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Critique d'album

Sting


57th & 9th


(11/11/2016 - Cherrytree, Interscope, A&M - Jazz rock - Genre : Rock)
Produit par Martin Kierszenbaum

1- I Can't Stop Thinking About You / 2- 50,000 / 3- Down, Down, Down / 4- One Fine Day / 5- Pretty Young Soldiers / 6- Petrol Head / 7- Heading South On the Great North Road / 8- If You Can't Love Me / 9- Inshallah / 10- The Empty Chair
Note de 3/5
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Note de 3.0/5 pour cet album
"Piqûre de rappel"
Etienne, le 21/11/2016
( mots)

Le 13 novembre 2015 s'est déroulé un autre massacre que personne n'avait vu venir. Personne. La reprise de "Stolen Car", morceau de Sting, par Mylène Farmer. La tuile. Et la charpente avec pour le coup. Soutenu par l'interprète original qui plus est. La mort artistique d'une icône de la musique, embourbée dans une improbable collaboration avec une interprète robotisée sauvée de l'oubli par des shows tenant plus du salon d'exposition du projecteur LED que d'un réel moment d'enthousiasme musical. Comment Gordon Sumner, émérite leader d'un des groupes les plus singuliers du siècle dernier, fort d'un succès populaire intergénérationnel et quasi-intact, musicien hors-pair au caractère chevaleresque, n'hésitant pas à se frotter aux cantiques moyenâgeuses (Songs From The Labyrinth), à l'exigence mathématique du jazz (The Dream Of The Blue Turtles) ou l'exercice périlleux de l'orchestration symphonique (Symphonicities), a-t-il pu en arriver là ? Mystère, boules de gomme et silence de plomb, nous n'en saurons pas plus. Jusqu'à ce que...


La nouvelle tombe en plein été: Sting prépare un album de rock. De rock ? Ni une, ni deux, la rockosphère s'embrase illico-presto, voyant dans ce douzième disque solo du britannique l'occasion de raviver les braises que la reformation de Police a remuées voilà près de dix ans déjà. Et même si Sting prétend ne jamais avoir vraiment quitté le rock, il en a exploré des courants très lointains, en atteste un Last Ship certes somptueux, témoignage intime et touchant d'un homme posant un regard adulte sur ses souvenirs d'enfant, musicalement plus proche d'une folk celtique apaisée que du rock complexe et bondissant de son ancien trio. L’intelligentsia rock s'accorde à dire que le dernier album estampillé d'une telle étiquette du musicien remonte à 2003 et Sacred Love, au demeurant un excellent effort, à l'acoustique superbement déposé sur les effluves électroniques d'une boîte à rythmes et dans lequel la voix suave de l'anglais s'entremêle sensuellement aux influences world music qu'il affectionne tant ("Inside", "Send Your Love"). Bien loin des canons du genre incriminé donc... Présenter 57th & 9th comme un album de retour au rock répond finalement plus à ce souhait incessant - et exaspérant - de classification bornée qu'à une réelle étude du dit-objet. Car il est un fait que Sting a quitté le rock. Sans jamais le quitter.


Sting est un homme troublant, un musicien complexe et accompli, qui a, au cours de sa carrière, embrassé tous les styles qu'il affectionnait. Fan de jazz, il assouvit sa passion débordante pour le genre, une fois Police dissout, le temps de quelques albums (Nothing Like The Sun) avec pour point d'orgue une Last Session magistrale en compagnie du pianiste Gil Evans, maître du genre. D'une jeunesse musicale entraînée dans le sillon tourbillonnant du punk et de la new-wave, il esquisse les contours d'une carrière unique aux directions multiples portées par une voix incomparable, mélange d'élocution soignée et d'accent british portuaire. Un simple coup d'oeil historique dans le rétro d'un tacot usé par des années d'asphalte suffit à se rendre compte que Sting n'est pas du rock, comme il n'est pas du jazz, de la pop ou de la folk. Il est de la musique, simplement. Et 57th & 9th ne doit être considéré que comme tel: un nouvel album de Sting, fin du débat.


Un disque placé sous le signe d'un certain renouveau, une indéniable cure de jouvence qui passe par une pigmentation plus osée de son artwork - en comparaison des ambiances pastels de ses précédents efforts. Là où son visage marqué, barbe fournie et traits tirés laissaient entrevoir un disque apaisé, sérieux et adulte, 57th & 9th révèle un Sting debout, droit sur ses cannes en plein tumulte new-yorkais, instrument sur l'épaule comme l'aventureux musicien vagabond fraîchement débarqué prêt à croquer la Grosse Pomme. Les cheveux noirs et le poil hirsute s'effacent, sa blondeur d'antan et son teint glabre transpirent une forme retrouvée, une fougue déterminée, bien loin de son épouvantable duo franco-nul. Avant même de frapper l'oreille du mélomane, Sting étonne l'oeil du photographe en proposant cette mise en scène imprimée d'autres couleurs que celle de la nostalgie et de la mélancolie - son crédo depuis 10 ans - qui appellent à une énième mutation artistique. C'est en tout cas l'espoir qu'il véhicule.


Coincé dans le Hell's Kitchen de New York pour seulement trois petits mois, Sting doit faire vite et rappelle ses fidèles acolytes, l'esthète argentin Dominic Miller à la guitare et l'ex-batteur de Zappa, Vinnie Colaiuta. A cette base assurée, inébranlable et convenue, il convient d'ajouter une bonne dose de rock 'n roll piquant et acide par la personne de Josh Freese - A Perfect Circle, Guns' N Roses, un CV long comme le bras (RDV sur Wikipédia) - qui compte bien dynamiter de sa frappe puissante un disque que Sting veut urgent, viscéral et spontané. L'apport de Freese est énorme: sa patte bestiale co-écrit quatre titres avec Miller, Sting et Lyle Workman, dont les trois meilleurs de l'album - rien que ça. "One Fine Day" et ses allants pop maîtrisés à la perfection, le lancinant et poignant "Pretty Young Soldiers", sans oublier l'explosif "Petrol Head", plaisir auditif coupable tant il s'agit là d'un copier-coller du "Demolition Man" de Police, l'alchimie entre les quatre hommes accouchent d'un élixir délicat, ce rock 'n roll moderne, varié et précieux, celui attendu par tous les griffonneurs de papelards indigents prêts à louer le retour aux sources policières du grand Sting. Sauf qu'il n'en est rien, et que l'anglais livre pour la première fois de sa longue carrière, un album rétrograde, dispersé, incohérent.


Si le constat paraît d'emblée sévère, c'est que le single ("I Can't Stop Thinking About You") explosif, entêtant et immédiat, dévoilé en amont de la publication de 57th & 9th, soufflait l'air frais des promesses innocentes sur un disque réchauffé par les vieilles recettes du gourou Sting. Les ficelles sont trop grosses et le rappel incessant à sa précédente discographie gêne plus qu'il ne réjouit. "Heading South..." et "The Empty Chair", pièces acoustiques minimalistes au message fort - la dernière évoquant l'otage James Foley, exécuté par Daesh - n'auraient pas volé leur place sur The Last Ship, l'oriental "Inshallah" sur Brand New Day et le grossier "If You Can't Love Me" sur Ten Summoner's Tales. Et si l'urgence de l'enregistrement avait desservi Sting ? Si finalement il avait choisi d'évoluer en totale zone de confort au sein d'un paysage musical dont il connaît les codes ? C'est en tout cas l'impression indélébile qui émane de 57th & 9th. Pas très rock 'n roll tout ça.


De cette variabilité des styles ressort fatalement un manque de cohérence musical, doublé d'une profonde disparité dans les sujets abordés par l'auteur. Le passage d'un hommage pataud aux amis disparus sur fond de rimes empruntées à Neil Young "Rock stars don't ever die, they only fade away (Les rock stars ne meurent pas, elles disparaissent seulement)" dans "50,000" à la courageuse arabesque "Inshallah", superbe poésie d'espérance emplie d'humilité sur la crise migratoire, est abrupt. Bien trop. 57th & 9th est éparpillé dans ses intentions, lyriques et mélodiques, et sa cible demeure incertaine: retrouver la verve des débuts en pondant des hymnes à entonner en chœur ou dénoncer pudiquement les maux d'un monde perturbé ? Si la cohabitation de ces deux honorables desseins n'est pas impossible, elle reste manquée à l'écoute d'un 57th & 9th qui tient plus de la revue de carrière après prise de conscience soudaine que d'un réel engagement dans un projet construit et réfléchi. Un projet rock par certains aspects, mais pas dans sa globalité loin de là. Histoire de boucler le débat.


Sting n'a pas habitué la sphère musicale au consensus, au disque convenu et au potentiel gâché - le quatuor formé avec Miller, Freese et Workman en tête. Honorable, porté par un single qui lui assurera de bonnes ventes et des passages réguliers sur les ondes, 57th & 9th est tout en paradoxe: il ne surprend pas, et donc surprend. Avec son nouvel album, Sting fait le point sur une vie de musicien et part défendre son dernier-né sur les routes en formation serrée, guitares/basse/batterie. L'essence même du rock. Peut-être que 57th & 9th est un album qui appelle au rock finalement... Dans le fond, quelle importance ? Seuls les maniaco-classificateurs perdront leur temps à vouloir résoudre l'insolvable. Car Sting est inclassable, unique et étonnant, même lorsqu'il se fend d'un disque à la réussite nuancée. Il n'est décidément pas un musicien comme les autres. En ça, 57th & 9th est une sacré bonne piqûre de rappel quand même.


Chansons conseillées: "One Fine Day", "Pretty Young Soldiers" et "I Can't Stop Thinking About You".

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