↓ MENU
Accueil
Première écoute
Albums
Concerts
Cinéma
DVD
Livres
Dossiers
Interviews
Festivals
Actualités
Médias
Agenda concerts
Sorties d'albums
The Wall
Sélection
Photos
Webcasts
Chroniques § Dossiers § Infos § Bonus
X

Newsletter Albumrock


Restez informé des dernières publications, inscrivez-vous à notre newsletter bimensuelle.
Critique d'album

Giraffe Tongue Orchestra


Broken Lines


(23/09/2016 - Cooking Vinyl / Party Smasher - Mastodon Escape In Chains - Genre : Hard / Métal)
Produit par Steve Evetts, Giraffe Tongue Orchestra

1- Adapt Or Die / 2- Crucifixion / 3- No-One Is Innocent / 4- Blood Moon / 5- Fragments & Ashes / 6- Back To The Light / 7- All We Have Is Now / 8- Everyone Gets Everything They Really Want / 9- Thieves and Whores / 10- Broken Lines
Note de 4/5
Vous aussi, notez cet album ! (4 votes)
Consultez le barème de la colonne de droite et donnez votre note à cet album
Note de 4.0/5 pour cet album
"Cassé"
Etienne, le 01/11/2016
( mots)

Supergroupe. Expression totalement galvaudée à l'heure où ces "formations de luxe" pullulent. Pourtant, Giraffe Tongue Orchestra intrigue. Par son nom déjà: "l'orchestre de la langue de girafe". Mouais, on n'est pas sûrs de bien saisir le concept quand même. Et puis par sa composition, aussi:



  • Un chanteur de seconde main embourbé dans un mimétisme inégal: William DuVall de Alice In Chains

  • Deux guitaristes aussi talentueux que complètement allumés: Ben Weinman de Dillinger Escape Plan et Brent Hinds de Mastodon

  • Un bassiste ayant appartenu à un groupe virtuel finalement devenu réel: Pete Griffin de Dethlok

  • Et un batteur sous adrénaline permanente: Thomas Pridgen de The Mars Volta


Et quand vous enfermez tout ce petit monde dans une même pièce, il en ressort une expérience unique, un moment musical de haute voltige, une transcendance ultime. Bienvenue dans un univers où tous les codes du hard rock classique sont revus et corrigés par un bande de potes totalement barges.


Une bande de potes qui peut difficilement renier son passif: un groupe grunge culte (Alice In Chains), une formation phare du mouvement hardcore (The Dillinger Escape Plan) et les patrons de la scène stoner/sludge (Mastodon), voilà un curriculum vitae aussi impressionnant qu'il pèse sur les épaules frêles d'une toute jeune formation. C'est là tout le problème de GTO, et par extension des supergroupes: comment obtenir un semblant d'identité, de singularité et de réussite à partir d'un mélange des genres non-miscible. Difficile d'imaginer la lourdeur des guitares de Brent Hinds soutenant les riffs d'acier de Weinman sur fond d'une lente complainte désabusée de DuVall. Alors les bougres se mettent en tête d'ériger chacun l'arête d'un triangle musical ambitieux. Et prennent grand soin de dynamiter l'ensemble dès son achèvement. Le Giraffe Tongue Orchestra, c'est ce tas de gravats encore fumant et cette odeur de poudre encore agressive, fascinant témoignage de la beauté malsaine d'une destruction savamment orchestrée. Le Giraffe Tongue Orchestra n'est pas l'art de construire et d'empiler les influences, il est celui de désosser et d'éparpiller les standards inhérents au genre. Le Giraffe Tongue Orchestra n'évite pas sa destinée bizarroïde, foutraque et aliéné, il l'embrasse sans retenue.


Broken Lines est un album totalement indomptable, particulièrement animal, fondamentalement phénoménal. La beauté féroce de son déferlement anarchique de décibels est captivante à mesure que les guitares déchargent inlassablement une électricité torturée ("Adapt Or Die", "Crucifixion") et des rythmiques effrénées parfaitement tenues par Pidgren ("Fragments & Ashes"). A mesure que le diamant creuse un peu plus le sillon tortueux d'une galette pas comme les autres, l'orchestre jette un voile sur l'intelligibilité de son oeuvre, broie les structures de ses morceaux, fracasse ses mélodies contre les murs crépitants de sa musique assourdissante de folie ("Blood Moon"). L'analogie avec sa pochette est parfaite: la pureté d'un ciel immaculé est coupée nette par les lignes précises d'une terre noire, rugueuse et âpre. Un peu comme si DuVall, Weinman et Hinds nous balançaient sans cesse d'un bout à l'autre de ce décor ambivalent, tantôt formaté et dansant ("Everyone Gets Everything They Really Want"), tantôt profond et lancinant ("All We Have Is Now"). Le GTO infiltre sans cesse les interstices inattendus de sa musique épique, chargée et très travaillée comme pour ne laisser entrevoir aucune faille, aucun vide, aucun temps mort. L'exploration des genres est permanente, la refonte de l'interprétation continue, la signature marquée. Broken Lines s'applique à contenter les aspirations nouvelles de ses membres sans en renier le professionnalisme méthodique et aboutit sans nul doute à l'un des disques (réussis) les plus improbables de l'année. Et à la (re)naissance d'un frontman hors-normes.


Si l'Histoire ne devait retenir qu'un seul protagoniste au sein de l'orchestre animalier, elle jetterait son dévolu sur William DuVall. Habitué à subir la loi d'un Cantrell dominateur dans Alice In Chains - ce dernier restant beau joueur puisque DuVall est régulièrement crédité à la composition et l'écriture d'un titre ou deux - DuVall s'exprime pleinement dans le Giraffe Tongue Orchestra, poussant sa voix chaleureuse et singulière dans des retranchements inconnus. Lui qui nage souvent dans une mer de décibels volumineuse et confortable - toujours Alice In Chains - il est cette fois confronté aux guitares racées, à la batterie supersonique et la basse terrassante de ses sbires. Un milieu hostile, parfait pour oser des textes plus percutants et un chant plus violent, empli d'une hargne qu'on ne lui connaissait pas ("Crucifixion"). Des brulôts rock vindicatifs ("No-One Is Innocent") aux ballades tempérées arrangées avec pudeur ("All We Have Is Now"), DuVall guide l'orchestre d'une voix ample, puissante, pleine de cette vigueur virile et se veut le point fixe et rassurant d'un album musicalement dispersé. Car si on peut trouver au GTO une véritable signature sonore, c'est bien par la voix de son chanteur qu'il faut lui trouver sa principale caractéristique tant celle-ci est marquante, transperçante de sincérité et de sensualité alors que le groupe déchaîne sa fougue intellectuelle et rageuse à grands coups de composition absolument pas fleuves. C'est bien DuVall qui retient l'attention, qui fait passer les émotions les plus frappantes, les plus évidentes, et qui pousse l'auditeur à retenter l'expérience du Giraffe Tongue Orchestra encore et encore... Il n'y a qu'à se laisser bercer par sa voix chevrotante et envoûtante dans un "Broken Lines" évolutif et épique pour comprendre qu'il est bien le maestro du GTO. Quand on pense que le groupe a pendant un temps songé à Juliette Lewis* en lieu et place du bonhomme...


Si l'orchestre n'a pas encore statué sur son avenir et sa pérennité, le superbe Broken Lines laisse rêveur. Voilà un groupe qui signe par l'abstrait une épatante démonstration de son talent. Weinman va boucler sa carrière avec Dillinger Escape Plan l'année prochaine; Pridgen et Griffin sont libres de toute contrainte; DuVall est loin de subir un rythme effréné avec Jerry Cantrell et les quinquas d'Alice In Chains; seul Hinds semble un peu coincé au sein de Mastodon, groupe plutôt prolifique qui passe beaucoup de temps sur les routes. Mais son acolyte d'Atlanta, Troy Sanders, fait lui aussi partie d'une nouvelle formation, Gone Is Gone. Alors pourquoi pas continuer à jouer la partition de cette sonnée symphonie ? Les voyants sont au vert. Musicalement, ils sont même éclatants. Broken Lines, ou la réponse de DuVall et sa bande aux théologiens bornés du hard-rock: "Cassé".


Chansons conseillées: "No-One Is Innocent", "Fragments And Ashes" et "All We Have Is Now".


*NB: Juliette Lewis fait un caméo dans le titre "Back To The Light".

Commentaires
Soyez le premier à réagir à cette publication !