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Interview de Jean-Noël Scherrer de Last Train


Mathilde, le 09/05/2024

C'est dans dans une coquette petite rue de Boulogne-Billancourt que je rencontre Jean-Noël du groupe remarqué et remarquable Last Train, venu sur Paris pour la promo de Original Motion Picture Soundtrack qui sortira le 17 mai. Un projet de bande-son d'un film qui n'existe pas, avec plein de musique classique dedans, autant dire un sacré challenge pour le groupe qui s'est pourtant prêté très intensément à l'exercice. L'interview a elle aussi ce ton de générosité, de disponibilité. Car chez Last Train on prend la musique très au sérieux.

 

La dernière fois qu'on s'était parlés c'était au téléphone, Last Train était en tournée pour son précédent album à l'été 2022, et à l'époque tu m'avais dit que vous alliez faire une pause... Et résultat un an et demi après vous avez sorti un album, un documentaire, un vinyle... On s'arrête jamais chez Last Train?

En fait nous quand on dit qu'on s'arrête c'est qu'on va bosser en fait (rires). Moi je sais pas m'arrêter, ça me ferait sans doute du bien mais j'ai trop peur que ça me fasse du mal. Depuis quelques années je fais des randonnées en montagne en itinérance et c'est pendant ce moment d'inactivité que je compose le plus. C'est précieux de provoquer cet espace, mais résultat des courses, ça ne s'arrête pas quoi. Mais je suis très heureux comme ça et j'ai pas particulièrement envie de changer.

 

Le documentaire commence de façon assez tendue, on sent que les membres du groupe ne sont pas en totale connivence sur le projet, sur la temporalité pour le mettre en oeuvre... Comment on fait pour garder la cohésion du groupe quand les différents membres n'ont pas la même façon de travailler?

On se connait depuis très longtemps, et on sait qu'on peut être en désaccord. On sait qu'on a des rythmes et des priorités différentes. On a nos caractères mais on est aussi des adultes, et on ne s'attarde plus sur les petites tensions. Tous les membres du groupe ont eu un rôle dans le projet et au final l'équilibre est intéressant.

 

Et peut-on dire que Rémi Gettliffe est le 5ème membre du groupe?

Oui car il a réalisé tous les albums, il a une place importante et c'est un peu notre grand frère. On fait même des promos avec lui car cela lui revient de droit également.

 

Comment on passe de l'envie de faire du rock à celle de faire de la musique classique?

C'est venu d'une suite logique, à la suite de portes qu'on avait déjà ouvertes par exemple sur The Big Picture, sur le titre "How Did You Get There" qui était déjà un exercice en soi. J'avais peur de tomber dans un cliché d'un rock symphonique ou progressif qui sont des styles de musique qu'on déteste. En tous cas si on voulait quelque chose d'orchestral il fallait enlever le cadre d'un groupe de rock, guitare batterie et tout ça... Je suis super content car cela m'a permis d'avoir une liberté totale sans se demander qui allait jouer quoi, comment on pourrait le jouer en live, si ça ne faisait pas "too much".

 

Dans le documentaire avec Rémi Gettliffe vous vous dites que vous allez "vous mettre bien" pour faire ce projet, qu'est ce que ça veut dire ?

Dans le calendrier serré des dernières années il y a eu peu de place pour le kif, il y avait un "never ending" à toujours penser à ce qui vient ensuite. Et comme de toutes façons on ne savait pas où on allait avec ce projet, on s'est dit qu'on allait prendre le temps en studio d'expérimenter, d'apprendre. Sur les précédents albums on cherchait l'efficacité, là on voulait juste faire les choses bien, sans limite de temps (toutes proportions gardées) pour ne pas avoir de regrets. On a utilisé des logiciels à fond, en approfondissant leurs fonctions. On apprend énormément de choses sur ce genre de projet.

 

Last Train donne l'impression d'avoir besoin de challenge pour avancer...

C'est sûr, on a besoin de défi. Je ne veux surtout par refaire des trucs qu'on a déjà faits. De base je voulais dropper le projet un peu de mon côté sans promo, image ou interview. Et puis une chose en a entraîné une autre et on se retrouve avec une collaboration avec l'orchestre symphonique de Mulhouse, une captation vidéo, un vinyle etc... C'est ça qui est précieux, une idée peut provoquer beaucoup d'opportunités.

 

Comme tu dis dans le documentaire "il faut déjà accepter de faire ce projet"...

Oui, c'est ça, moi je crois aux faiseurs, aux personnes dans l'action. L'échec ne me fait pas particulièrement peur mais il y aura toujours du bon à échouer. Et la seule différence entre quelqu'un qui échoue  et quelqu'un qui ne fait rien c'est l'apprentissage qu'il y a derrière. Surtout quand on voit que ça permet à plein de gens de travailler dessus, tout ça à partir d'une idée "débile". Et tant mieux si ça peut inspirer les petits groupes (nous on est aussi plutôt confidentiels) à aller au bout de leurs idées...

 

Avec Rémi vous avez voulu commencer par des parties "faciles" dans le processus de création, quels ont été ces éléments faciles?

Bah rien n'a été facile en fait (rires). Tu vois précédemment je te disais qu'on voulait se mettre dans une phase de kif et en fait ça a été rapidement super chiant. Il y a plein de gens qui vont aborder cette part technique avec beaucoup de détente, or chez nous cette part de défi est toujours là, cette envie d'aller au bout des choses... Tout devient vite important quoi. Il y avait des titres contemplatifs comme "Fire" qui ont été plus faciles à exécuter, car on avait déjà fait des nappes de claviers similaires auparavant. Mais bon ensuite fallait un peu plus diguer. C'est devenu tellement bizarre quand on a commencé à orchestrer. C'est comme si on passait des jours à tenter des choses qui n'avaient ni queue ni tête.

 

Tu dis ne pas bien connaitre la musique, le solfège etc... Comment faire pour transposer des morceaux qui au départ ne sont pas conçus sous forme de notes?

Alors aujourd'hui je sais lire les notes (rires) ! J'ai acquis avec ce disque quelques notions de solfège, qui permet de te faire comprendre, et ça c'est beau. Avec bien sûr l'aide d'un orchestrateur. Rémi a le même bagage musical que moi, donc on était dans le même flou. L'écriture de la musique sans les notes pour nous c'était ok, c'était rigolo d'écrire des envolées de cordes, des rythmiques de timbales, des lignes de cuivre. Mais quand tu dois l'expliquer à cinquante musiciens... Sinon on a tout programmé sur clavier, et après ça part sur des pavés midi et tu peux en sortir des partitions. Et après l'orchestrateur est venu traduire tout ça pour l'orchestre. 

 

Chez Albumrock on vous a classé dans la case cinématographico-contemplatif, il y a deux ans je te disais aussi que vous faisiez du rock grunge sophistiqué, on peut dire que Last Train échappe et veut échapper aux catégorisations mais peut-on vous qualifier de "groupe intense"?

(Rires) C'est cool ouais, j'aime bien. C'est assez juste. On est intense à tous niveaux pour nous quatre mais aussi pour les gens qui acceptent de travailler avec nous. Tout le monde sait qu'on se met toujours des gros challenges à chaque fois. Donc j'aime bien "intense" car ça va au-delà de la catégorie musicale.

 

Vous prenez le rock au sérieux, cependant j'ai trouvé OMPS plus lumineux que les autres albums, voire enjoué?

Super! Oui, il y a des mélodies plus romantiques, comme sur "94" qui est majeur, ouvert. Nous ce qui nous intéresse c'est vraiment les émotions, sinon ça n'a pas trop de sens. Si tu as ressenti ça c'est que c'est juste, on ne peut rien redire à cela. Je suis content si t'as ressenti ça. Heureusement chez Last Train il y a aussi du fun, on rigole... Mais ça me marque que tu dises qu'on prend la musique très au sérieux...

 

C'est peut être par souci de produire aussi des bons disques pour le public...

Oui, en tous cas c'est tout à fait correct, et c'est ce qui nous différencie avec toute une scène de copains, copines plus détendus et quand on les voit on se dit "oh putain qu'est ce que ça a l'air cool d'être détendu". On voit beaucoup le plaisir à faire de la musique chez les Johnny Mafia par exemple... Alors c'est un plaisir pour nous aussi mais j'ai toujours considéré la musique comme importante. Et de la faire en provoquant des émotions.

 

C'est quoi "faire de la musique pour soi"? Quand tu fais de la musique tu penses à toi d'abord, ou alors tu te demandes si elle va plaire aux autres membres du groupe, au public ?

J'ai mis du temps à m'en rendre compte, mais j'ai envie d'écrire de la musique qui me plait. C'est presque un ego trip. Je voulais sur ce disque particulièrement écrire la musique qui est proche de la musique que moi j'écoute au quotidien. J'écoute de tout, et beaucoup de classique aussi. Et là c'était super satisfaisant et je pense que beaucoup d'artistes gagneraient à se poser cette question: "est ce que j'aime la musique que je joue?". Tim (bassiste du groupe) est par exemple un gros fan de pop, et c'est rigolo ce paradoxe entre ce qu'on propose et ce qu'on aime. Rémi m'a fait prendre conscience que j'avais fait ce projet pour me convaincre que j'étais capable de faire le genre de musique qui me plaît à moi avant tout.

 

Tu composes aussi apparemment pour le public, car on a pu voir pendant le concert à l'automne 2022 à la Maroquinerie plusieurs fans vous dire "merci". Comment as-tu interprété ces remerciements?

Ça fait partie des plus beaux moments de la vie que de se rendre compte que ce que tu fais a une résonance chez d'autres personnes. La vidéo est chou de voir les gens dire merci. C'est ce pour quoi on fait ce métier. Il y a des morceaux qui ont du accompagner la vie de certaines personnes...

 

Vous avez l'image inspirante d'un groupe de rock qui est parti de rien et qui inspire aussi...

Oui on a grandi dans un petit bled en Alsace, aucun de nos parents n'est musicien. Tant mieux si ça donne envie, après on reste Last Train, un petit groupe de rock indépendant dans une sphère qui est la nôtre, et je trouve ça beau et je suis super reconnaissant de l'espace qu'on nous accorde dans les médias etc...

 

Et ta boite de production Cold Fame, tu l'as laissée de côté?

J'y ai mis fin l'an dernier. J'aime beaucoup l'entreprenariat mais c'était devenu plus gros qu'une petite aventure artisanale. D'un côté tant mieux, il y avait de plus en plus d'artistes mais c'était devenu chronophage et je ne faisais plus beaucoup de musique et de "Last Train". Et je me suis rappelé que déjà étant tout jeune ma priorité c'était de faire de la musique avec mes potes et qu'il ne fallait pas que je perde ça de vue.

 

A propos de l'enfance, dans le court métrage How Did We Get There? (très intense aussi), on voit des flashbacks de l'enfance, Last Train a-t-il une fascination pour la nostalgie?

Oui on est des grands nostalgiques mais on a la nostalgie heureuse. On aime tous ce côté-là dans le groupe, on est des gamins plutôt privilégiés qui avons grandi à la campagne, nos parents ont été soutenants par rapport à nos projets musicaux. Et donc ça nous fait du bien de nous remémorer ça vu que l'on s'est rencontrés à l'âge de douze ans.

 

Des fois on a l'impression que vous avez soixante-dix ans quoi...

(Eclat de rire). Je pense pas que la nostalgie ait un caractère péjoratif. Elle est inspirante. Pendant l'écriture d'OMPS je suis retourné en Alsace dans le studio, j'ai dormi chez mes parents et j'ai refait les mêmes tours de vélo que je faisais petit et c'était super agréable, tu ressens les odeurs etc, et ça a dû contribuer au disque.

 

Dans OMPS  on repère des côtés Ennio Morricone, épiques, j'ai trouvé un peu aussi une tendance de films des années 90 (Armageddon), mais aussi un côté plus fantaisiste, qu'on pourrait trouver dans un dessin animé, et cela doit venir de l'enfance aussi...

Je suis méga client de musique à l'image, quand j'étais gamin j'étais vraiment fan de fantastique. J'écoute encore beaucoup Howard Shore, le compositeur du Seigneur des Anneaux. Et je suis aussi romantique donc j'écoute aussi John Barry dans Out Of Africa. Trent Reznor a fait la musique du dessin animé Soul, donc il y a des ponts possibles entre rock et Disney !

 

On apprend à la fin du documentaire qu'un autre projet va voir le jour (je ne révèle rien car à la parution de cette interview, tous les épisodes ne seront pas encore sortis), vous n'avez vraiment pas perdu de temps !

Ben oui on a pas chômé. Moi j'ai pu mettre mes pulsions de musique épique, et après on a eu envie de se retrouver dans quelque chose de plus simple tous les quatre. 

 

Quelle place a OMPS dans votre discographie?

Chacun l'interprètera comme il veut. On m'a dit que c'était comme un prequel du reste de l'aventure... Les gens adhéreront ou pas, on ne se formalise pas là-dessus...

 

Un opéra rock dans l'avenir peut-être?

On ne sait pas, mais c'est pas exclu.

 

Il y aura des concerts live de Last Train avec l'orchestre symphonique?

Il y aura collaboration. Sans faire de teasing, on a commencé à travailler il y a cinq ans avec eux donc nos échanges sont fluides et on parle un jour de monter avec eux sur scène mais c'est pas pour maintenant. Il y a d'autres choses qui arrivent avant !

 

Original Motion Picture Soundtrack à paraître le 17 mai 2024.

Episode 1 du documentaire OMPS : https://www.youtube.com/watch?v=k6EquiMN5Ew

 

Un grand merci à Jean-Noël pour sa disponibilité, ainsi qu'à Marie Britsch pour l'organisation de cette interview !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires
MathildeAR, le 09/05/2024 à 13:58
En plus t'es en Alsace, profite bien de Last Train et de la gastronomie, Marceau que je connais un peu !
MarceauM, le 09/05/2024 à 13:23
Lire cette interview depuis l'Alsace me donne encore plus envie de voir et écouter ce projet. Excellente interview !