Green Day
¡Tré!
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1- Brutal Love / 2- Missing You / 3- 8th Avenue Serenade / 4- Drama Queen / 5- X-Kid / 6- Sex, Drugs & Violence / 7- A Little Boy Named Train / 8- Amanda / 9- Walk Away / 10- Dirty Rotten Bastards / 11- 99 Revolutions / 12- The Forgotten
Suite et fin des aventures de Green Day en 2012, et on va tourner court à tout suspens : après un ¡Uno! décevant et un ¡Dos! à peine au dessus de la moyenne, ¡Tré! s’étale de tout son long et réalise l’exploit de faire pire que le numéro 1. La faute à qui, ou à quoi ?
La faute d’abord à un groupe qui a cru avoir les reins assez solides pour se lancer dans une entreprise qui le dépassait complètement. Déjà que réaliser un bon album n’est pas forcément aisé et que réussir, vraiment réussir un double album relève de l’exploit - n’est pas Dylan, Hendrix ou les Beatles qui veut, s’attaquer à un triple album relève de l’inconscience pure et simple. Au vu du pas génial 21st Century Breakdown, peu auraient parié sur les chances de succès de Green Day. Quant à ceux qui ont misé leurs billes sur le plantage, pour eux, c’est jackpot. Mais il faut croire que quand l’un de ses bébés se fait adapter en comédie musicale à Broadway (American Idiot, pour ne pas le citer), on gonfle irrémédiablement des chevilles et de l’entrejambe.
¡Tré! s’attaque à l’ultime versant du songwriting de Billie Joe Armstrong : après le pop punk et le garage, voici venir l’opéra épique - Broadway n’est donc pas loin, n’est-ce pas ? Mais ce qui a plutôt bien marché avec l’idiot américain et qui battait déjà sérieusement de l’aile avec la rupture du 21ième siècle se vautre complètement dans son troisième acte. Pas de tubes, pas un seul, un rythme mou du genou, des rengaines rebattues sans aucune imagination, de grosses maladresses de style, des arrangements tendancieux... on arrête là où on continue ? OK, on continue. "Brutal Love" débute la litanie, et on ne sait pas encore s’il s’agit d’une idée de titre stupide ou d’une allusion gauche à un vague sado-masochisme strausskahnien, tandis que la gluance du slow et de ses trompettes a tôt fait de nous refiler des renvois gastriques malodorants. Ça ne s’arrange pas ensuite avec des morceaux étonnamment insipides ("Missing You", "X-Kid", "A Little Boy Named Train", tous d’une nullité absolue), des sirops de grenadine redondants ("Drama Queen"), des bravades molles du slip ("Sex, Drugs & Violence", aussi rebelle qu’un petshop fluo), des morceaux à moitié finis ("Amanda", quasiment un sample qui tourne en boucle pendant 2 minutes 30) ou des essais de tubes qui tombent complètement à plat ("Walk Away"). Même la tentative de pièce omnibus qu’est "Dirty Rotten Bastards" passe complètement à côté de son sujet avec son intro pompée sur Carmen (de Bizet, carrément) et ses digressions pataudes : on est loin, bien loin des "Jesus Of Suburbia" et "Homecoming" d’American Idiot. Mais le pire nous attend encore avec le franchement pénible et prétentieux "The Forgotten", noyé jusqu’à l’asphyxie de pianos et de violons écoeurants. Seul un morceau, un seul, s’en tire honorablement : "99 Revolutions", pas forcément dans le top 10 (ni même le top 20) de Green Day, mais pas mal quand même. Un morceau sur douze ! Holly shit.
Et pourtant... prenons les quelques morceaux pas trop moches de ¡Uno!, par exemple "Nuclear Family", "Troublemaker" ou "Sweet 16", ajoutons le noyau dur de ¡Dos!, disons "Stop When The Red Lights Flash", "Lady Cobra", "Makeout Party", "Lazy Bones", "Ashley", "Wild One" et "Stray Heart", gardons tout de même "99 Revolutions" et osons achever le tout avec "Amy", et qu’obtient-on ? Un album, un simple album qui, lui, a au moins le mérite de s’avérer écoutable de bout en bout et de ne pas prendre son fan-base pour un troupeau de vaches à lait prêtes à payer trois fois plus cher pour un résultat trois fois plus nase. Espérons que la cure de désintox de Billie Joe Armstrong lui soit salutaire, car il va lui falloir des épaules sacrément solides pour survivre à ce navet.