Kyuss
Kyuss
Produit par
1- Gardenia / 2- Asteriod / 3- Supa Scoopa and Mighty Scoop / 4- 100° / 5- Space Cadet / 6- Demon Cleaner / 7- Odyssey / 8- Conan Troutman / 9- N.O. / 10- Whitewater
Kyuss, fort du succès relatif de Blues for the red sun (D'avantage critique que public, malheureusement, le groupe rechignant à livrer des singles et passer en radio) entame une tournée marathon, qui les fera cotoyer, notamment, White Zombie, Faith No More ou encore Metallica (dont ils ruinent la sono lors de leur set, la faute aux guitares ultra basses de Homme). Avec le départ de Nick Oliveri, parti vers des horizons punks avec les Dwarves, c'est un nouveau chapitre qui s'écrit avec l'arrivée de Scott Reeder. Moins charismatique que son prédécesseur, Reeder possède cependant un jeu moins bourrin, plus complexe, aussi à l'aise dans les distributions de coups de fouets que dans les séances de caresses riches en grooves.
Moins immédiatement agressif que le précédent, ce 3ème album éponyme (et non pas intitulé "Sky Valley", comme beaucoup le croient) s'aventure dans des contrées un peu plus psychédéliques, sans renier le son brut de décoffrage qui a fait la réputation du quatuor. Divisé en 3 parties, cet opus marque des approfondissements dans les compos, dont certaines donnent lieu à de formidables duels entre instrumentalistes virtuoses. A l'image des superbes photos du livret et de la pochette, l'aventure de cet album a quelque chose d'initiatique, aussi est-il rappelé : "Listen without distraction".
Eh bien, prends "Gardenia" dans les dents en guise d'ouverture. On démarre la bagnole sur les chapeaux de roue. Quitte à conduire dans le désert, autant rouler défoncé en coupant à travers les routes que de suivre les sentiers battus. Campant à la belle étoile, lumineuse et brillante comme un "Asteroid", instrumental pervers et allumé et nous voilà reparti pour un titre phare : "Supa Scoopa and Mighty Scoop", véritable profession de foi, ce morceau est un must du stoner qui prouve que Kyuss n'a rien perdu de sa nocivité. Tel un serpent qui charme pour mieux mordre, le chant du charismatique leader sait se faire envoûtant et venimeux. Un véritable artiste vocal, dont le talent vaut bien celui de ses potes. Deuxième single du groupe, "Demon Cleaner" aux allures plus mélodieuses marque le mariage réussit entre grosses guitares et tournures pop, ainsi que le savoir faire du combo pour explorer d'autres territoires sans jamais se renier. Preuve supplémentaire : "Space Cadet", magnifique ballade acoustique, nous fait regretter que Kyuss ne se soit pas plus aventuré dans ces contrées dont il ressort grandi. Vous l'aurez compris, cet album est plus polymorphe, plus diversifié que Blues for the red sun. Pour ceux qui veulent que ça claque, "100°" ou "Odyssey" se chargent de les contenter avec plaisir, avant de conclure avec brio (mais comment pourrait-il en être autrement ?) avec un "Whitewater" tout simplement parfait.
Comme tout chef d'oeuvre, Kyuss crée son propre temps. On échappe à la linéarité de l'écoulement des minutes ou des secondes pour rentrer dans une bulle temporelle créée par le groupe. Combien de temps a duré le trip? Quelques minutes? Une poignée de secondes? Impossible à dire car les musiciens ont modelé l'univers et se le sont approprié. On devient une part de la musique qui nous pénètre et devient une part de nous même. Un sacré voyage, crépusculaire et lumineux, flippant et fabuleux. Ce disque ne s'écoute pas. Il se vit.