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Hellfest 2011: Three Days Of Black, Grey & Noise


Geoffroy, le 28/07/2011

Vendredi 17 juin

L’itinéraire nous avait pourtant bien fait marrer en nous offrant un Dijon - Clisson long de 666 kilomètres. Pas un de plus ou de moins. Ce fut resté drôle et un adorable petit cliché s’il ne nous fallait compter avec les innombrables erreurs que cette saloperie nous fit faire durant le trajet pour arriver sous la grande croix à l’aube du set de Down et donc à la triste fin de celui de Karma To Burn, le tout sous un ciel gris et menaçant et entourés de gens vêtus de noir.

Down


Le public est massé contre la première mainstage pour s’adonner au sludge de Phil Anselmo et Pepper Keenan. Le son est au moins aussi dégueulasse que le temps, du moins en retrait de la scène, et il est facile de constater que le volume sonore est bien trop important au vu de la distance. Impossible de s’entendre parler et ce sera le cas durant tout le festival. Anselmo semble en forme, faisant bel usage de sa voix puissante, très communicatif avec les foules mais je reste toujours aussi hermétique à la musique de Down qui, loin d’être mauvaise, n’arrive absolument pas à être touchante, d’abord par un manque de feeling et de groove des musiciens qui ne trompe pas dans le genre, mais également par ce côté pataud et un peu facile dans les riffs et structures, comme si ce groupe ne jouait pas vraiment ce qui lui correspond le plus, œuvrant plus dans un metal lourd teinté de rock sudiste que dans un véritable dérivé du stoner.





Meshuggah





Enfin ce qui est sur c’est que question feeling tout reste plus chaleureux que Meshuggah… Je me garderai de donner un avis tranché par peur d’être trop radical mais là où l’on peut rester vrai, c’est que cette musique ne laisse aucune place à l’émotion et donc donne cours à de nombreux débats qui ne peuvent être résolus que par l‘acceptation de voir certains attirés par cette approche intelligente et purement cérébrale de la musique.

Le quintette suédois se retrouve donc vite dépassé par son côté déshumanisé et asymétrique. Pas la moindre once de sensibilité, un son glacial, des structures et des plans incompréhensibles pour l’auditeur lambda et que seuls peuvent apprécier les amateurs de mise en place, ceux qui aiment la musique complexe pour le simple fait qu’elle soit complexe, cherchant un aboutissement dans une recherche de plus en plus extrême. Le son est toujours aussi médiocre de loin, bien qu’il ait apparemment été correct en façade, et au bout de un morceau et demi et d'une pluie qui n'en finit pas, l’appel de la Terrorizer Tent se fait clairement insistant.





"Bang ! Bang ! Bang ! Bang !"


The Young Gods viennent d’y finir leur set et c’est Corrosion Of Conformity qui se prépare à envoyer du bois. Plus ou moins séparés de Pepper Keenan pour retrouver leur formation de 1985, le set du trio est beaucoup plus axé sur la période punk hardcore de leurs débuts bien que le guitariste de Down vient les rejoindre sur plusieurs titres dont certains au chant et que leurs morceaux récents ne sont pas totalement oubliés, élaborant des contrastes de tempo assez déstabilisants par moments mais plutôt efficaces.

La rambarde n’est plus très loin quand Clutch entre en scène et la première calotte de la journée fait un effet du tonnerre. Dés "The Mob Goes Wild" un groove d’enfer se soulève faisant se secouer les hanches de toute la Terrorizer, pendues à cette voix prenante qui colle parfaitement au bonhomme qu‘est Neil Fallon, un peu éméché certes mais débordant d’une présence rare et captivante, d’un flow épelé à merveille dans la diction et l’accroche sous les coups de butoir de la section rythmique et de ce blues lourd, rapide et dansant.

Ça commence à sentir la sueur et les rednecks se la donnent, jouant du solo massivement rock et d’un second degré qui fait les beaux jours du groupe, de cette odeur de bitume étasunien qui se mêle à la transpiration ambiante, balançant des titres plus catchy et suintants les uns que les autres pour finalement achever la foule, reprenant en cœur le « Bang ! bang ! bang ! bang ! Vamonos ! Vamonos ! » d‘un duo "Electric Worry" / "One Eye $" de folie. Pour une première baffe, elle fait mal.


Cérémonie incantatoire: The Melvins


Position prise, frontale et centrale histoire de prendre tout en pleine face et ne se laisser aucune chance. Coady Willis et Dale Crover sont les premiers à monter sur scène pour installer leur monstre bicéphale en façade du public. King Buzzo se fait discret, caché derrière son voile et sa robe de cérémonie, triturant ses potards quand Jared Warren joue déjà de sa jazz bass fuzzée, un bandana risible figé sur le crane. Les balances vocales sont à mourir de rire, chacun des membres faisant office de son trait d’humour personnel, Warren hurlant des cris dignes d’un orgasme bien senti (« Oww Boyyy ! Yeah !»), Buzz scandant déjà ses premières vocalises sur un simple « check ! » ou encore Dale répondant à des questions indiscrètes pour vérifier ses oreillettes: « - Dale are you gay ? », « - No I’m certainly not. ».

Les Melvins font ce soir leur seule date européenne en conclusion d’une tournée américaine qui les voyait faire résidence pour deux soirs dans chaque salle, leur permettant ainsi de jouer les albums Eggnog, Bullhead, Lysol, Houdini et Stoner Witch dans leur intégralité. Oui rien que ça. On était donc en droit de se demander ce qu’ils allaient bien pouvoir nous ressortir en seulement une heure de set. Les membres de Down et de Eyehategod se mettent bien en vue sur le côté de la scène, certains allant jusqu’à se coller juste derrière Buzz qui semble s’en foutre royalement. Anselmo joue le tocard, joliment ivre, s’affichant bien trop pour faire passer ça pour une blague. On a beau être le chanteur de Pantera, on n’en reste pas moins ridicule dans certaines circonstances.

A peine les derniers réglages terminés, le groupe enfonce sans prévenir le public dans une intro noise à la puissance inégalable, adaptation à deux batteries du morceau "Hung Bunny" de Lysol. Le son est d’un volume à la limite de l’intolérable mais grand dieu, quelle sensation ! Les premières incantations accompagnent les roulements chaotiques et englobent dans une transe céleste qui veut bien s’y abandonner. Le pouvoir de la cérémonie. Le quatuor occupe pleinement l’espace, ayant tout rapproché du bord de scène pour être à proximité directe, nous offrir un "Roman Dog Bird" en suite logique, laissant sonner ce larsen divin une bonne minute et reprendre ce riff à la masse dantesque, si dense qu’il en est palpable, passionnément physique.

Les hurlements du public se font enfin entendre après ces dix minutes de communion et ce sont les seuls moments de répit donnés avant les nouvelles hostilités. "The Water Glass" et "Evil New War God", seuls témoins des morceaux récents composés avec Big Business sont d’une précision bluffante, Willis et Crover fonctionnant comme des siamois dans des questions réponses improbables et pourtant d’une cohérence incroyable de la même manière que les quatre voix s’épousent dans une chorale à la fois complètement barrée et pourtant subtile pour retomber sur un riff surpuissant. Premiers et derniers titres tirés de Bullhead et tempo soutenu pour "It’s Shoved" et "Anaconda" qui sortent le monde de sa torpeur avec leurs sonorités punk, sauvagement rythmés pour maintenir la tension omniprésente.

Stoner Witch fait son apparition avec "Queen" et son refrain accrocheur, Jared Warren se dandinant d’avant en arrière et de droite à gauche, complètement possédé et King Buzzo secouant sa tignasse au rythme débridé de ses accords. Décidés à jouer Lysol dans sa totalité, les Melvins entament la partie cover de l’album avec "Second Coming" et "The Ballad Of Dwight Fry", les deux reprises d’Alice Cooper, passages plus softs pour amorcer la descente et atterrir sur un "Sacrifice" gigantesque, tout en nuances, jouant de l’accalmie pour exploser dans un déluge de saturation et d’invocations prenantes jusqu’aux tripes: « They demand a sacrifice… of your life ! ».

Nouveaux roulements de batterie et "Hooch" se fait nerveuse, sévère telle une correction, enchainée à un "Honey Bucket" qui n’en démord pas, relance la machine Houdini à pleine allure pour mettre fin à Lysol dans un "With Teeth" mélodieux aux voix mêlées et torturées. Une version de "Sweet Willy Rollbar" sous amphéts introduit "Revolve", le « tube » de Stoner Witch, avant de porter la transe à son point d’orgue sous la ligne de basse hypnotique et les cymbales fuyantes de "Night Goat". Le départ prend tout son temps, laisse monter la tension jusqu’à en atteindre toute la saveur et tout relâcher dans un sentiment d’extase ultime devant ce cri libérateur de Jared Warren qui scotche toute la Terrorizer au sol en s’envolant par-dessus ce riff dantesque qui vient s’éteindre dans le chaos le plus total… Buzz quitte la scène comme il l’a investi et Jared dépose sa basse dans un larsen virulent, laissant à Coady et Dale le bon soin de gérer ces alcooliques de la Nouvelle-Orléans venus foutre le bordel. Anselmo est d’ailleurs particulièrement pitoyable derrière une batterie, ça a du bon de détruire les idoles.












Monster Magnet


Monster Magnet entre en scène sur le tempo soft de "Nod Scene" et vient clôturer le premier soir du festival sous la Terrorizer Tent. Mais après un concert pareil, il sera assez difficile de rentrer dans le set de Dave Wyndorf & Co, certes plus rock ’n’ roll mais pourtant. Wyndorf, déjà, possède une voix qui me déplaît beaucoup et si la musique du quintette trouve des influences seventies très prononcées pour le milieu stoner, notamment dans le space rock et les touches psychédéliques, l’alchimie ne fait pour moi aucun miracle, même en live. Le groupe envoie cependant du bois, faisant chauffer à blanc les premiers rangs qui sont toujours à fond. Je reconnais des titres de Powertrip et Dopes To Infinity et finit tout de même par apprécier certains passages me surprenant à taper du pied et à secouer nonchalamment la tête d’avant en arrière. Passage rapide devant la pyrotechnie et le death mélodique de In Flames sur la mainstage, attrayant si le genre ne vous débecte pas autant que moi, et retour sous un ciel étoilé tel une insulte à ceux qui se sont tapé la pluie toute la journée.



Le festival s’est donc ouvert sous les meilleures auspices malgré ce coup dur qu‘avait été il y a quelques semaines l‘annulation de Masters Of Reality. Les Melvins ont rempli leur rôle de catalyseur et sont sans mentir le groupe le plus fascinant qui m’ait été donné de voir en live, que ce soit en terme de présence, de musicalité, d’originalité et d’intensité sonore. Rares sont les formations modernes (comptez depuis le début des années 90) qui font preuve d’autant de foi et de liberté autant dans la composition que dans l'interprétation scénique, oubliant toutes questions de style ou d’appartenance à un quelconque et obscur mouvement. Cobain en disait qu’ils étaient « le passé, le présent et le futur de la musique ». S‘il serait déplacé de les canonner en prophètes, ceci contre leur volonté et vision des choses, ils ont sans doute possible un rôle des plus influents dans l’esthétisme de notre musique contemporaine et continueront à impressionner, surprendre et influencer pour encore bien des années. Le pouvoir de l’invocation a une nouvelle fois fait ses preuves.



Crédit photos: Matthieu Ezan - Matthieu Ezan
Eric Bagnaro - Ozirith
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