Lostprophets
The Betrayed
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1- If It Wasn't for Hate, We'd Be Dead by Now / 2- Dstryr/Dstryr / 3- It's Not the End of the World, But I Can See It from Here / 4- Where We Belong / 5- Next Stop, Atro City / 6- For He's a Jolly Good Felon / 7- A Better Nothing / 8- Streets of Nowhere / 9- Dirty Little Heart / 10- Darkest Blue / 11- The Light That Shines Twice as Bright...
A l'origine, l'idée de chroniquer un bon petit Lostprophets, en cet hiver morne et froid qui s'éternise à n'en plus finir, avait de quoi susciter chez votre serviteur un semblant d'excitation, à défaut d'engendrer en lui une attente insoutenable. N'oublions pas que, malgré tous les travers que l'on peut reprocher aux gallois, tentations mainstream, jeunisme éhonté, dérive émo du look, enflement de l'égo, le combo peut tout de même jusqu'à présent se targuer d'une discographie quasiment exemplaire : un Fake Sound Of Progress brut et décomplexé, un Start Something aussi mélodique que burné, et un Liberation Transmission rond et catchy à souhait. Bien sûr, Lostprophets n'a rien d'un groupe exceptionnel au sens propre du terme. C'est juste un bon groupe de neo-metal, efficace, énergique, et qui a un don inné pour se fendre de ritournelles pop aguicheuses tout en les assaisonnant à la mitraillette lourde. Pourtant, cette fois-ci, il y avait de quoi s'inquiéter avant même d'écouter ce Betrayed tant attendu, et force est de constater que les faits ne donnent pas tout à fait tort aux indices repérés ça et là depuis plusieurs années.
En effet, signe qui ne trompe pas, Ian Watkins et sa bande ont longtemps peiné avant de pouvoir enregistrer ce quatrième opus. Premières démos en 2007, premier enregistrement sudio en 2008 aux côtés de John Feldmann (Good Charlotte, Panic! At The Disco, Hillary Duff) - Indice n°1, déception du groupe devant le résultat final et décision de ré-enregistrer totalement le disque, tentative de débauchage de l'inénarrable Bob Rock, déjà réalisateur de Liberation Transmission (un disque qui, au passage, avait clivé le fan-base du groupe entre ceux qui ont loué sa sonorité robuste et son allant mélodique et ceux qui ont vomi sur ses dérives FM-friendly), mais qui éconduit gentiment les jeunes rockeurs sous prétexte qu'il n'a pas le temps de bosser avec eux, puis qui finit par leur lâcher que l'album ne lui semble pas à la hauteur - Indice n°2. Là dessus, voilà que Columbia, le label du groupe aux USA, émet à son tour des réserves quant à la qualité des compositions et décide de rompre son contrat avec le groupe - Indice n°3. Ecoeurés, Watkins and co décident de passer par la case autoproduction en confiant les commandes du bébé à leur bassiste Stuart Richardson. C'est à ce moment précis qu'Ilan Rubin se fait débaucher par Trent Reznor pour maltraiter les fûts de Nine Inch Nails en live et qu'il décide donc de plaquer ses petits copains - Indice n°4, non sans avoir tenu à enregistrer toutes les parties de batterie de l'album. Finalement, quatre années et 500.000 dollars plus tard - Indice n°5, ce quatrième opus décide enfin de pointer le bout de son museau.
Alors, qu'en est-il ? Eh bien, après maintes et maintes écoutes du disque, on reste un peu entre deux eaux, vaguement satisfait mais pas complètement convaincu. La faute à un positionnement pas totalement assumé de la part d'un groupe qui, visiblement, a eu beaucoup de mal à se remettre des critiques émises à propos de Liberation Transmission. Résultat, le combo nous envoie en pleine figure des morceaux parmi les plus bourrins de sa carrière, on pensera notamment au réussi "Dstryr/Dstryr" avec ses couplets hurlés à perdre haleine et surtout au grisant "Next Stop, Atro City" qui renoue avec la folie metal d'un certain "We Are Godzilla, You Are Japan". En contrepartie, si le groupe tourne ensuite le dos aux rythmiques et aux sonorités metal sur le reste du disque en prenant le parti d'un positionnement punk / post hardcore qui fait bien souvent penser à The Offspring, il ne s'épargne pourtant pas des gluances pop presque déplacées au vu de la férocité des morceaux pré-cités. On pensera notamment au médiocre "Dirty Little Town", aussi sirupeux que téléphoné, mais force est de constater que la fin de l'album trouverait sans problème sa place sur la playlist de Virgin Radio, faisant passer les "faiblesses" de l'album précédent pour des charges de blindés lourds. Du coup, on comprend mal où les gallois veulent en venir avec cette galette bigrement hétérogène qui, de surcroît, révèle des lacunes de productions assez désolantes (voix mixée trop en avant, guitares manquant de claquant, saturation dans les aigus). Quand vient le moment d'examiner le cas des singles, là encore, on se retrouve mi-figue mi-raisin. D'un côté, "This Is Not The End Of The World" déroule tranquillement un potentiel tubesque relativement habituel chez les prophètes perdus, alors que "Where We Belong" se permet de sombrer dans une certaine facilité qui ne leur fait pas honneur. A signaler, quand même, un titre introductif apocalyptique assommé par ses rafales de batterie qui envoie son pesant de décibels. Mais le plus gros manque de l'album, c'est la perte de ces rythmiques dévastatrices, de ce potentiel de gigotage inouï qui ferait presque passer Bloc Party pour des parkinsonniens au dernier degré. Ici, à part quelques rares moments bien balancés ("Streets Of Nowhere", réminiscence de l'album précédent, "For He's a Jolly Good Felon" et ses couplets impeccables, ou "A Better Nothing" et son binaire ludique), les morceaux restent paradoxalement trop sages, d'autant qu'ils ne sont désormais quasiment plus soutenus par les bon gros riffs metal des précédents disques. Reste un talent mélodique indéniable, avec un duo "Darkest Blue" - "The Light That Shines Twice as Bright..." qui trouvera ses amateurs parmi le jeune public... pourvu que celui-ci se contente d'un mainstream de qualité.
Le verdict, pourtant, tombe à la ré-écoute des albums précédents. Autant l'avouer sans fard : The Betrayed est bien en dessous de ses prédécesseurs. Ici, pas de "Shinobi vs Dragon Ninja", pas de "Kobrakai", pas de "Burn Burn" ni de "Last Summer", et encore moins de "Everybody's Screaming!!!" ou de "Everyday Combat". Et ceci pour ne reprendre que les meilleurs morceaux des gallois, qui avaient auparavant pour habitude de proposer des albums d'une incontestable solidité mélodique. Ici, entre redite frôlant l'autoplagiat et manque cruel d'inspiration, on ne retrouve pas le niveau d'antant. Restent quelques bons morceaux, et d'autres qui s'avèrent intéressants de temps à autres, avec au final un album loin d'être innommable mais également loin, bien loin du potentiel de Ian Watkins et de ses comparses. Gageons que ce passage à vide ne précipitera pas plus vite encore le neo metal dans les affres de l'oubli, même si, à l'évidence, les Lostprophets n'appartiennent désormais plus à ce courant rock.