Hellfest 2016, deuxième dimanche de sabbat
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Introduction
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- La Vallée, refuge des étrangers
- Enfer et damnation
- La fin de Sabbath
Enfer et damnation
Après avoir repris des forces, retour dans la Vallée avec un prestation que j’attends tout particulièrement : celle de Rival Sons. Un groupe comme ça au Hellfest, c’est quand même plus que borderline. Non pas que le carré de Long Beach ne soit pas heavy, mais ce n’est pas sa qualité première. Rival Sons, c’est avant tout du blues, parfois sur son versant hard rock à tendance Led Zeppelin ou Free, mais souvent avec un côté plus posé proche de The Animals. Bref, avec Rival Sons au Hellfest, on frise l’erreur de casting. Une erreur que les américains manquent d’ailleurs d’entériner tant le début de leur set semble emprunté et timide. Après une entrée en scène au son du thème du Bon, la Brute et le Truand de Leone, les instrumentistes retranchés au fond des lieux abandonnent Jay Buchanan en pâture à la plèbe. Celui-ci, loin de se laisser démonter, traîne ses collègues au rythme de ses attaques vocales enflammées. Je le répète : pour moi, Buchanan est sans aucun doute l’un des plus grands chanteurs du circuit, et probablement le plus grand de la nouvelle génération de hard rockers. Ce soir, il ne démérite nullement, même si le micro ne rend pas hommage à son timbre. Il faudra d’ailleurs qu’on m’explique comment, depuis le temps que la technologie micro existe, ne parvient-on pas à faire ressortir pleinement les graves de la voix en live. Bref, Buchanan fait le taff en éclipsant les autres, permettant au groupe d’éviter la sortie de route. Probablement sont-ils anxieux à l’idée de connaître la réaction de ce public de metalheads aux mœurs si éloignées des leurs ? Ils ont pourtant tort de s’en faire, car à mesure que le temps passe, la tente toute entière se rallie à leur cause. Arrive un lent blues pensif, et Jay Buchanan d’envoyer : “C’est une chanson sur le pardon, alors n’oubliez pas de vous pardonner”, avant d’ajouter, frondeur : “Ce qui se dit dans les chansons de metal… rien n’est vrai là dedans. Rien !” Et la foule de lui faire un triomphe… A l’évidence, le second degré semble bien partagé dans la communauté. Sauf que le déclic s’est produit : les instrumentistes sortent de leurs gonds, se rapprochent du bord de la scène, Scott Holiday et Dave Beste quittent leur réserve et commence à s’exprimer corporellement, forts d’une confiance retrouvée. La suite est un pur moment de grâce, vingt à trente minutes de rock comme j’en avais rarement entendu, du style, du panache, de la morgue et du brio. Buchanan, en confiance, en rajoute : “Vous en voulez encore, les putains de T-shirts noirs ?” avant d’envoyer le tube qui déboîte, “Keep On Swinging”, closant les hostilités devant une assistance en liesse et proprement convertie. Rival Sons a été grand, immense même. Passant quelques minutes supplémentaires pour savourer leur coup d’éclat, les quatre hommes remercient chaleureusement la tente, Buchanan ajoutant : “Il y a encore plein de super concerts ce soir. Ne manquez pas Black Sabbath !” T’inquiète, c’est prévu au programme.
Crédit photo : © Heilewelt
Mais la soirée est encore longue. Laissant The Valley derrière moi, je refais le trajet vers la Main 1 pour aller voir ce que vaut Megadeth en 2016. Dix petites minutes d’attente, le temps d’apprécier, de loin, la fin de set d’Amon Amarth sur la Main 2. Un groupe qui a le sens de la mise en scène : deux immenses têtes de Drakkar ont été montées sur scène, et c’est sur l’une d’elle qu’est campé Johan Hegg, le chanteur (ou le brailleur, c’est selon), un solide gaillard barbu qui éructe ses harangues guerrières accompagné de riffs épiques. Là-dessus, la pyrotechnie s’invite aux festivité, les lance-flammes crachant un feu infernal par longues vagues incendiaires. Efficace, ma foi. Bon, par contre, il faut aimer le death metal. C’est un peu “rugueux”, tout ça. N’empêche que comme avant-concert, on a vu pire. Avant de quitter les lieux, Hegg va longuement saluer la foule en se rafraîchissant d’une pinte d’ale versée dans une corne de viking. Jusqu’au bout, le mec. Là-dessus débarque Megadeth plus proche du lieu où je suis, et je commence déjà me demander : mais il est où, Mustaine ? Ils sont tous sur scène mais pas lui… ah si, là bas. Mais… c’est ça, Dave Mustaine ? Un vieux bonhomme bouffi, les yeux gonflés, le visage lourdement marqué par les années, qui chante les yeux fermés et sans articuler ? Eh ben, le Big Four n’est plus ce qu’il était. Pourtant, même si je n’ai encore jamais vu Metallica en vrai, ils me font une toute autre impression derrière la caméra. Megadave, lui, est à peine là. Il chante tout juste, envoie ses solos sans passion et se fait bien rapidement éclipser par le petit nouveau de la bande, Kiko Loureiro, un jeune qui, lui, a envie d’en découdre. Enfin bon, ça reste du thrash, hein. Sympathique pour qui aime la branlette de manche, mais sensiblement lassant sur la durée. Je tiens trente minutes, et puis je m’en vais. Note pour plus tard : adresser mes condoléances à Dave pour ce décès artistique peu glorieux.
Crédit photo : © Ouest France
Un Dave en chassant d’ailleurs un autre. Après Mustaine, Navarro, changement radical de style en vue. Jane’s Addiction, je ne maîtrise pas des masses même si j’aime bien. En revanche, One Hot Minute, je maîtrise plutôt bien, ce qui me fait d’ailleurs dire que les Red Hot auraient dû demander à Navarro de reprendre du service plutôt que d’engager le transparent Josh Klinghoffer à la place de Frusciante. Bref, The Valley fait un accueil délirant à Perry Farrell et sa clique, mais très vite, la tente (et votre serviteur) n’ont plus d’yeux que pour Dave dont le jeu de guitare déploie une épaisseur et une profondeur peu communes. Tandis que Farrell marque la scène de sa démarche androgyne avec sa tenue sélect et son petit chapeau, tandis que deux lap danseuses exhibent - en tout bien tout honneur - leurs charmes sur un échafaudage au fond de la scène afin de faire monter la température de la gente masculine (en très grande majorité au sein du festival, faut-il le souligner), Navarro, l’air de rien, assassine l’auditoire à grands coups de riffs funk-metal et de soli ravageurs. Torse nu, l’air revêche et la mine torve, le guitariste, biceps saillants, tatouages virils, mèche d’ébène et rimmel de drug addict, se montre cent mille fois plus rock n’ roll que tous les barbus brailleurs sapés en noir que j’aie pu voir dans la journée. Sans compter qu’à la basse, Chris Chaney est loin d’être une tanche. Ça déboîte sec, ça groove, ça joue de la pédale et de la réverb’ (à l’ancienne, face aux amplis), et même si mélodiquement le set est plus contestable, il règne dans la vallée une ambiance de feu. Enthousiasmé, je jette un œil à ma montre, et diantre, un dilemme s’offre à moi : rester jusqu’au bout du concert de Jane, où aller profiter pleinement des superstars en devenir que sont Ghost. Préférant me fier au ressenti de mes collègues à la rédaction d’Albumrock, j’abandonne à regret la tente avec un bon souvenir et une impression de trop peu. Qui sait ce que j’ai loupé après coup.
Crédit photo : © Olivier Ducruix, Guitar Part
Et grand mal m’en a pris. S’il y a bien une déception à retenir de cette journée, c’est pour moi Papa Emeritus et ses Nameless Ghouls. Le concept de Ghost m’interpellait déjà depuis un moment, cette idée de jouer de contrastes, ces atours très provocants, cette resucée heavy metal d’Alice Cooper assaisonnée d’un chant pop en voix claire et limite mainstream : il fallait absolument que j’en aie le cœur net. Arrivée cérémonieuse, apparat, cloches, décor d’église (ou d’anti-église), ribambelles de nones allant distribuer une communion sanglante aux premiers rangs… enfin sanglante, sur les écrans géants ça ressemblait plutôt à du muscadet, leur truc. Bref, les suédois sortent le grand jeu. Point de vue musique, le son est bon, le heavy metal est bon sans faire preuve d’une folle originalité, et je me trouve trop éloigné de la scène pour apprécier comme il se devrait ce tableau voulu sataniste un brin dérangé. Mais très vite, un détail me chiffonne. Ils se prennent quand même vachement au sérieux, les zozos. Les masques des Nameless Ghouls empêchent de voir leurs diverses expressions, et Papa Emeritus III, au visage cadavérique bariolé de blanc et de noir, arbore une mine constamment contrariée. Cache ta joie, mon ami. Même les vannes qu’il fait sur les français semblent tomber à plat. Encore heureux que je comprenne l’anglais, car le pape est disert et fait traîner ses prêches en longueur, ce qui a le don d’agacer mes voisins directs qui eux, apparemment, ne pipent rien. Très vite, alors que sa sainteté - ou plutôt sa vilenie - fait tomber sa mitre et sa tiare, laissant apparaître une mèche noire rutilante et un costume de groom des enfers, le set s’enlise dans une routine impotente même si, çà et là, quelques riffs ravageurs viennent réveiller mon intérêt. Puis le set se termine sur une énième diatribe papale sur l’orgasme féminin, diatribe bien longue cette fois-ci (même pour moi), et le fameux “Monstrance Clock” clôt les hostilités avec feu d’artifice - un vrai feu d’artifice, fusées et tout le toutim, bref mais réussi - et chorale enfantine. Chorale enfantine… attendez un peu les mecs : vous faites chanter des trucs salaces à des mômes ? Ah ben ça, c’est rock n’ roll, hein, ha ha ! Ouah, c’te provoc’... ou plutôt non. Je m’excuse, mais il y a des limites à ne pas franchir. Critiquer l’institution religieuse, les mœurs, la société, la morale, passe encore. Jouer les satanistes de carnaval, si ça peut les faire marrer, hein, bon. Mais on ne me fera pas dire que faire chanter des gamins sur un titre vantant l’orgasme, c’est rock n’ roll, surtout lorsque Papa Emeritus conclut le titre d'un trivial "and don't forget to fuck eachother!". C’est minable et complètement à côté de la plaque. Mon côté vieille France, sans doute… allez, tchao les clowns, place aux artistes. Aux vrais.