rock, le hardcore, plutôt que par le stoner ou le grunge. J’ai jamais aimé Pearl Jam, Soundgarden non plus. Je suis en minorité dans ce groupe, le vilain mouton noir.
L S D : T’es pas le seul. Franchement, je n’écoute plus Pearl Jam depuis des lustres.
Nakat : Sinon les Ramones, les Dirtbombs. J’aime quand ça patate. Il faut dire que je viens d’une autre scène, j’ai joué du ska pendant 5 ans. C’était cool, j’en garde un bon souvenir, mais au bout d’un moment j’ai voulu revenir vers quelque chose de plus viril, plus rock’n’roll.

Avec Carn, Low Vibes et Space Patrol, vous étiez parmi les premiers à ouvrir la brèche sur le créneau du stoner à la française. De tous ces groupes, vous êtes le seul encore en activité. Quel est votre regard sur l’évolution du mouvement en Hexagone ?
L S D : Je pense que les choses ont un peu évolué depuis la création de Loading Data en 1999. Aujourd’hui, pas mal de groupes se disent stoner.
Matt : Mais quand tu écoutes un peu, tu te rends compte que c’est juste une influence parmi d’autres. Sur leur page MySpace ou sur leur flyer, ils mettent stoner ou southern rock à côté de metal ou rock, alors que franchement le côté stoner on l’entend pas trop.
Nakat : De toute façon on n’est même pas considérés comme stoner par une certaine frange de la scène.
Deniss (Spermicide) : Nan mais vous êtes même pas considérés du tout les mecs ! (rires)
L S D : Pour moi, les vrais groupes stoner n’existent plus. C’était Carn, Low Vibes, Space Patrol. Maintenant, on a des groupes qui ont un petit côté stoner mais que je ne considère pas comme tels. Il y a The Howling, qui est un groupe grunge avant tout avec des connotations stoner parce qu’ils font parfois durer les parties rythmiques, Eon Megahertz qui eux ont commencé par faire du stoner à la Queens et qui sont maintenant dans un délire plus rockabilly, Puncharello, que je kiffe énormément, qui fait plutôt du gros rock bien efficace, Rising Dust, qui est un groupe de doom metal archi-violent… Mais j’ai rien contre eux, hein ! On a joué avec la plupart de ces groupes, et franchement je les adore. Mais la vraie scène stoner est minime, très limitée.
Deniss : Il y a un super groupe de stoner pour moi, c’est Zoe.
L S D : Oui mais pour moi Zoe, c’est du gros rock’n’roll/hard rock. Du heavy rock, comme nous. Voilà pourquoi je trouve que le terme heavy groove rock nous définit mieux que stoner. On fait du stoner-pop, dans l’esprit du premier album des QOTSA.
Deniss : Ouais, vous êtes les Queers of the Stone Age ! (rire général)
L S D : Un journaliste disait que les QOTSA étaient les Beach Boys du stoner. Les Beach Boys du stoner français, ça nous va comme appellation.

A la fin du mois, Queens of the Stone Age jouera au Zénith. Le concert est complet depuis plusieurs semaines. Pensez-vous pouvoir bénéficier de l’attrait que le groupe exerce en France ?
L S D : Je sais que quand des groupes comme QOTSA viennent jouer en France, il y a une espèce d’ébullition, des sites se montent. Donc, forcément, t’en profite pour faire la promo de ton groupe. Mais en même temps le buzz baisse vite au bout de deux mois…
Aurelio (guitare, claviers) : En plus faut relativiser ce succès : les QOTSA remplissent le Zénith, ok, mais demain ils joueront en Allemagne dans un stade deux fois plus grand.
L S D : C’est vrai. Lorsqu’on a sorti le premier album de Loading Data en 2002, mon pote Cyril Deluermoz (journaliste à Rock & Folk) m’a dit que les Queens of the Stone Age n’avaient vendu que 7000 copies de Rated R ici. C’est là que je me suis dit : Putain, c’est pas comme ça qu’on va vivre ! Alors bien sûr, depuis Songs For The Deaf le groupe cartonne en France, mais il faut se souvenir qu’à leurs débuts ils jouaient à la Boule Noire alors qu'ils étaient super connus partout ailleurs.
Matt : Le problème en France c’est que quand tu as un groupe comme QOTSA qui marche bien et que tu fais quelque chose qui s’en rapproche, les gens te disent : "Ah ouais mais ce que vous faites, c’est du Queens !" Ça a un côté vachement péjoratif, parce qu’il n’y a qu’eux qui ont le droit de faire ça, parce que ce sont eux les "vrais", et que si tu commences à t’en inspirer, c’est juste que tu profites de la mode. Bizarrement, c’est pas le succès des QOTSA qui va forcément aider le stoner en France.

UN BON FEELING AVEC DAVE ANGSTROM


Vous avez ouvert pour des cadors du genre comme Five Horse Johnson, Brant Bjork ou encore Hermano. Quelle a été la rencontre la plus mémorable ?
L S D : Il y a des rencontres qui se sont mieux passées que d’autres… Dans les trois exemples que tu m’as cité, les plus sympas étaient définitivement les Five Horse Johnson avec qui on a franchement passé un bon moment, on s’est bien bourré la gueule. Avec Hermano, on a eu un très bon feeling avec Dave Angstrom qui nous a félicité à la fin de notre set. On est resté en contact avec leur tourneur.

Vous avez déjà commencé à composer de nouveaux titres ?
L S D : Des maquettes il y a une semaine, dont un morceau qu’on a appelé "Fu Manchu", parce qu’il avait soit-disant un léger côté Fu Manchu…
Matt : Un côté soit-disant merdique surtout…
L S D : Ouais, donc on l’a jarté. On a un instrumental, qui va pas tarder à jarter lui aussi. (rires) Sérieusement, on a enregistré quatre titres, rien de définitif. Mais c’est vrai que j’aimerais bien en profiter pour enregistrer un nouvel album dans la foulée de Rodeo Ghettoblaster. On espère vraiment sortir le nouveau Loading Data cette année, voilà, je te le dis solennellement.
Matt : Sachant que pour nous une année dure à peu près trois-quatre ans, parce qu’on compte en années bissextiles.

Tu te chargeras à nouveau de la production ?
Matt : Non, j’aimerais bien que ça ne soit pas moi.
L S D : Ça sera moi !
Matt : Non, j’aimerais bien que ça ne soit pas toi non plus. J’aimerais bien qu’on soit bichonné par quelqu’un d’autre et qu’on ait rien d’autre à branler que jouer.
L S D : T’inquiète ma poule, ça va venir…


Le groupe en pleine négociation de son contrat avec un DA d'Universal. (photo Brice-Alban Roualec)


Le concert que livrera Loading Data deux heures après l’interview confirme les possibilités s’offrant à son line-up augmenté. Même s’il n’a pas le look gothico-borsalino de Troy Van Leeuwen, Aurélio est un comparse de choix. Discret, il apporte une indéniable substance. Dès le second titre, "Circus Blues", il fait gémir sa guitare rouge sang dans d’intenses gerbes aigrelettes, laissant à Lo tout le loisir de labourer ses riffs charnus. Sur "Voodoo", introduit par le désormais proverbial "It’s a song about my family", il s’empare du clavier pour cribler le morceau de notes aiguës martelées frénétiquement, enfonçant encore un peu plus le clou de l’aliénation mentale portée par la chanson. Bien sûr, en l’état, l’évolution peut sembler minime. Après tout, le groupe n’a répété qu’une ou deux fois avec sa nouvelle recrue. Mais il suffit d’entendre ce "Name It" psychotique étendu en transe convulsive pour se convaincre que dans le futur, Loading Data pourra livrer des versions démentes de son répertoire, l’ouvrir à des séances de jam possédées, sortir de la simple conversion live de ses titres studio. Il suffit d’ailleurs d’écouter les concerts de Queens of the Stone Age pour constater que "Regular John" et autres "You Can’t Quit Me Baby" frôlent souvent les 10 minutes.

Enlevant son t-shirt dès le cinquième morceau, Matt Vatimbella fait certainement poids mouche comparé aux formes bodybuildées de Joey Castillo, mais sa frappe n’a pas beaucoup à envier à celle du taureau tatoué sur le plan de la puissance. De son côté, Nakat assume son obédience à Nick Oliveri. Il suffit de l’écouter brailler sur son morceau, "Nakat’s Drive In", parfaite transcription de la furie anarchisante d’un "Quit And To The Pointless" et autres "Tension Head". Sa propre ode à Clarissa. Sa manière de gober le micro en fin de titre achève de la placer dans le sillage du skinhead toxique.

Le public est à cent lieues de partager le petit jeu de ressemblances auquel s’adonne l’apprenti rock-critic. Compact, massé entre deux piliers, il jouit du spectacle dans sa brûlante immédiateté. On dispose un gode écarlate aux dimensions disproportionnées sur le bord de la scène. L’objet ayant manifestement choisi de ne pas tenir debout, on se le refile d’une main à l’autre. Les filles se mettent à danser. Certaines amorcent un début de strip-tease. Un vieux punk bourré monte sur scène et s’obstine à vouloir pianoter sur le clavier. On le vire aussi sec. On se souvient que neuf mois plus tôt dans ce même lieu, Julien Mangogna, leader de The Howling, était monté sur scène pour échanger quelques coups de langues salaces avec Lo. Rock, alcool, fête, débauche. L’envie viendrait-elle à quelqu’un dans l’assistance de lancer un blasé "c’est bien sympa tout ça, mais ça ressemble vachement aux QOTSA, autant écouter les vrais", comme on l’a trop entendu ici ou là lors du concert d’Hermano ? Quelle sinistre façon de penser. Nick Oliveri n’est plus là. Josh Homme est devenu une bête de studio et livre sa création à une évolution permanente. Il est clair que le QOTSA de 2008 n’est plus celui de 1998. Pourquoi refuser à d’autres le droit de faire le rock que manifestement lui ne veut plus faire ? Et puis, on peut toujours s’échiner à dresser des passerelles entre ces deux groupes. Finalement, Queens of the Stone Age n’a été qu’une courroie de transmission. Josh Homme a donné à Lo l’envie d’empoigner sa guitare. Pour d’autres ce fut Lou Reed ou Jimmy Page. Quelle importance au fond ? Oui, la musique de ces frenchies est hantée par le combo de Palm Springs. Elle renvoie à l’énergie qu’il avait au début des années 2000. Mais elle est aussi plus directe, plus frontale. Son penchant hardcore y est plus prononcé. Et puis il y a surtout des bonnes chansons, plus que tant d’autres groupes chez qui les influences sont moins affichées et surtout sournoisement moins revendiquées. La qualité aura donc finalement raison de tout débat stérile. Voilà sans doute pourquoi on s’est abstenu, lors de l’interview, de leur demander s’ils comptaient reprendre un jour un titre de qui-vous-savez en concert, et lequel. Ravi, on écoute le deuxième album de Loading Data, le ghetto-blaster dansant le rodéo au son de "Daddy’ O".


Un 45 tours de deux titres devrait sortir prochainement sur le label du Captain, ancien label manager de Coming Soon et frontman de feu Bishop Invaders.
Le groupe se produira au Rockfest à Arad du 16 au 18 mai et prépare une tournée en Belgique, Roumanie, Amérique du Sud…


Chronique de Rodeo Ghettoblaster : http://www.albumrock.net/critiquesalbums/rodeo-ghettoblaster-2952.html
http://www.myspace.com/loadingdata
En savoir plus sur Loading Data,
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